les certificats d’Économie d’Énergie dans les … · 2018-05-16 · les certificats...

27
LES CERTIFICATS D’ÉCONOMIE D’ÉNERGIE DANS LES TRANSPORTS ÉTAT DES LIEUX ET ANALYSE DES POTENTIELS AVRIL 2018 5.18.004

Upload: others

Post on 13-Jul-2020

11 views

Category:

Documents


0 download

TRANSCRIPT

Page 1: LES CERTIFICATS D’ÉCONOMIE D’ÉNERGIE DANS LES … · 2018-05-16 · les certificats d’Économie d’Énergie dans les transports État des lieux et analyse des potentiels

LES CERTIFICATS D’ÉCONOMIE D’ÉNERGIE DANS LES TRANSPORTSÉTAT DES LIEUX ET ANALYSE DES POTENTIELS

AVRIL 20185.18.004

L’INSTITUT D’AMÉNAGEMENT ET D’URBANISME DE LA RÉGION D’ÎLE-DE-FRANCEEST UNE FONDATION RECONNUE D’UTILITÉ PUBLIQUE PAR DÉCRET DU 2 AOÛT 1960.

15, RUE FALGUIÈRE - 75740 PARIS CEDEX 15 - TÉL. : 01 77 49 77 49

Page 2: LES CERTIFICATS D’ÉCONOMIE D’ÉNERGIE DANS LES … · 2018-05-16 · les certificats d’Économie d’Énergie dans les transports État des lieux et analyse des potentiels

LES CERTIFICATS D’ÉCONOMIE D’ÉNERGIE DANS LES TRANSPORTS ÉTAT DES LIEUX ET ANALYSE DES POTENTIELS

Avril 2018

IAU île-de-France 15, rue Falguière 75740 Paris cedex 15 Tél. : + 33 (1) 77 49 77 49 - Fax : + 33 (1) 77 49 76 02 http://www.iau-idf.fr

Directeur général : Fouad Awada

Département Mobilité et transports : Dany Nguyen-Luong, directeur de département Étude réalisée par Dany Nguyen-Luong et Cédric Cariou Maquette réalisée par Cédric Cariou N° d’ordonnancement : 5.18.004

En cas de citation du document, merci d’en mentionner la source : Nguyen-Luong Dany et Cariou Cédric / Les Certificats d’économie d’énergie les transports : état des lieux et potentiels / IAU îdF / version 2018

Page 3: LES CERTIFICATS D’ÉCONOMIE D’ÉNERGIE DANS LES … · 2018-05-16 · les certificats d’Économie d’Énergie dans les transports État des lieux et analyse des potentiels
Page 4: LES CERTIFICATS D’ÉCONOMIE D’ÉNERGIE DANS LES … · 2018-05-16 · les certificats d’Économie d’Énergie dans les transports État des lieux et analyse des potentiels

Sommaire 1. Introduction ............................................................................ 1

2. Etat des lieux et bilan ............................................................. 1

2.1 Définition ........................................................................................................................... 1

2.2 Les objectifs triennaux .................................................................................................... 2

2.3 Les acteurs du dispositif ................................................................................................. 4

2.3.1 La DGEC et le PNCEE .................................................................................................... 4

2.3.2 L’ATEE ............................................................................................................................ 5

2.3.3 L’ADEME ......................................................................................................................... 5

2.3.4 Les obligés : les acteurs principaux ................................................................................ 6

2.3.5 Les éligibles ..................................................................................................................... 8

2.3.6 Le marché EMMY ............................................................................................................ 8

2.4 Les actions permettant d’obtenir des CEE .................................................................. 10

2.4.1 Les opérations standardisées ....................................................................................... 10

2.4.2 Les opérations spécifiques ............................................................................................ 11

2.4.3 Les programmes ........................................................................................................... 11

2.4.4 Les achats de CEE sur le marché EMMY ..................................................................... 12

2.5 Parts des CEE selon les modes d’action ..................................................................... 12

2.6 Bilan des trois périodes triennales complétées.......................................................... 13

3. Les CEE dans le secteur des transports ............................ 14

3.1 Part des transports dans l’attribution des CEE .......................................................... 14

3.2 Les fiches standardisées en transport ........................................................................ 14

3.2.1 La fiche révisée TRA-EQ-101 : UTI .............................................................................. 15

3.2.2 La fiche révisée TRA-EQ-103 : télématique embarquée .............................................. 15

3.2.3 La fiche révisée TRA-SE-101 : formation écoconduite ................................................. 16

3.2.4 Bilan de l’utilisation des fiches transports en 3ème période ............................................ 16

3.3 Les opérations spécifiques en transport ..................................................................... 19

3.4 Les programmes en transport ...................................................................................... 20

4. Conclusion ............................................................................ 22

Page 5: LES CERTIFICATS D’ÉCONOMIE D’ÉNERGIE DANS LES … · 2018-05-16 · les certificats d’Économie d’Énergie dans les transports État des lieux et analyse des potentiels

1 IAU îdF – Les Certificats d’Économie d’Énergie dans les transports : état des lieux et potentiels

1. Introduction

Le dispositif des certificats d'économies d'énergie (CEE) existe depuis 2006 mais il est peu connu dans le secteur des transports de personnes. Le mécanisme semble de prime abord complexe mais il se trouve qu’après 12 ans d’existence, le dispositif s’est révélé efficace dans le secteur du bâtiment où l’isolation et le chauffage sont des gisements très importants d’économie d’énergie. L’un des enjeux de la quatrième période (2018-2020) qui commence est d’étendre l’impact de ce dispositif à d’autres secteurs d’activités où des gisements d’économies d’énergie se révèlent potentiellement importants et encore inexploités, notamment dans le transport de personnes.

L’objet de cette note de synthèse est de présenter le dispositif des CEE, d’en pénétrer le mécanisme et de mieux le faire connaître auprès de tous les acteurs de la mobilité : collectivités locales (service transport et service énergie), autorités organisatrices de la mobilité, opérateurs privés de la mobilité, exploitants, professionnels des transports.

2. Etat des lieux et bilan

2.1 Définition

Le dispositif des certificats d’économies d’énergie est un outil de la politique nationale de maîtrise de la demande énergétique.

Ce dispositif a été créé par la loi de Programmation fixant les Orientations de la Politique Énergétique (POPE) du 13 juillet 2005. Cette loi constituait en 2005 l'un des instruments phare de la politique de maîtrise de la demande énergétique. Les lois sur l’Engagement National pour l’Environnement ENE (2010) et celle relative à la Transition Énergétique pour la Croissance Verte TECV (2015) ont maintenu et renforcé le dispositif.

Une obligation de réalisation d’économies d’énergie est imposée par la puissance publique aux vendeurs d’énergie appelés les « obligés ». Ceux-ci sont ainsi incités à promouvoir activement l’efficacité énergétique auprès de leurs clients : ménages, collectivités territoriales, entreprises.

C’est une démarche innovante car la loi demande aux fournisseurs d’énergie de proposer des solutions techniques afin que le consommateur final consomme moins. Il y a là un paradoxe : on demande à des vendeurs d’énergie de faire des économies d’énergie chez leurs clients, c’est-à-dire d’aller à l’encontre de leur modèle économique qui est de vendre le plus possible. Mais le contexte français avec quelques grands groupes énergétiques ayant des liens de confiance avec la clientèle a été propice pour qu’un processus vertueux se mette en place. Le paradoxe a été dépassé car on a changé de paradigme et l’on est passé, pour les grands groupes, d’un modèle de vente d’énergie à un modèle de services énergétiques où la valeur de l’activité ne dépend plus du volume d’énergie vendue mais bien du service et de l’utilité de l’énergie économisée. En revanche, pour les « petits » obligés (par exemple un vendeur de fioul indépendant), le dispositif a été très contraignant. Certains n’ont d’ailleurs pas rempli leurs obligations et ont dû payer des pénalités.

Page 6: LES CERTIFICATS D’ÉCONOMIE D’ÉNERGIE DANS LES … · 2018-05-16 · les certificats d’Économie d’Énergie dans les transports État des lieux et analyse des potentiels

2 IAU îdF – Les Certificats d’Économie d’Énergie dans les transports : état des lieux et potentiels

Encadré 1 : Quelques chiffres de réalisation chez les consommateurs finaux dans le cadre des certificats d’économie d’énergie

Le dispositif des CEE entre 2011 et 2014 a permis d’impulser 25 milliards d’euros d’investissements dans les travaux d’économie d’énergie entraînant 2 milliards d’euros économisés annuellement par les consommateurs.

Dans le secteur résidentiel : 1 million de chaudières individuelles et remplacement de chaudières

collectives dans 400 000 logements. Isolation des combles, toitures et murs pour 425 000 logements.

Dans le secteur tertiaire : 20 millions de m2 d’isolants de toiture et 87 km d’isolation de réseaux d’eau chaude sanitaire.

Dans le secteur de l’industrie : 950 000 kWh1 de puissance moteur équipée de variation électronique de vitesse sur moteur asynchrone. 330 000 kWh de puissance de compresseurs équipés de récupérateurs de chaleur.

Dans le secteur de l’agriculture : 2.5 millions de m2 de serres équipées de système de chauffage

performant. 6 millions de m2 équipés d’ordinateur climatique.

Dans le secteur des réseaux : rénovation de 250 000 luminaires d’éclairage public.

En Ile-de-France, 450 GWh ont été déposés par le SIGEIF et le SIPPEREC, deux syndicats mixtes

de communes qui se structurent autour des thèmes de l’énergie (électricité, gaz, communications…). Ils ont obtenu la compétence de valoriser les certificats d’économies d’énergie générés par les actions réalisées par les collectivités et les organismes publics d’Ile-de-France, au travers d’une convention passée avec un obligé partenaire. Ainsi, les CEE générés par les collectivités membres sont revendus à un prix fixé en amont avec l’obligé.

Sur la troisième période 2015-2017, les CEE dans le secteur du transport de marchandises ont permis l’investissement dans 200 unités de transport intermodal, 13 000 systèmes de télématiques embarqués, 11 000 camions optimisés, et 27 000 formations éco-conduite.

Source : ATEE Club C2E : Mémento du Club C2E – 3ème période, avril 2015 & JTCEE 5 et 6 décembre 2017

Les obligés versent des primes directement aux ménages réalisant des travaux ou aux entreprises du bâtiment, de l’industrie, etc. Toutefois, il est difficile d’évaluer la part de l’effet d’aubaine ou d’accélération apporté par le dispositif CEE par rapport à une situation en l’absence de ce dispositif.

2.2 Les objectifs triennaux

Les « obligés » sont soumis à des objectifs triennaux. Un objectif triennal est défini par une quantité d’énergie en unité kWh cumac (voir encadré 2) à économiser grâce aux actions d’économies d’énergie mises en place. Cette quantité est répartie entre les vendeurs d’énergie obligés au prorata de leurs ventes d’énergie aux consommateurs finaux. A la fin de la période de trois ans, ils doivent justifier de l'accomplissement de leurs obligations par la détention d'un montant de certificats équivalent à ces obligations.

Il y a eu trois périodes triennales, avec des objectifs croissants qui ont été adaptés au fur et à mesure de l’évolution du dispositif (tableau 1). La première période n’intégrait pas de mesure sur le secteur des transports. Elles ont été intégrées au dispositif à partir de la 2ème période. De plus, lors de la 3ème période on a vu apparaître un nouveau type d’obligation, visant à faire porter des actions spécifiquement sur les ménages en situation de précarité énergétique. Il y a eu une période transitoire entre le 1er juillet 2009 et le 31 décembre 2010 sans objectif.

1 1 kWh = 1 kiloWatt heure

1 kWh est l’énergie fournie par une puissance d’un kilowatt pendant 1 heure. Deux exemples : une ampoule à incandescence de 60 W ayant une durée de vie de 1000 heures consomme 60 kWh. La centrale thermique au charbon de Vitry-sur-Seine a une puissance de 500 MW et a fourni en 2013 une énergie de 1,63 TWh (source EDF). Elle a donc fonctionné 3260 heures en 2013, par exemple pendant 326 jours et 10 heures par jour.

Page 7: LES CERTIFICATS D’ÉCONOMIE D’ÉNERGIE DANS LES … · 2018-05-16 · les certificats d’Économie d’Énergie dans les transports État des lieux et analyse des potentiels

3 IAU îdF – Les Certificats d’Économie d’Énergie dans les transports : état des lieux et potentiels

Tableau 1 : Objectifs d’économie d’énergie par période triennale

Période triennale Objectif « classique » Objectif « précarité énergétique »

1er juillet 2006 au 30 juin 2009 (hors secteur transport)

54 TWh cumac

1er janvier 2011 au 31 décembre 2013 345 TWh cumac

+115 TWh cumac (ajouté en 2014)

1er janvier 2015 au 31 décembre 2017 700 TWh cumac 150 TWh cumac (ajouté mi-2015)2

1er janvier 2018 au 31 décembre 2020 1200 TWh cumac 400 TWh cumac

L’objectif d’économie sur la 4ème période, qui dure 3 ans, est de 1200 TWh cumac, soit l’équivalent de la somme des objectifs des 3 périodes précédentes qui se sont étendues sur 10 ans (hors la période transitoire d’un an et demi). Donc l’objectif sur la 4ème période est très ambitieux mais réaliste du fait de la montée en charge du dispositif : économiser en 3 ans ce que l’on a économisé en 10 ans.

Il faut avoir comme référence que 100 TWh cumac sont équivalents à la consommation énergétique résidentielle d’un million de Français pendant 15 ans (source : MTES).

2 La loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte (TECV) intègre dans le cadre du dispositif des CEE une obligation en

faveur des ménages en situation de précarité énergétique (Art. L211-1-1 du code de l’énergie).

Page 8: LES CERTIFICATS D’ÉCONOMIE D’ÉNERGIE DANS LES … · 2018-05-16 · les certificats d’Économie d’Énergie dans les transports État des lieux et analyse des potentiels

4 IAU îdF – Les Certificats d’Économie d’Énergie dans les transports : état des lieux et potentiels

Encadré 2 : Calcul des TWh cumac

Calcul d’un kWh cumac

Le terme « cumac » correspond à la contraction de « cumulé » et « actualisé ». Il s’agit du kWh d’énergie finale cumulée et actualisée sur la durée de vie du produit. Chaque action ou équipement d’économie d’énergie (par exemple, formation d’un conducteur à l’écoconduite, station de gonflage de pneumatique) définit un volume de kWh cumac variant selon la nature de l’action/équipement, de sa durée de vie, à laquelle on applique un taux d’actualisation de a=4%.

kWh cumac = gain annuel (kWh) x ca

avec ca coefficient d’actualisation calculé comme suit :

𝑐𝑎 = ∑1

(1 + 𝑎)𝑘= 1 +

1

𝑎(1 −

1

(1 + 𝑎)𝑛−1)

𝑛−1

𝑘=0

Exemple : une action qui permet d’économiser 1 TWh par an pendant 10 ans se verra attribuer 8,43 TWh cumac et non 10 TWh. 1ère année de vie -> économie d’1 TWh, 2ème année de vie -> économie de 0.996 TWh, ième année -> économie de 1/(1+a)i TWh.

L’actualisation privilégie surtout les économies d’énergie dans les premières années.

NB : Dans le document « C2E, mémento du Club C2E, 3ème période », publié en avril 2015 par l’ATEE, une erreur s’était introduite dans la retranscription de la formule de calcul du kWh cumac à la page 33. Elle apparaissait alors telle que :

kWh cumac = gain annuel (kWh) x durée de vie de l’équipement x ca

Or la durée de vie est déjà prise en compte et introduite dans le calcul par l’intermédiaire du coefficient d’actualisation. L’ATEE nous affirme que la formule dans ses feuilles de calcul est bonne3.

2.3 Les acteurs du dispositif

2.3.1 La DGEC et le PNCEE

Le Pôle National des CEE (PNCEE) fait partie de la Direction Générale de l’Énergie et du Climat (DGEC) du Ministère de la Transition écologique et solidaire (MTES).

Ses missions consistent à :

définir les textes législatifs et réglementaires encadrant le dispositif des CEE

veiller à son bon fonctionnement et au respect de ses objectifs dans le cadre des politiques nationales et européennes

instruire les demandes de CEE et délivrer les CEE

mettre en œuvre des opérations de contrôle

constater des infractions et prononcer les sanctions

3 Entretien avec M. Marc Gendron, délégué général du club C2E de l’ATEE

Page 9: LES CERTIFICATS D’ÉCONOMIE D’ÉNERGIE DANS LES … · 2018-05-16 · les certificats d’Économie d’Énergie dans les transports État des lieux et analyse des potentiels

5 IAU îdF – Les Certificats d’Économie d’Énergie dans les transports : état des lieux et potentiels

gérer et fixer les obligations individuelles

communiquer et informer sur le dispositif.

Un comité de pilotage présidé par le PNCEE regroupe toutes les parties prenantes. Il assure le suivi du dispositif et discute des évolutions nécessaires.

2.3.2 L’ATEE

L’Association Technique Énergie Environnement (ATEE), avec son club C2E, est au centre des échanges entre les professionnels réunis en groupes de travail thématiques. Les travaux, conduits en étroite liaison avec l’ADEME et la DGEC, ont pour objet de définir des opérations standardisées d’économies d’énergie éligibles au dispositif des CEE.

Le club C2E a pour missions de :

constituer un espace de rencontres et d’échanges neutre et fédérateur pour les acteurs concernés par le dispositif des CEE

être force de propositions auprès des pouvoirs publics

actualiser en révisant les fiches tous les 3 ans grâce aux spécialistes métier et professionnels travaillant dans les entreprises adhérentes de l’ATEE

dynamiser et capitaliser les retours d’expérience

diffuser les informations relatives au dispositif et d’aider les adhérents dans sa mise en œuvre.

2.3.3 L’ADEME

L’Agence de l’Environnement et de la Maîtrise de l’Énergie (ADEME) est partie intégrante du processus d’élaboration des fiches d’opérations standardisées et valide les calculs proposés par les groupes de travail de l’ATEE.

Elle apporte son expertise en liaison avec les professionnels des différents marchés, dans la définition des situations de références de consommation énergétique pour chaque technologie ou secteur concerné.

L’ADEME apporte également son expertise au PNCEE dans le traitement des demandes de CEE pour des opérations spécifiques.

L’ADEME met à disposition un calculateur CEE pour aider à l’estimation des CEE valorisables dans le cadre de projets d’efficacité énergétique.

Page 10: LES CERTIFICATS D’ÉCONOMIE D’ÉNERGIE DANS LES … · 2018-05-16 · les certificats d’Économie d’Énergie dans les transports État des lieux et analyse des potentiels

6 IAU îdF – Les Certificats d’Économie d’Énergie dans les transports : état des lieux et potentiels

2.3.4 Les obligés : les acteurs principaux

Les vendeurs d’énergie sont désignés comme les obligés. À la fin de chaque période triennale, ces obligés doivent présenter à l’État les CEE obtenus grâce à leurs actions.

Ce sont les vendeurs de fioul domestique, de carburants pour l’automobile4, de GPL carburant, de chaleur/froid, d’électricité, de GPL combustible et de gaz naturel dont les ventes annuelles sont supérieures à un seuil fixé par le décret « obligation »5 pour la troisième période (tableau 2).

Tableau 2 : Seuils obligeant les vendeurs par type d’énergie à obtenir des CEE

Type d’énergie Seuils (ventes annuelles)

Fioul domestique 500 m3

Carburants automobiles 7000 m3

GPL carburant 7000 tonnes

Chaleur/froid 400 GWh d’énergie finale

électricité 400 GWh d’énergie finale

GPL combustible 100 GWh PCS6

Gaz naturel 400 GWh PCS

Ainsi, aujourd’hui un vendeur de fioul vendant moins de 500 m3 par an n’est pas un obligé.

On compte, lors de la troisième période, une quarantaine de grands fournisseurs d’électricité, gaz, chaleur et froid (EDF, ENGIE, E.ON, Compagnie Parisienne de Chauffage Urbain …), plus de 1700 distributeurs de fioul domestique et une quarantaine de distributeurs de carburants automobiles (compagnies pétrolières et entreprises de la grande distribution telles que Total, BP, SIPLEC-Groupe Leclerc …). EDF, ENGIE et TOTAL comptabilisent à eux trois près de 70 % du total des CEE entre 2006 et 20137.

La répartition par type d’énergie est détaillée dans le tableau 3 pour la 3ème période (2015-2017) et la 4ème période (2018-2020).

4 La liste des obligés a été élargie aux fournisseurs de carburants en 2ème période 5 Décret 2014-1668 du 29 décembre 2014 6 PCS : Pouvoir Calorique Supérieur 7 Cour des Comptes, octobre 2013

Page 11: LES CERTIFICATS D’ÉCONOMIE D’ÉNERGIE DANS LES … · 2018-05-16 · les certificats d’Économie d’Énergie dans les transports État des lieux et analyse des potentiels

7 IAU îdF – Les Certificats d’Économie d’Énergie dans les transports : état des lieux et potentiels

Tableau 3 : Répartition des obligations de CEE en TWh cumac par type d’énergie pour la 3ème et la 4ème période

Type d’énergie

Obligations (en TWh cumac)

3ème période

%

Obligations (en TWh cumac)

4ème période

%

Fioul domestique 42,4 6,1% 61,7 5,1%

Carburants automobiles

335,7 48,0% 549,8 45,8%

GPL carburant 0,9 0,1% 1,21 0,1%

Chaleur/froid 13,8 2,0% 25,3 2,1%

Electricité 193,8 27,7% 369,1 30,8%

GPL combustible 8,0 1,1% 12,25 1,0%

Gaz naturel 105,4 15,0% 180,6 15,1%

Total 700 100% 1200 100%

Source : DGEC & Journées techniques-CEE des 2&3 juin 2015 – ADEME/ATEE/MEDDE

Il est intéressant d’observer le virage pris à l’initiative de la récente « Loi hydrocarbures8 » votée en décembre 2017. Durant les trois premières périodes, ce sont les distributeurs de fioul domestiques qui étaient soumis aux obligations du dispositif des CEE. Ces obligations concernaient environ 1700 entreprises, dont une très grande majorité de TPE. À partir du 1er janvier 2019, ce ne sont plus ces petits distributeurs qui seront soumis aux obligations de CEE, mais les entreprises grossistes qui produisent ou achètent le fioul à l’étranger et qui le revendent par la suite à ces distributeurs. De 1700 entreprises concernées, on passe à 35, parmi lesquelles entre 20 et 30 pourraient être soumises aux obligations des CEE. On observe ici une probable évolution de l’écosystème, d’autant plus que des réflexions9 sont en cours pour modifier le seuil d’obligation pour le fioul domestique (pour rappel, il est aujourd’hui de 500 m3 de vente annuelle et pourrait passer à 1000 m3 ou 2000 m3). Ce nouveau seuil ferait des grossistes de ce secteur des « obligés ». Ainsi les acteurs de plus petite taille (tels que les distributeurs par exemple) ne seraient plus obligés mais seraient éligibles au dispositif.

Un obligé a le choix des actions qu’il souhaite mettre en œuvre dans tous les secteurs d’activités (résidentiel, tertiaire, industriel, agricole, transports), pour tous types d’énergie (fioul, carburants, GPL carburant, chaleur/froid, électricité, GPL combustible, gaz naturel) et auprès des différents consommateurs finaux (ménages, entreprises, collectivités). Le dispositif des CEE est donc un outil mixte, associant une obligation règlementaire sur un objectif à atteindre et une liberté de choix dans les actions à mener pour atteindre cet objectif.

Un obligé qui n’a pas atteint ses objectifs CEE au bout de la période se voit appliquer une pénalité d’un montant de 15 € par MWh cumac manquant pour les CEE « précarité énergétique » comme pour les CEE « classiques »10 (elle était de 20 € en 3ème période). Néanmoins il peut, afin de remplir ses obligations, acheter des CEE sur le marché des CEE appelé EMMY (voir 2.3.6).

8 Loi 2017-1839 du 30 décembre 2017 mettant fin à la recherche ainsi qu'à l'exploitation des hydrocarbures et portant diverses

dispositions relatives à l'énergie et à l'environnement 9 Source : DGEC 10 Article R222-2 du code de l’énergie

Page 12: LES CERTIFICATS D’ÉCONOMIE D’ÉNERGIE DANS LES … · 2018-05-16 · les certificats d’Économie d’Énergie dans les transports État des lieux et analyse des potentiels

8 IAU îdF – Les Certificats d’Économie d’Énergie dans les transports : état des lieux et potentiels

2.3.5 Les éligibles

Afin de favoriser l’émergence d’un marché des CEE, le dispositif a prévu d’autres intervenants en plus des vendeurs d’énergie : les éligibles.

Les éligibles ont le droit de déposer des dossiers de demande de CEE. Ils peuvent donc entreprendre des opérations visant à générer des CEE, et les déposer en propre ou les valoriser au travers de partenariats avec des obligés.

Sont éligibles :

Les collectivités publiques : les collectivités locales (régions, départements, communes), groupement de collectivités locales et leurs établissements publics.

L’Agence Nationale de l’Habitat (ANAH).

Les bailleurs sociaux : les sociétés d’économie mixte (SEM) exerçant une activité de construction ou de gestion de logements sociaux

Les sociétés d’économie mixte dont l’objet est l’efficacité énergétique et qui proposent le tiers-financement11.

2.3.6 Le marché EMMY

EMMY est le registre national des CEE où les obligés et éligibles peuvent échanger des CEE. Si l’objectif essentiel des obligés est d’obtenir des CEE par des actions d’économies d’énergie, ils peuvent également en achetant des CEE atteindre leur obligation triennale et éviter ainsi de payer des pénalités.

Le cours d’un MWh cumac varie beaucoup en fonction de l’offre et de la demande du marché. Par exemple, entre janvier et octobre 2015, le prix du MWh cumac variait entre 2,3 € et 3,2 € sur le marché EMMY (https://www.emmy.fr), soit environ dix fois moins que les pénalités infligées en cas d’obligation non atteinte. Au début de la quatrième période, en janvier 2018, le prix du MWh cumac a atteint 4,2 €. Les objectifs élevés de cette période participent grandement à alimenter cette hausse du cours des CEE. Une fois enregistré, un CEE est valable 9 ans.

Durant les trois premières périodes, la société Locasystem International avait obtenu la délégation de service public de l’État pour gérer les enregistrements des CEE dans le registre national. Après un nouvel appel d’offres, c’est la société Powernext qui lui succède à partir du 1er Janvier 2018 pour une période de 5 ans. Véritable banque des CEE, le registre tient la comptabilité des certificats délivrés. Le PNCEE qui délivre des certificats d'économies d'énergie transmet un exemplaire de la décision de délivrance à Powernext. En 4ème période, une ouverture de compte auprès de l’EMMY coûte 150 € HT auquel s’ajoute une taxe de 0,15 ct € HT par MWh d’énergie finale enregistrée12 (contre 0,40 ct € HT au cours des périodes précédentes). Les titulaires de compte peuvent consulter leur compte, acheter ou vendre leurs certificats dans les meilleures conditions, le registre jouant le rôle de « place boursière » entre acheteurs et vendeurs. Le schéma suivant illustre le dispositif et les relations entre les parties prenantes.

11 Le tiers financement consiste à proposer une offre de rénovation énergétique qui inclut le financement de l’opération et un suivi post-

travaux. Les économies d’énergies générées suite aux travaux sont mesurées et servent au remboursement progressif de tout ou une partie de l’investissement. Ainsi, le maître d’ouvrage n’a pas à financer directement les travaux. 12 Arrêté du 1er décembre 2017 fixant le montant des frais de tenue de compte du registre national des certificats d’économies d’énergie,

publié au journal officiel du 20 décembre 2017.

Page 13: LES CERTIFICATS D’ÉCONOMIE D’ÉNERGIE DANS LES … · 2018-05-16 · les certificats d’Économie d’Énergie dans les transports État des lieux et analyse des potentiels

9 IAU îdF – Les Certificats d’Économie d’Énergie dans les transports : état des lieux et potentiels

Source : Journées techniques du 4-5 décembre 2017(Paris), IAU

DGEC

PNCEE

AUTORITE ADMINISTRATIVE

Délivre les CEE Surveille le « marché »

Fixe les obligations et délivre les CEE

ACTEURS NON OBLIGES DITS « ELIGIBLES »

Actions d’économies d’énergie

EMMY

« Marché » d’échanges des

CEE

ACTEURS OBLIGES

OBLIGATIONS CEE

Actions d’économies d’énergie

Actions définies par l’ATEE

Opérations standardisées

Opérations spécifiques

Programmes d’accompagnement

CONSOMMATEUR FINAL

Page 14: LES CERTIFICATS D’ÉCONOMIE D’ÉNERGIE DANS LES … · 2018-05-16 · les certificats d’Économie d’Énergie dans les transports État des lieux et analyse des potentiels

10 IAU îdF – Les Certificats d’Économie d’Énergie dans les transports : état des lieux et potentiels

2.4 Les actions permettant d’obtenir des CEE

Il existe 4 modes d’actions permettant d’obtenir des CEE : les opérations standardisées, les opérations spécifiques, les programmes d’accompagnement et les achats de CEE. Pour déposer un dossier de demande CEE auprès de l’ADEME, il faut que le montant de CEE corresponde au minimum à 50 GWh cumac, plusieurs opérations pouvant être regroupées dans un même dossier pour atteindre ce niveau d’énergie à économiser.

2.4.1 Les opérations standardisées

Pour faciliter la réalisation d’actions par les acteurs du dispositif, un catalogue officiel d’opérations « standardisées » a été constitué. Une opération est dite standardisée lorsqu’elle est reproductible et qu’elle permet d’atteindre des gisements diffus d’économies d’énergie.

Ces opérations standardisées se présentent sous forme de fiches qui permettent de calculer rapidement et de façon forfaitaire le nombre de kWh cumac résultant d’une opération.

Les valeurs indiquées dans les fiches sont le résultat de calculs réalisés à partir de situations de référence, construites avec des données statistiques reconnues au plan national (études ADEME,

données du CEREN13, etc.) ou imposées par la réglementation (écoconception, etc.). Ces fiches ont un caractère réglementaire et font l’objet d’arrêtés ministériels. Classées en six secteurs d’activité, elles constituent le pivot du dispositif, représentant 95% du volume des CEE délivrés sur les première et deuxième périodes et 90% sur la troisième période.

Au 31 décembre 2014, le catalogue comptait 304 fiches standardisées applicables aux actions engagées jusqu’à cette date. Le bilan de la 2ème période a permis de réviser l’ensemble des fiches. Ainsi, au 31 mars 2015, un nouveau catalogue pour la troisième période a été constitué ne comprenant plus que 109 fiches. Ce travail de révision et de réactualisation s’est poursuivi jusqu’à récemment. Au 1er janvier 2018, 188 fiches sont opérationnelles.

Tableau 4 : Évolution du nombre de fiches standardisées par secteur entre 2015 et 2018

Nomenclature Secteur Nombre de fiches

(octobre 2015) Nombre de fiches

(janvier 2018)

BAR Bâtiment résidentiel 46 49

BAT Bâtiment tertiaire 33 49

IND Industrie 23 31

AGRI Agriculture 17 20

TRA Transport 23 28

RES Réseaux 8 11

TOTAL 150 188

13 CEREN : Centre d’Étude et de Recherches Économiques sur l’Énergie

Page 15: LES CERTIFICATS D’ÉCONOMIE D’ÉNERGIE DANS LES … · 2018-05-16 · les certificats d’Économie d’Énergie dans les transports État des lieux et analyse des potentiels

11 IAU îdF – Les Certificats d’Économie d’Énergie dans les transports : état des lieux et potentiels

2.4.2 Les opérations spécifiques

Les fiches d’opérations standardisées ne peuvent pas, à elles seules, rendre compte de tous les types d’actions d’économies d’énergie possibles, certaines actions étant plus complexes ou non reproductibles. C’est pourquoi le dispositif prévoit la valorisation d’opérations dites « spécifiques ».

Contrairement aux opérations standardisées, les montants d’économies d’énergie ne sont pas forfaitisés et sont propres à chaque opération spécifique. Les dossiers de demande de CEE pour une opération spécifique sont beaucoup plus lourds à monter que pour une opération standard. Ils doivent répondre à plusieurs exigences définies par arrêté, notamment l’existence d’un audit énergétique datant de moins de 4 ans. Ils font donc l’objet d’un examen particulier par le PNCEE.

Depuis la création du dispositif jusqu’au 31 décembre 2014, les opérations spécifiques ont représenté environ 4% des CEE délivrés. La quasi-totalité (97%) de ces opérations spécifiques a concerné le secteur de l’industrie, et la plupart concernaient des opérations de récupération de chaleur.

2.4.3 Les programmes

Les programmes d’accompagnement liés à la maîtrise de la demande énergétique constituent le troisième mode d’obtention des CEE. En amont des opérations standardisées, ces programmes concernent des actions d’information, de formation, d’innovation voire d’expérimentation. Elles ne génèrent pas directement des économies d’énergie contrairement aux deux premiers modes d’action.

La contribution financière à ces programmes peut donner lieu à la délivrance de CEE. Ainsi, en troisième période, 15 € investis dans un programme permettaient de récupérer l’équivalent d’un MWh cumac, soit en partant d’une valorisation de 3 € par MWh cumac, 20% de l’investissement. En quatrième période, le dispositif devient encore plus intéressant : 5 € seulement investis dans un programme permettent de récupérer l’équivalent d’un MWh cumac de CEE dit « classique » (soit 60% de l’investissement) et 8 € investis permettent de récupérer l’équivalent d’un MWh cumac de CEE dit « précarité énergétique ».

La liste des programmes et les conditions de délivrance des CEE associés sont définies par des arrêtés ministériels. En 4ème période, ce sont 15 programmes qui sont reconduits, dont 5 programmes en transport de personnes (Wimoov, ALVEOLE, Pend-AURA, OBJECTIFCO2 et ADVENIR).

Les programmes « Toits d’abord », « Watty à l’école », « SMEn », « ADVENIR » et « Objectif CO2 » de la troisième période sont reconduits sur l’ensemble de la quatrième période, jusqu’en 2020. Les autres programmes ne sont reconduits que jusqu’à la fin de l’année 2018 afin de finaliser le déploiement des actions engagées lors de la troisième période.

Le décret « certificats »14 fixe à 140 TWh cumac (soit 16,5% des 850 TWh cumac) la part maximale de l’obligation de la 3ème période allouée aux programmes. Cette « enveloppe » maximum allouée aux programmes évolue en quatrième période, et passe à 200 TWh cumac15, soit 12,5% des 1600 TWh fixés en CEE « classiques » et précarité confondus.

Quelques exemples de programmes :

Deux programmes à l’initiative de collectivités locales : PRO-INFO-5 : Sensibilisation à l’efficacité énergétique des communes de Vendée

PRO-INFO-6 : Suivi de consommation et conseil énergétique aux collectivités de Rhône-Alpes

Programme d’information conduit par la société CO2 : « Watty à l’école ». Le but a été d’organiser un concours dans 150 établissements scolaires pour trouver des solutions économes en énergie et en eau.

14 Décret 2014-1557 du 22 décembre 2014 (article 9) 15 Décret n° 2017-1848 du 29 décembre 2017 (article 11)

Page 16: LES CERTIFICATS D’ÉCONOMIE D’ÉNERGIE DANS LES … · 2018-05-16 · les certificats d’Économie d’Énergie dans les transports État des lieux et analyse des potentiels

12 IAU îdF – Les Certificats d’Économie d’Énergie dans les transports : état des lieux et potentiels

Programme « FEE Bat » conduit par l’ATEE en partenariat avec EDF, visant à systématiser la prise en compte de la dimension énergétique et environnementale dans les travaux de rénovation. Ce programme a été reconduit en 3ème période.

Deux programmes de lutte contre la précarité énergétique : « Habiter mieux » porté par l’ANAH, visant sur la période 2015-2017 à la rénovation

de 185 000 logements dont les occupants sont en situation de précarité énergétique

« Toits d’abord » porté par la Fondation Abbé Pierre, visant à la production d’une offre locative à loyers « très sociaux » de 600 à 700 logements par an.

Programme « ADVENIR » concernant le transport : Générant des CEE « classiques », ce programme a pour objectif la mise en place de 13 700 nouveaux points de charge pour véhicules électriques hybrides ou rechargeables en dehors des logements individuels. Le programme, mis en place initialement en septembre 2016, est reconduit sur l’ensemble de la 4ème période, avec pour nouveauté l’ouverture du programme aux bornes installées sur la voirie publique. Pour la quatrième période, 3 nouveaux financeurs rejoignent EDF, déjà engagé dans le programme durant la troisième période à hauteur de 9,75 millions d'euros : Bolloré Energy, SCA Pétrole et Dérivés et la Société d’Importation Leclerc. Le budget total du programme atteint 19,92 millions d'euros. La prime ADVENIR vient couvrir les coûts de fourniture et d'installation de points de recharge à hauteur de 40% pour les entreprises et les personnes publiques et 50% pour le résidentiel collectif. L'initiative s'inscrit en complément du crédit d'impôt de 30% sur l'acquisition de système de charge pour les particuliers.

2.4.4 Les achats de CEE sur le marché EMMY

Les obligés peuvent également en achetant des CEE atteindre leur obligation triennale et éviter ainsi de payer des pénalités. C’est plus souvent le cas pour les petits vendeurs d’énergie qui préfèrent acheter des CEE plutôt que de subventionner des équipements permettant des économies d’énergie chez leurs clients (voir 2.3.6).

2.5 Parts des CEE selon les modes d’action

Tableau 5 : Répartition des CEE en fonction du mode d’action et par période

Mode d’action 1ère + 2ème période 2ème période seule 3ème période

(bilan janvier 2018)

Opérations standardisées

95% 91,4% 90%

Opérations spécifiques

4% 4,4% 6%

Programmes d’accompagnement

1% 4,2% 4%

Total 100% 100% 100%

Les actions standardisées sont prépondérantes. L’un des objectifs de la troisième période était d’accorder une place plus importante aux programmes (16,5%) et se poursuit durant la quatrième période. Cette diversification possible et souhaitable des programmes des CEE vers le secteur des transports de personnes ne devrait toutefois pas affaiblir la capacité des CEE à soutenir les travaux diffus qui restent nécessaires pour atteindre les objectifs d’efficacité énergétique.

Page 17: LES CERTIFICATS D’ÉCONOMIE D’ÉNERGIE DANS LES … · 2018-05-16 · les certificats d’Économie d’Énergie dans les transports État des lieux et analyse des potentiels

13 IAU îdF – Les Certificats d’Économie d’Énergie dans les transports : état des lieux et potentiels

2.6 Bilan des trois périodes triennales complétées

Les objectifs des trois premières périodes en TWh cumac ont été dépassés, comme le montre le tableau suivant :

Tableau 6 : Bilan des volumes réalisés par rapport aux volumes prévus

L’économie d’énergie que semblent induire les CEE par rapport à la consommation énergétique nationale finale annuelle est intéressante16. Celle-ci est d’un peu plus de 150 MTEP17 en 2016, soit un total de 1745 TWh18. Depuis le lancement du dispositif jusqu’à la fin de la troisième période (11,5 ans), le dispositif a ainsi permis d’économiser selon l’ADEME19 380 TWh (le calcul se base sur des opérations de « décumulation-désactualisation » par fiche). Sur la seule année 2016 76,5 TWh ont été économisés, soit 4,4% de la consommation annuelle. Toutefois, comme les autres outils de soutien aux économies d’énergie (crédit d’impôt, éco-prêts, subventions diverses) sont souvent utilisés conjointement, il est difficile de mesurer l’effet « pur » des CEE et de dire quelles sont les opérations qui auraient été réalisées sans eux.

16 Entretien avec Mme Elodie Trauchessec (ADEME) 17 MTEP = Millions de tonnes équivalent pétrole 18 1 TEP = 11 630 kWh 19 Source : JTCEE, « Bilan énergétique et environnemental du dispositif et projet d’évaluation », Marie-Christine Premartin, ADEME

Périodes Objectif (en TWh cumac) Réalisé (en TWh cumac)

1ère période

1er juillet 2006 au 30 juin 2009 54 65,2

Période transitoire

1er juillet 2009 au 31 décembre 2010

Pas d’obligation

2ème période

1er janvier 2011 au 31 décembre 2014

460 612,4

3ème période

1er janvier 2015 au 31 décembre 2017

CEE classiques : 700

CEE précarité énergétique : 150

CEE classiques : 646,4

CEE précarité énergétique : 174,3

4ème période

1er janvier 2018 au 31 décembre 2020

CEE classiques : 1200

CEE précarité énergétique : 400

Page 18: LES CERTIFICATS D’ÉCONOMIE D’ÉNERGIE DANS LES … · 2018-05-16 · les certificats d’Économie d’Énergie dans les transports État des lieux et analyse des potentiels

14 IAU îdF – Les Certificats d’Économie d’Énergie dans les transports : état des lieux et potentiels

3. Les CEE dans le secteur des transports

3.1 Part des transports dans l’attribution des CEE

Une très grande partie des CEE a concerné, pour les deux premières périodes, la maîtrise de la demande énergétique dans le secteur des bâtiments tertiaire et résidentiel. Le secteur du transport n’a représenté en 2014 que 1% des dépôts de CEE et uniquement le transport de marchandises. Sa part a certes augmenté et représente aujourd’hui 5,7% des CEE délivrés, mais elle reste toujours très faible au regard de sa contribution aux émissions de gaz à effet de serre. Le bâtiment représente encore plus de 67% des CEE en fin de troisième période. Il reste donc une marge importante de progression pour les transports, notamment le transport de personnes.

Encadré 3 : Poids des transports

3.2 Les fiches standardisées en transport

Dans le secteur des transports, en deuxième période, les fiches standardisées étaient au nombre de 30 et répertoriées selon deux catégories : 18 fiches équipements (TRA-EQ) et 12 fiches services (TRA-SE).

Les 6 fiches équipement les plus utilisées ont concerné en quasi-totalité le transport des marchandises (pour 95 % des TWh cumac économisés). La première fiche appelée « Unité de transport intermodal pour le transport combiné rail-route » (TRA-EQ-01) a été plébiscitée par les acteurs du secteur car elle permet d’obtenir aisément des CEE. Cette fiche a été révisée avec une augmentation du montant des kWh cumac et prolongée en 3ème période20.

La fiche services qui a le mieux fonctionné en 2ème période est la fiche TRA-SE-01 « Formation d’un chauffeur de transports à l’éconduite ». Cette fiche a également été prolongée en 3ème période sans modification du montant des kWh cumac.

En troisième période, 28 fiches standardisées en transport ont été validées (16 en équipements et 12 en services). Les fiches qui ont bien fonctionné en deuxième période (UTI, lubrifiants/additifs, formation éco conduite) ont été prolongées. Celles qui n’ont pas bien fonctionné comme la fiche relative aux pneumatiques ont été reconduites mais avec des montants kWh cumac révisés à la hausse afin de les rendre plus attractives. Pour les services, l’ancienne fiche TRA-SE-03 « Covoiturage domicile-travail » a été suspendue. En revanche, la fiche TRA-SE-112 « Service d’autopartage en boucle » a été maintenue en 3ème période même si elle n’a jamais fait l’objet d’un seul dépôt de dossier CEE au cours des deux premières périodes (voir 3.2.4).

20 Une fois révisée, le nom d’une fiche garde la même nomenclature sauf qu’on ajoute le chiffre 1 devant le 0 (ainsi, la fiche Unité de

transport intermodal révisée est renommée TRA-EQ-101).

Les transports représentaient en France en 2016 :

33 % de la consommation nationale d'énergie (2ème consommateur après le bâtiment),

75% de la consommation finale énergétique de produits pétroliers,

28 % des émissions nationales de gaz à effet de serre.

Page 19: LES CERTIFICATS D’ÉCONOMIE D’ÉNERGIE DANS LES … · 2018-05-16 · les certificats d’Économie d’Énergie dans les transports État des lieux et analyse des potentiels

15 IAU îdF – Les Certificats d’Économie d’Énergie dans les transports : état des lieux et potentiels

En début de quatrième période (janvier 2018), la révision des fiches se poursuit, et certaines sont en cours de réhabilitation. C’est notamment le cas de la fiche TRA-SE-03 « Covoiturage domicile-travail » qui est actuellement à l’étude. En tout, début 2018, les mêmes 28 fiches transports sont mises à disposition dans le cadre d’actions CEE standardisées.

Pour expliquer la raison du succès d’une fiche et a contrario la faible utilisation d’une autre, nous avons examiné dans le détail quelques fiches, ce qui nous a permis de mieux comprendre les subtilités du dispositif CEE.

3.2.1 La fiche révisée TRA-EQ-101 : UTI

En 3ème période, le forfait de kWh cumac de la fiche « Unité de transport intermodal » a été révisé à la hausse, et ce malgré son succès en 2ème période. L’acquisition d’une UTI supérieure ou égale à 9 mètres permet d’engendrer par voyage un équivalent de 18500 kWh cumac au lieu des 16000 kWh cumac de la période précédente. Ramené au prix d’un MWh échangé en moyenne à 3 €, cela permet de « subventionner » cette UTI à environ 55 € par trajet, qu’elle soit pleine ou vide. Sachant que le prix d’achat d’une UTI neuve est d’environ 10 000 €, on peut dire que la fiche est très rentable.

Plus précisément, les 3 paramètres de la fiche UTI sont les suivants, en plus du montant des CEE en kWh cumac :

Durée de vie conventionnelle : 12 ans

Unité à laquelle s’applique le montant de CEE en kWh cumac : un voyage. La fiche autorise même à multiplier par deux le nombre de voyages à plein car le retour à vide est considéré comme un voyage.

Justificatifs à fournir au PNCEE à chaque voyage où l’UTI est chargée : n° de série de l’UTI, facture de l’achat de l’UTI, ville de départ, ville d’arrivée (nul besoin d’apporter un justificatif pour le retour à vide)

On peut constater que ces paramètres sont très avantageux. La durée de vie est longue, l’unité d’application est le voyage, donc il est indépendant de la distance parcourue et le justificatif de villes origine et destination est simple à fournir grâce à la traçabilité numérique de l’UTI.

Cet exemple montre que l’attractivité d’une fiche est évidemment le montant de kWh cumac qui est calculé à partir de :

l’estimation du gain annuel de la première année par rapport à une situation de référence sans l’équipement ou le service,

et de l’estimation de la durée de vie « conventionnelle » (ainsi qualifiée dans chaque fiche).

Ces deux estimations sont faites par des experts métiers ou professionnels qui ne sont pas payés par l’ATEE, le petit souci étant que ces experts ou professionnels peuvent parfois être partie prenante (c’est-à-dire travailler pour un obligé) mais il n’y a pas d’autres choix que de faire appel à eux. Elles sont néanmoins validées par l’ADEME. Mais le paramètre important est aussi le choix de l’unité à laquelle le montant de kWh cumac s’applique. Cela peut être un voyage, un achat, une personne, un kilométrage moyen. Si c’est un voyage (il peut y en avoir une centaine par an pour une unité de transport intermodal), c’est évidemment plus intéressant que si c’est un achat en une fois.

3.2.2 La fiche révisée TRA-EQ-103 : télématique embarquée

Jusqu’à fin 2014, la fiche «Télématique embarquée pour le suivi de la conduite d’un véhicule» a été peu utilisée. La télématique embarquée s’adresse à toute entreprise ayant une flotte de véhicules à gérer : entreprises de transport de marchandises, entreprises de transport de personnes (taxis, autocars, autobus), toute entreprise réalisant des prestations de livraison, de dépannage, de service à domicile. Remontant les informations de localisation, de comportement de conduite et les données

Page 20: LES CERTIFICATS D’ÉCONOMIE D’ÉNERGIE DANS LES … · 2018-05-16 · les certificats d’Économie d’Énergie dans les transports État des lieux et analyse des potentiels

16 IAU îdF – Les Certificats d’Économie d’Énergie dans les transports : état des lieux et potentiels

du moteur, la télématique embarquée permet d’optimiser les tournées des chauffeurs pour mieux maîtriser le coût des véhicules.

Le montant de la prime CEE dépend du type de véhicule. Pour un poids lourd, le montant des CEE est de 27 000 kWh cumac, avec une durée de vie « conventionnelle » de 4 ans. En équivalent monétaire, la prime CEE pour un boîtier installé sur un poids lourd représente donc environ 27*3=81 euros (et moins de 5 euros pour un véhicule léger). Une entreprise de transport souhaitant optimiser les tournées de ses camions peut donc contacter un obligé (un distributeur de gazole par exemple), ou l’inverse (un distributeur de gazole cherchant à obtenir des CEE par cette fiche standard va contacter des entreprises de transport), et monter un partenariat en amont permettant de garantir la valeur de la contrepartie financière. Par exemple, l’obligé s’engage à verser une prime de 80 € à l’entreprise par boîtier installé. Parfois, c’est le fournisseur et installateur de télématique embarquée qui va communiquer sur la prime CEE pour essayer de vendre ses matériels aux entreprises.

La fiche TRA-EQ-103 mentionne que le matériel doit être neuf et loué au moins deux ans. Il doit enregistrer a minima les données de consommation, le kilométrage, l’utilisation de l’accélérateur, des freins, du régime moteur et les temps d’arrêt avec moteur tournant.

Le matériel est en général loué entre 15 et 30 euros par mois selon les volumes de données enregistrées. Malgré une prime potentielle de 80 € par unité installée, jusqu’à fin 2014 ni les obligés ni les gestionnaires de flottes de poids lourds ne se sont rués sur cette fiche. La plupart des petites entreprises de transport estiment que cet investissement reste encore important, d’autant plus qu’elles peuvent obtenir des informations précises gratuitement avec une organisation rigoureuse. On observe néanmoins une dynamique récente dans le déploiement de la télématique embarquée, indépendamment de l’incitation des CEE, poussée par les grandes entreprises de transport qui donnent l’exemple et le prix de location qui diminue régulièrement.

3.2.3 La fiche révisée TRA-SE-101 : formation écoconduite

Parmi les fiches services, la fiche « Formation d’un chauffeur de transport à la conduite économe en milieu professionnel » est celle qui a le mieux fonctionné. Elle évalue l’économie énergétique de la formation d’un chauffeur de véhicules lourds de transport de marchandises (N2 ou N3) ou de transport de personnes (M2 ou M3) à l’éco-conduite à 12400 kWh cumac, et ceci par personne. L’action monétarise donc le CEE à environ 12,4*3=37 €, mais une seule fois. Un obligé (Total par exemple) en partenariat avec un organisme de formation à l’éco-conduite pourrait donc accompagner un de ses clients, une entreprise de transport de marchandises, à la formation à l’éco-conduite. Il pourrait lui verser une prime pouvant aller jusqu’à 37 € par personne formée. Même si l’aide paraît faible, elle est la bienvenue dans la mesure où les entreprises de transport ont de toute façon intérêt à sensibiliser leurs chauffeurs à l’éco-conduite, source d’économie importante de carburants, et donc de dépenses.

3.2.4 Bilan de l’utilisation des fiches transports en 3ème période

Sur les 16 fiches équipement, 4 ont bien fonctionné (surlignée en vert ci-dessous) et représentent à elles seules 85% des CEE délivrés dans le secteur des transports en 3ème période. Ces équipements concernent le transport combiné (EQ-101), les lubrifiants (EQ-104), la télématique embarquée (EQ-103) et le tracteur routier optimisé (EQ-115) qui concerne les poids lourds de plus de 40 t à faibles émissions, aérodynamiques, équipés de boîte de vitesse robotisée et de pneus à basse résistance au roulement.

Page 21: LES CERTIFICATS D’ÉCONOMIE D’ÉNERGIE DANS LES … · 2018-05-16 · les certificats d’Économie d’Énergie dans les transports État des lieux et analyse des potentiels

17 IAU îdF – Les Certificats d’Économie d’Énergie dans les transports : état des lieux et potentiels

Tableau 7 : Fiches équipements du secteur transport et poids de la fiche en 3ème période

Unité de transport intermodal pour le transport combiné rail route

TRA-EQ-101 12% des CEE délivrés dans le secteur des transports

Télématique embarquée pour le suivi de la conduite d’un véhicule

TRA-EQ-103 5% des CEE délivrés dans le secteur des transports

Lubrifiant économiseur d’énergie pour véhicules légers TRA-EQ-104 42% des CEE délivrés dans le secteur des transports

Pneus de véhicules légers à basse résistance au roulement

TRA-EQ-106

Unité de transport intermodal pour le transport combiné fluvial-route

TRA-EQ-107

Wagon d’autoroute ferroviaire TRA-EQ-108

Barge fluviale TRA-EQ-109

Automoteur fluvial TRA-EQ-110

Groupe frigorifique autonome à haute efficacité énergétique pour camions, semi-remorques, remorques et caisse mobiles frigorifiques

TRA-EQ-111

Lubrifiant économiseur d’énergie pour véhicule de transport de personnes ou de marchandises

TRA-EQ-113

Remplacement de véhicules par des véhicules neufs performants dans une flotte professionnelle

TRA-EQ-114

Véhicule de transport de marchandises optimisé TRA-EQ-115 26% des CEE délivrés dans le secteur des transports

Remplacement de véhicules par des véhicules neufs performants pour les particuliers ou les collectivités

TRA-EQ-117

Lubrifiant économiseur d’énergie pour la pêche professionnelle

TRA-EQ-118

Optimisation de la combustion et de la propreté des moteurs Diesel

TRA-EQ-119

Hélice avec tuyère sur une unité de transport fluvial (mise en place le 10/01/2018)

TRA-EQ-120

Source : ATEE.fr

Sur les 12 fiches standardisées pour les services dans les transports, seule la première, la TRA-SE-01 « Formation d’un chauffeur de transport à la conduite économe en milieu professionnel », a connu du succès.

Page 22: LES CERTIFICATS D’ÉCONOMIE D’ÉNERGIE DANS LES … · 2018-05-16 · les certificats d’Économie d’Énergie dans les transports État des lieux et analyse des potentiels

18 IAU îdF – Les Certificats d’Économie d’Énergie dans les transports : état des lieux et potentiels

Tableau 8 : Fiches service du secteur transport et poids de la fiche en 3ème période

Formation d’un chauffeur à la conduite économe TRA-SE-101 5% des CEE délivrés dans le secteur des transports en 3ème période

Formation d’un chauffeur de véhicule léger à la conduite économe

TRA-SE-102

Station de gonflage des pneumatiques TRA-SE-104

Recreusage des pneumatiques TRA-SE-105

Mesure et optimisation des consommations de carburant d’une unité de transport fluvial

TRA-SE-106

Carénage sur une unité de transport fluvial TRA-SE-107

Gestion externalisée de la globalité de poste pneumatique (véhicule de transport de marchandises)

TRA-SE-108

Gestion externalisée de la globalité de poste pneumatique (véhicule de transport de personnes)

TRA-SE-109

Gestion optimisée de la globalité de poste pneumatique (véhicule de transport de marchandises)

TRA-SE-110

Gestion optimisée du poste pneumatique (véhicules de transport de personnes)

TRA-SE-111

Service d'auto-partage en boucle TRA-SE-112

Suivi des consommations de carburants grâce à des cartes privatives

TRA-SE-113

Source : ATEE.fr

On peut identifier sur les 28 fiches 5 fiches qui concernent le transport de personnes :

Remplacement de véhicules par des véhicules neufs performants dans une flotte professionnelle

Remplacement de véhicules par des véhicules neufs performants pour les particuliers ou les collectivités

Gestion externalisée de la globalité de poste pneumatique (véhicule de transport de personnes)

Gestion optimisée du poste pneumatique (véhicules de transport de personnes)

Service d'auto-partage en boucle

Aucune n’a eu de succès. Par exemple, la fiche SE-112 Autopartage (en rouge ci-dessus) n’a pas été utilisée depuis son introduction en 2010. Elle a été prolongée en troisième période et maintenue en

Page 23: LES CERTIFICATS D’ÉCONOMIE D’ÉNERGIE DANS LES … · 2018-05-16 · les certificats d’Économie d’Énergie dans les transports État des lieux et analyse des potentiels

19 IAU îdF – Les Certificats d’Économie d’Énergie dans les transports : état des lieux et potentiels

quatrième période car elle a suscité un regain d’intérêt en fin de deuxième période. On peut s’étonner de l’échec de cette fiche alors que de nombreux services d’autopartage ont été mis en place en France depuis plusieurs années. En fait, l’investissement est lourd, le ticket d’entrée élevé (acquisition d’une flotte de véhicules à partager, aménagement d’un réseau de places de stationnement, développement d’un système informatisé d’abonnement et d’utilisation) pour l’opérateur et la collectivité locale. De plus, cette fiche ne concerne que l’autopartage en boucle et non en trace directe. Or le forfait CEE a été estimé à 6000 kWh cumac par abonné, soit une prime de 18 €, en une fois, et la durée de vie « conventionnelle » à 5 ans seulement alors qu’aujourd’hui le recul n’est pas suffisant pour connaître le nombre d’années de pratique d’autopartage par un abonné. On peut donc comprendre que cette fiche ne soit pas suffisamment incitative pour qu’une collectivité locale franchisse le pas en tant qu’éligible. Néanmoins, il existe aujourd’hui plusieurs opérateurs d’autopartage (Citiz, Clem, …) qui essaient de déployer leurs solutions sur des territoires locaux. Il faudrait donc les encourager à entrer dans le dispositif des CEE, en partenariat avec une collectivité locale et un obligé. Pour rendre la fiche plus attractive, il faudrait étudier si l’économie d’énergie en kWh cumac par déplacement ou par kilomètre est supérieure à celle estimée par abonné, ce qui permettrait peut-être de revaloriser le montant de CEE. Ce nouveau calcul suppose de recueillir des données précises sur l’usage de l’autopartage (distance parcourue, fréquence, pérennité).

En revanche, la fiche TRA-SE-03 « Covoiturage domicile-travail » a été suspendue en troisième période. Elle concerne les déplacements quotidiens pendulaires en milieu urbain et non les déplacements inter-urbains ponctuels de longue distance type Blablacar. Les paramètres de la fiche SE-03 sont les suivants :

seuls les utilisateurs effectuant plus de 100 déplacements par an sont pris en considération (c’est-à-dire au moins 2,2 déplacements domicile-travail par semaine),

la durée de vie « conventionnelle » est d’un an seulement,

le montant de CEE estimé à 0,67 MWh rapporté à un utilisateur (et non un déplacement ou un kilomètre parcouru), soit environ 2 € par utilisateur et par an.

À cette monétarisation très peu incitative s’ajoutent les obligations de preuves à apporter par l’opérateur de covoiturage que chaque inscrit a effectué au moins 100 déplacements domicile-travail sur 12 mois consécutifs. Or aujourd’hui, le mode déclaratif sur l’honneur n’est pas considéré comme un mode de preuve et il n’est pas encore possible de tracer numériquement des déplacements. Par ailleurs, une fois que le duo covoitureur-covoituré s’est constitué de manière pérenne grâce à la plateforme de covoiturage, il ne se sent plus obligé d’informer l’opérateur de la suite de ses déplacements en covoiturage, donc toute trace du duo est perdue.

Fiche suspendue ne signifie pas pour autant fiche supprimée. L’ATEE travaille activement à la réhabiliter dans le courant de la 4ème période. Il pourrait-être intéressant aussi qu’un opérateur de covoiturage ingénieux propose à l’ATEE une méthode innovante et réalisable permettant de prouver la véracité de cent déplacements domicile-travail par inscrit. Par exemple, l’enregistrement GPS des déplacements domicile-travail du duo conducteur-passager grâce à leurs smartphones pourrait apporter la preuve. Mais cela passe par un accord des utilisateurs à bien vouloir communiquer leurs données privées relatives à leurs déplacements.

Encadré 4 : Poids des fiches

À elles seules, les 5 fiches surlignées en vert dans les tableaux 7 et 8 représentent 90% des CEE délivrés dans le cadre de fiches standardisées pour le transport. Les 10% restants étant répartis sur l’ensemble des 23 autres fiches.

3.3 Les opérations spécifiques en transport

Les opérations spécifiques ont été essentiellement menées dans le secteur de l’industrie. Dans le domaine des transports, quelques opérations spécifiques ont donné lieu à l’attribution de CEE. Le PNCEE a instruit des dossiers concernant des remplacements de navires, de pneumatiques, de bennes à ordures ménagères avec mise en place d'une récupération d'énergie. Mais les deux opérations les plus emblématiques sont celles de « Total-BlaBlacar » en 2012-2013 et l’opération de la Poste « éco-conduite » en 2010.

Page 24: LES CERTIFICATS D’ÉCONOMIE D’ÉNERGIE DANS LES … · 2018-05-16 · les certificats d’Économie d’Énergie dans les transports État des lieux et analyse des potentiels

20 IAU îdF – Les Certificats d’Économie d’Énergie dans les transports : état des lieux et potentiels

Celle qui a permis, et de loin, de capitaliser le plus de CEE est l’opération Total-Blablacar. Toute nouvelle inscription sur le site de covoiturage Blablacar a été valorisée environ 20 MWh cumac selon nos calculs21, Total versant en contrepartie un bon d’achat de carburant de 20 € à chaque nouvel inscrit. Depuis 2017, le cadeau est soit un bon d’achat de carburant de 15 € soit une carte lavage de 30 € valables un an. La durée de vie d’un forfait a été fixée à 6 ans (source ADEME). En effet les statistiques montrent qu’au bout de 6 ans, 80% des conducteurs sont encore dans le système Blablacar et continuent à être actifs. Au final, le bilan a été très « rentable » pour Total car l’opération lui a permis d’alimenter rapidement ses obligations de la 2ème période en cumulant les kWh cumac à chaque inscription sur Blablacar. Pour Blablacar c’était une opération marketing très intéressante. On peut toutefois regretter une certaine opacité du calcul du forfait CEE de cette opération spécifique.

3.4 Les programmes en transport

Les programmes ont concerné essentiellement les actions d’information, de formation ou d’innovation en faveur de la maîtrise énergétique, thème particulièrement transversal mais où le secteur du transport de personnes n’a pas été représenté. De plus, depuis le milieu de la troisième période (2015-2016), on a vu apparaître des appels à projets pour des programmes orientés pour les ménages en situation de précarité énergétique. Ainsi, dans le secteur des transports et de la mobilité durable, ces appels à projets ont donné lieu à cinq programmes décrits ci-après qui ont interpellé les collectivités locales en charge des transports urbains et des nouvelles mobilités.

Les 5 programmes en transport se répartissent en :

Deux programmes « classiques » :

Programme « ADVENIR » : déjà évoqué dans la section 2.4.3., ce programme a pour

objectif la mise en place de 13 700 nouveaux points de charge pour véhicules électriques hybrides ou rechargeable en dehors de l’espace public et des logements individuels. Il est prolongé jusqu’à fin 2020.

Programme « Objectif CO2 » : ce programme s’adresse aux transporteurs français de voyageurs, mais aussi de marchandises. Le programme vise à mettre en place un suivi volontaire des performances, avec, au bout de la démarche, une labellisation des entreprises les plus performantes. L’objectif est de fournir un cadre d’accompagnement et d’information à des entreprises désireuses de réduire leur consommation énergétique.

Trois programmes « Précarité énergétique » :

Programme « Wimoov » : Bénéficiant aux ménages en situation de précarité

énergétique, ce programme vise à aider à la mobilité des personnes en situation de précarité énergétique. L’objectif est d’accompagner ces personnes pour les orienter vers des solutions de mobilité adaptées à leur besoins et moins consommatrices en énergie (mobilité douces, covoiturage etc…).

Programme « ALVEOLE » : ce programme « Apprentissage et Local VÉlo pour Offrir une Liberté de mobilité Econome en énergie » (ALVEOLE) cherche à promouvoir l’utilisation du vélo auprès de ménages en situation de précarité énergétique. L’objectif est ici de pouvoir aménager des locaux vélos dans différents parcs de logements sociaux tout en sensibilisant les habitants aux enjeux des économies d’énergie à travers l’usage du vélo.

21 Dans les documents des Journées techniques de juin 2015 figurent les chiffres suivants : 365 000 inscriptions sur Blablacar en 2012-

2013 et 7 TWh cumac économisés. Donc le montant de CEE pour chaque nouvelle inscription est d’environ 20 MWh, soit une valorisation de 20*3= 60 € par inscrit.

Page 25: LES CERTIFICATS D’ÉCONOMIE D’ÉNERGIE DANS LES … · 2018-05-16 · les certificats d’Économie d’Énergie dans les transports État des lieux et analyse des potentiels

21 IAU îdF – Les Certificats d’Économie d’Énergie dans les transports : état des lieux et potentiels

Programme « PEnD-AURA » : Spécifique à la région Auvergne-Rhône-Alpes, le programme « Précarité énergétique en matière de déplacements en Auvergne Rhône Alpes » (PEnD-AURA) met en place, au travers d’un large spectre d’actions (22 « actions pilotes »), des dispositifs d’accompagnement individuel, d’apprentissage ou de coaching à la mobilité, ainsi que des actions concrètes permettant d’accéder à une offre de mobilité. Ce dispositif s’adresse tout particulièrement aux ménages les plus en difficulté face aux questions de précarité énergétique en matière de déplacements. Le programme regroupe une douzaine de partenaires. On retrouve notamment AURA-EE (Auvergne-Rhône-Alpes Énergie Environnement) en charge de l’animation du programme, Auchan-Pétrovex et Total qui sont les obligés partenaires ainsi que 9 autres partenaires sur le plan local (AOM, CC, Métropoles, Départements…). Au total, les actions représentent un coût de 1,5 millions d’Euros, à moitié financés par les CEE précarités des obligés partenaires.

Lors de la quatrième période, il est probable que des programmes transports dédiés spécifiquement au transport fluvial (voyageurs comme marchandises) voient le jour. On observe déjà cette tendance au travers des émissions de fiches standardisées, dont la dernière addition en transport concerne l’installation d’équipement d’économie d’énergie sur les véhicules fluviaux (TRA-EQ-120). Le contexte actuel dans la région d’Île-de-France est celui d’un regain d’intérêt pour le transport fluvial de marchandises qui se concrétise dans le plan fret régional voté en mars 2018.

Page 26: LES CERTIFICATS D’ÉCONOMIE D’ÉNERGIE DANS LES … · 2018-05-16 · les certificats d’Économie d’Énergie dans les transports État des lieux et analyse des potentiels

22 IAU îdF – Les Certificats d’Économie d’Énergie dans les transports : état des lieux et potentiels

4. Conclusion

Analysé par des experts transports et non de l’énergie, le dispositif des certificats d’économie d’énergie se révèle sous un jour nouveau. Quatre grandes conclusions ressortent de cette analyse.

1. Le bilan du dispositif des CEE créé en 2006 est positif car les objectifs d’économie d’énergie ont été globalement dépassés. Les obligés ciblent des opérations standardisées hautement rentables, pour lesquelles ils engrangent facilement et rapidement des kWh cumac. Au final, ils atteignent relativement aisément leurs objectifs et ne souhaitent pas s’embarrasser ni avec des opérations spécifiques ni avec des programmes De plus, une fois l’objectif atteint, les CEE en surplus peuvent être revendus sur le marché Emmy.

2. Les résultats en termes de kWh cumac économisés sont satisfaisants mais sont relativement faibles au regard des enjeux climatiques et des efforts que la France devra déployer pour atteindre ses objectifs annoncés pour la COP 21. En 2016, les CEE ont généré une baisse de 4,4% de la consommation énergétique annuelle nationale. Pour cette raison, les objectifs ont été nettement revus à la hausse pour la 4ème période qui commence. Tous les secteurs, notamment les transports des personnes et des biens, devront apporter leurs contributions proportionnellement à leur consommation énergétique. Avec des obligations revues à la hausse, les obligés seront alors incités à diversifier leurs actions pour obtenir de nouveaux CEE dans d’autres secteurs que l’habitat, en particulier dans le secteur des transports qui constitue un gisement important d’économie d’énergies. Moins de 6% des CEE délivrés en 3ème période (2015-2017) concernaient le transport alors que ce secteur représente 33% de la consommation énergétique nationale.

3. Les experts de l’ADEME et de l’ATEE révisent les fiches régulièrement en fonction des normes, règlementations et données actualisées mais ils rencontrent souvent des difficultés à forfaitiser des montants de kWh cumac par rapport à une situation de référence. Une des difficultés vient de l’apport de la preuve pour valider une opération. La preuve de l’achat d’un lubrifiant ou d’un camion est simple à apporter. En revanche, quand il s’agit de mobilité, le problème se complexifie car la mobilité des personnes est diverse, complexe et diffuse. Des réflexions sont en cours à l’ATEE et à l’ADEME pour créer de nouvelles opérations standardisées sur le vélo en libre-service, sur des aménagements vélo dans les bus et les trains, sur des pass mobilité, etc. Mais les fiches ont du mal à se concrétiser à cause de la complexité à calculer les forfaits CEE. Pourtant, à l’ère de la révolution numérique, le Big Data (traces GPS, Wifi, Bluetooth, télébillettique, LoRa, SigFox, etc) offre de nouvelles perspectives dans la connaissance fine de la mobilité. Il permettrait de suivre en temps réel les déplacements des individus et des biens et donc de calculer précisément les consommations énergétiques réelles par une sorte de compteur Linky des déplacements.

4. Les collectivités locales et leurs établissements publics participent déjà activement au dispositif des CEE dans les domaines où leur compétence est entière : logement, réseaux de chaleur. En revanche, la mobilité est encore trop peu présente dans le dispositif des CEE. Dans le triptyque énergétique production/stockage/consommation, le volet réduction de la consommation dans les transports ne doit pas être oublié par les collectivités locales. La 3ème période a été l’occasion de lancer des appels à projets (mai 2016) dans le secteur des transports. La 4ème période qui s’est ouverte début 2018 vise à poursuivre cet objectif de diversifier les actions d’économie d’énergie par les CEE. Pour les collectivités locales, ce ne sont pas tant les opérations standardisées qui sont intéressantes mais les programmes d’accompagnement. Rappelons que les collectivités locales, en tant qu’éligibles, ont la possibilité de déposer des dossiers de demande de CEE au travers de partenariats avec des obligés. Il faut donc continuer à sensibiliser les autorités organisatrices de la mobilité et les collectivités locales au dispositif des CEE et à les encourager à mettre en place des programmes d’économie d’énergie dans les transports de personnes et de marchandises.

Page 27: LES CERTIFICATS D’ÉCONOMIE D’ÉNERGIE DANS LES … · 2018-05-16 · les certificats d’Économie d’Énergie dans les transports État des lieux et analyse des potentiels

DONNÉES NUMÉRIQUES ET GESTION LOCALE DE LA SÉCURITÉPRODUCTION ET USAGES DE BASES DE DONNÉES CHEZ LES ACTEURS LOCAUX

FÉVRIER 201820.17.01

978-2-7371-2064-0

L’INSTITUT D’AMÉNAGEMENT ET D’URBANISME DE LA RÉGION D’ÎLE-DE-FRANCEEST UNE FONDATION RECONNUE D’UTILITÉ PUBLIQUE PAR DÉCRET DU 2 AOÛT 1960.

15, RUE FALGUIÈRE - 75740 PARIS CEDEX 15 - TÉL. : 01 77 49 77 49