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NURIA MARGARITA MENCHACA BRANDAN NO BUDGET ANIMATION La référence à l’objet dans l’animation stop-motion Mémoire présenté à la Faculté des études supérieures de l’Université Laval dans le cadre du programme de Maîtrise en arts visuels pour l’obtention du grade de Maître ès arts (M.A.) ÉCOLE DES ARTS VISUELS FACULTÉ D’AMÉNAGEMENT, D’ARCHITECTURE ET DES ARTS VISUELS UNIVERSITÉ LAVAL QUÉBEC 2009 © Nuria Margarita Menchaca Brandan, 2009

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Page 1: NURIA MARGARITA MENCHACA BRANDAN...NURIA MARGARITA MENCHACA BRANDAN NO BUDGET ANIMATION La référence à l’objet dans l’animation stop-motion Mémoire présenté à la Faculté

NURIA MARGARITA MENCHACA BRANDAN

NO BUDGET ANIMATION La référence à l’objet dans l’animation stop-motion

Mémoire présenté à la Faculté des études supérieures de l’Université Laval dans le cadre du programme de Maîtrise en arts visuels

pour l’obtention du grade de Maître ès arts (M.A.)

ÉCOLE DES ARTS VISUELS FACULTÉ D’AMÉNAGEMENT, D’ARCHITECTURE ET DES ARTS VISUELS

UNIVERSITÉ LAVAL QUÉBEC

2009 © Nuria Margarita Menchaca Brandan, 2009

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RÉ SUMÉ  

À travers le long parcours qu’implique la production d’une animation en stop-

motion, l’objet animé subit une longue chaîne d’interprétations qui transformeront

son identité. L’objet concret, bien que matériellement absent de l’œuvre animée,

aura la capacité de nous référer à sa réalité, même à partir d’un contexte fictif.

J’analyse quatre éléments propres à l’animation image par image : objet,

image, séquence et animation, depuis le point de vue de chaque participant de la

triade spectateur/œuvre/artiste. À partir des points de rencontre de tous ces

éléments, je fais un survol du processus de création d’une œuvre animée. En

traitant différents sujets, j’essaie de comprendre l’évolution d’un objet à partir de sa

réalité, suivant par la transformation de son image jusqu’à son assimilation dans

une œuvre d’art.

Ce travail de recherche accompagne une production artistique basée dans le

concept d’animation. Les idées présentées naissent de mes expérimentations

dans le domaine du stop-motion pendant ma maîtrise en arts visuels. Ces œuvres

sont les composantes d’une exposition nommée No Budget Animation.

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AVANT ­ PRO PO S  

Je remercie tout d’abord François Giard, mon directeur de recherche, pour ses

conseils et son enthousiasme envers mon travail.

Merci à mes parents pour leur amour infini, leur soutien moral et financier.

Merci à ma sœur pour ses visites et invitations, pour sa proximité et sa bonne

humeur.

Merci à mes grands-parents, qui de l’autre côté de la planète restent toujours

aussi proches de mon cœur.

Merci à Karine, Hélène et Benoit pour leurs esprits accueillants, et à tous les

amis et membres de ma famille qui à distance ou sur place m’ont aidés à survivre

à la solitude et à l’hiver québécois.

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TAB L E  D E  MAT I È R E S  

R É S U M É   I  

A V A N T ‐ P R O P O S   I I  

T A B L E   D E  MA T I È R E S   I I I  

I N T R O D U C T I O N   1  

I .   5  A N I M A T I O N   V S   C I N É M A   ( D É F I N I T I O N )

I I .   9  L ’ O B J E T   R É E L

L A   R É A L I T É   E T   L ’ O B J E T   1 0  

L ’ I M A G E   1 3  

L ’ I M A G E   E N  MO U V E M E N T   E T   L E  MO N T A G E   1 6  

L ’ A N I M A T I O N   E T   L A  M A T É R I A L I T É   D E S   P E R S O N N A G E S   1 9  

I I I .   2 3  ŒU V R E   E T   D I S P O S I T I F

D E S C R I P T I O N   D E  MO N  Œ U V R E   E N   S T O P ‐MO T I O N   2 3  

L E   D I S P O S I T I F   D E   P R O J E C T I O N   C O MM E   O B J E T   2 6  

L ’ A R T I F I C I A L I T É   D E   L ’ I M A G E   A N I M É E   3 1  

I V .   3 7  L A   F I C T I O N

L ’ A C C U M U L A T I O N   D ’ I N T E R P R É T A T I O N S   3 7  

L E   V I V A N T ,   L A  MO R T   E T   L ’ I N Q U I É T A N T E   É T R A N G E T É   4 1  

L A   F I C T I O N   E T   L A   R É F É R E N C E   4 5  

V .   4 9  D É M A R C H E   E T   O U V R A G E   P A R A L L È L E .

C O N C L U S I O N   5 3  

B I B L I O G R A P H I E   5 6  

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I N T RODU C T I O N  

J’ai été « introduite » en 2001 par un ami au principe plus élémentaire de

l’animation stop-motion, celui de la séquence d’images. Nous avions réalisés deux

films comme travaux de fin de session au collège. Mais, il n’y a que quatre ans,

pendant mon bac (licence) en arts visuels, que j’ai repris cette technique pour mon

propre travail de création1.

Avant mon arrivée à la maîtrise, j’ai exploré les possibilités que l’animation

présentait, j’ai alors commencé à me demander ce que voulait dire le fait d’animer

quelque chose, et ce que pouvait impliquer ce changement d’identité de l’objet. Ce

mémoire représente deux années de recherches sur ce thème, faites dans le

cadre de ma maîtrise.

Je dois avouer que de trouver des références bibliographiques sur une théorie

de l’animation m’a pris plus de temps que ce que j’avais prévu initialement. La

plupart de textes sur l’animation que j’ai trouvés étant des manuels de technique et

de logiciels, ou bien des livres pleins d’images de films d’animation populaires

accompagnés de descriptions du processus. J’ai aussi croisé quelques

biographies des pionniers de l’animation et quatre ou cinq livres portant sur

l’histoire du film d’animation, sans compter plusieurs textes et articles portant sur

l’image animée, les personnages et la narration du dessin animé. Mais il fut

particulier de constater que le processus de création propre à l’animation est

rarement analysé au-delà des procédés techniques.

Pour ce mémoire, je vais donc faire un parcours théorique formé à partir de

l’analyse de mon travail en animation en tant que processus de création, mais

1 Exemples du travail au bac: http://www.youtube.com/watch?v=XzVekKt0TSM (El Lago de los Cisnes) et http://www.youtube.com/watch?v=OA3NVRHBE6U (Barro Eres…).

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aussi en reprenant des idées de certains auteurs et artistes qui complémenteront

mes connaissances par leurs propres expériences.

Il est important de rappeler que ce mémoire accompagne un travail de création

qui sera commenté, analysé, et présenté comme exemple dans certaines parties

du texte. Car, sans ce travail expérimental, cette réflexion n’aurait jamais vu le jour.

Il sera aussi bon de noter que les œuvres seront présentées dans le cadre de mon

exposition de fin d’études No Budget Animation, à la Galerie des arts visuels de

L’Université Laval.

Afin de bien rendre le fruit de cette réflexion, je vais utiliser une méthode de

tressage d’idées. Cette méthode est décrite dans le livre L’esprit dans la grotte

comme l’entrelacement de nombreux fils conducteurs, sous la forme d’un câble

tressé2. Cette structure me permettra de reprendre diverses approches et explorer

les alentours des concepts traités. Ainsi, je pourrai élaborer différentes hypothèses

qui ensemble entrelaceront les idées et créeront des liens entre les concepts. La

densité du tressage d’idées constituant sa solidité.

Dans ce travail de recherche, je vais analyser quatre éléments qui me

semblent les plus importants dans la création de l’animation, surtout celle en stop-

motion : objet, image, séquence, et animation. Les quatre se succèdent dans le

processus de création d’une œuvre animée, et sont incontournables dans l’aspect

discursif de l’animation, car l’animation stop-motion est une forme de création

artistique. Elle part toujours d’une référence réelle, qui sera emmenée vers une

forme de caractère fictif.

Pour structurer mes idées, j’ai repris de la pragmatique esthétique3 le système

artiste/œuvre/spectateur comme un des axes de ma réflexion. De cette manière, je

vais essayer de comprendre l’œuvre animée et son processus de création dans le

contexte de l’objet artistique. Sous ces différentes perspectives. Je vais inverser

l’ordre du système et je vais ajouter les deux points de rencontre

(spectateur/œuvre et œuvre/artiste) comme des éléments intermédiaires.

2Voir David Lewis-Williams, L'Esprit dans la grotte - la conscience et les origines de l'art (Londres: Thames & Hudson Ltd , 2002) pages 121-123. 3 Voir Louise Poissant, Pragmatique esthétique (Quebec: Éditions Hurtubise HMH Ltée, 1994).

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L’emploi de cette triade va me permettre de faire un survol de chacun des

quatre éléments que j’ai repris de l’animation (objet, image, séquence et

animation), de façon à aborder le sujet depuis différents points de vue. La

disposition de tous ces éléments en deux axes me permettra de placer différents

sujets dans les intersections et ainsi structurer le contenu de ce texte. On peut voir

cette disposition dans le Schéma 1.

Spectateur et

Contexte

S/O Œuvre O/A Artiste

Objet

Objet Symbolique

Signe Identité

Dispositif La lumière

comme matériel

Élément concret (absent)

Référence à l’animation (procédé)

Mort, vérité

Image Image et

bombardement

Référence à la

chose Symbole

Trace du concret Image de l’objet

(présente)

Instant fabriqué (mise en scène)

Prise de vue Mécanismes de mise en scène

Séquence TV Cinéma

Registre du réel Illusion

Action Mouvement mécanique

Multiplicité d’images (présence

dissimulée)

Temporalité de l’image

Enchaînement

Illusion Multiplicité

Animation Sens ludique

Contexte commercial

Narration Personnage-

figurine

Montage

Accumulation d’interprétations

Référence à l’objet

Fiction Vie

Anima

Schéma 1

Étant donné que cette recherche répond à mes intérêts en tant qu’artiste, je ne

couvrirai pas certains champs de la question. Notamment, l’analyse taxinomique

de l’image - mouvement tel que Gilles Deleuze le conçoit est un grand absent de

ce texte. Je ne veux pas faire une analyse du contenu des images et leurs

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possibles signifiants dans le langage cinématographique, plutôt, je vais me

concentrer dans les images elles-mêmes comme élément d’un système. Ce texte

ne constituera non plus une étude historique ni sociale de l’animation stop-motion,

même si je vais parfois m’en servir de ces aspects pour mettre en contexte mes

idées. Aussi, le but de ce texte n’ira dans le sens de proposer une méthode de

travail afin de créer une œuvre animée, même si je vais prendre comme référence

ma propre méthodologie afin de donner quelques exemples.

Je vais plutôt aborder le sujet de l’animation stop-motion en me concentrant

sur l’objet animé et la transformation de son image durant le processus de création

de l’œuvre animée. Je vais tenter de suivre l’objet depuis son état concret dans le

monde réel, sa trace et participation dans l’œuvre – dispositif, et la transformation

de son identité dans le monde de la fiction.

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I  

AN IMAT I O N  V S   C I N ÉMA   ( D É F I N I T I O N )    

Depuis l’apparition des premiers grands studios, l’animation s’est largement

consacrée au développement des technologies de production ; une grande partie

de l’animation indépendante et expérimentale dirige ses efforts au progrès

technique du médium. L’animation constitue actuellement un des médias les plus

populaires, et c’est une où il y beaucoup d’investissement, mais la production

massive d’images animées contraste avec l’infime production de textes théoriques

sur ce sujet4. « Le cinéma d’animation est, plus habituellement le grand absent des

théories formalisées du cinéma ; il reste dans leurs bordures sans jamais en

pénétrer le centre : il est toujours (…) trop fort ou trop faible, trop

différent ».(Joubert-Laurencin 1997, 33).

Sauf quelques exceptions, les livres qui portent sur l’animation ont été rédigés

par des spécialistes en études cinématographiques. Par conséquent, le point de

vue de l’animation prime sur la lecture comme un dérivé du cinéma. Ainsi, dans le

but de le définir, le cinéma d’animation est régulièrement comparé au cinéma en

prise de vue réelle ou naturel5.

Il est compréhensible que l’animation soit continuellement associée au cinéma,

car les deux partagent plusieurs procédés techniques, le dispositif et lieu de

présentation. Le cinéma d’animation reprend lui-même des éléments créés par le

4 Marcel Jean, «Le cinéma d’animation au Québec : état de la recherche et de la production,» Nouvelles "vues" sur le cinéma québécois (www.cinema-quebecois.net), Prientemps/Été 2007: 1-5. 5 Comme a été re-nommé dans la section “Avertissement” du livre d’Hervé Joubert-Laurencin, La lettre volante (Paris: Presses de la Sorbonne nouvelle, 1997). Pages 4-10.

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cinéma de prise de vue réelle, entre autres dans la mise en place de la structure

narrative. Il y a autant de similitudes que de différences, et pourtant l’animation ne

cesse de se comparer au cinéma en essayant de se définir.

Animation film falls victim to an error in classification – or rather, two errors. One consists in mistaking animation for animated drawings (as one might mistake an airplane for a kite); another, in considering it simply as a sort of “cinema”, while it could just as well be painting, drawing, engraving or even, 

sculpture in movement (Alexeieff 1995)6 

Un des points de rencontre est posé par l’élément photographique qui, présent

dans les deux procédés, est repris par chacun d’une manière totalement différente.

« (...) alors que le cinéma de prise de vue réelle trouve d’abord dans la

photographie la légitimation de son réalisme, le cinéma d’animation y trouve

d’abord la reproductibilité. » (Hébert, L'ange et l'automate 1999, 70). Cette

différenciation qui n’est que celle de la photographie et du photogramme, est un

exemple du besoin absolu du cinéma d’animation de se différencier du cinéma

naturel.

La lettre volante est un livre écrit par Hervé Joubert-Laurencin, composé par

quatre essais qui portent sur l’animation. Dans le premier essai, Qu’est-ce que le

cinéma d’animation?7, l’auteur décrit les différentes définitions d’animation au

cours de l’histoire, pour finalement nous donner sa propre définition. À son avis, le

cinéma et l’animation sont comme deux espèces d’un même genre, qui pour être

définies, devront trouver ses différences8. Étant donné que le statut de l’animation

s’approche plus à celui d’un petit frère du cinéma, c’est toujours lui qui va essayer

de se différencier du grand frère ; car le cinéma s’est déjà défini et imposé comme

une forme d’art.

Joubert-Laurencin s’oppose à l’approche « théologique » qui définit l’animation

comme « donner la vie »9, car finalement on ne donne jamais réellement la vie à

6 dans In praise of Animated Film, comme préface à Giannalberto Bendazzi, Cartoons: one hundred years of cinema animation. Bloomington: Indiana University Press, 1995. 7 dans Joubert-Laurencin, Hervé. La lettre volante. Paris: Presses de la Sorbonne nouvelle, 1997. P. 15-68 8 Idem p.36 9 Idem, p.34

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quelque chose ou dessin, ça s’applique métaphoriquement. Toute la mystique

autour du cinéma d’animation vient de l’enchaînement des images, de l’obturation,

des phases, de l’intervalle, bref, de ce qu’il appelle la fantasmagorie. Pour lui,

l’animation rappelle et réinvente toujours l’appareil cinématographique, ou

fantasmagorie10. Le point de vue est historique et il paraît comprendre l’animation

comme une forme primitive de cinéma, et elle y est ainsi placée, encore, comme

une subordonnée.

Pourtant historiquement, l’animation précède au cinéma. Quelques auteurs

prennent comme un des plus vieux ancêtres le théâtre d’ombres chinois, qui

animait des marionnettes bidimensionnelles articulées. D’autres ne vont pas aussi

loin dans le passé et commencent l’histoire de l’animation à partir de l’invention

des jouets optiques au 19e siècle, comme le zootrope ou le praxinoscope qui à

l’aide de l’obturation et d’un tambour tournant ont réussi à donner du mouvement

aux dessins. L’invention du théâtre optique par Émile Reynaud en 1888 annonce

l’avènement de l’appareil cinématographique. Avec un mécanisme de miroirs et

lanternes magiques, où les dessins d’une bande perforée étaient animés et

projetés, Reynaud présentait ses Pantomimes lumineuses, les premiers dessins

animés qui ne présentaient pas une boucle, ce qui leurs permettaient d’avoir une

plus longue durée.

Avec l’incorporation de l’image photographique à ce procédé d’enchaînement

et projection, les frères Lumière ont commencé l’histoire commerciale du cinéma.

On peut donc voir que le dessin animé existait déjà avant l’invention du cinéma, et

depuis ce point de vue, c’est clair que le cinéma est une forme qui dérive de

l’animation.

 … it is legitimate to consider cinema as a particular kind of animation, a sort of cheap, industrial substitute; which was destined to replace the creative work of an artist, such as Emile Reynaud, with photography of human models “in 

movement” (Alexeieff 1995, xxi) 

10 Idem, p. 67

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8

La vision d’Alexander Alexeïeff est un peu radicale, en parlant du cinéma

comme une façon cheap de faire de l’animation, mais je suis d’accord à le

percevoir comme une forme d’animation. Je comprends l’animation comme une

entité indépendante qui dans une de ses facettes utilise les outils

cinématographiques et devient cinéma d’animation. Intuitivement, l’animation est

depuis mon point de vue, une forme abstraite d’expression de vitalité grâce à un

enchaînement de poses dans le temps. L’animation n’est donc pas déterminée par

ses procédés techniques, mais par l’effet qu’elle produit, et le cinéma d’animation

est juste une de ses manifestations.

Animators have been able to develop forms in the dimension of time, as opposed to the two‐dimensions of painting or three‐dimensions of sculpture. This opportunity, which at times has been misunderstood, is at the root of an evolution which, after one century, has not yet seen its full potential (Alexeieff 

1995, XVII) 

Cette nouvelle compréhension du terme permet aussi de dégager les

limitations imposées aux techniques qu’on connaît comme propres du cinéma

d’animation, comme c’est le cas du stop-motion. Si bien ce procédé utilise des

principes cinématographiques comme base, c’est une erreur de l’enfermer juste

dans les paramètres du cinéma, car ça lui imposerait des limites techniques et

l’empêcherait de développer tout son potentiel.

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I I  

L ’ O B J E T  R É E L  

La référence au réel est à la base de mon travail, je me questionne

constamment sur la nature des choses et la transformation de son essence à

travers le processus de création. Dans le cas de ce texte, je vais me concentrer

sur quatre éléments que je trouve essentiels dans le processus d’une œuvre en

animation stop-motion, en essayant de prendre le point de vue de l’objet.

Dans ce chapitre, je vais essayer d’aborder les concepts d’objet, d’image, de

séquence et d’animation depuis un point de vue le plus générale et objectif dont je

sois capable, en essayant de définir chaque élément comme étant compris par le

sens commun.

Image 1. Automate 1 (2009) Nuria Menchaca

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10

La   réa l i t é  e t   l ’ ob j e t  

Mon intention ici n’est pas de parler de la réalité, de la vérité ou de la fiction

d’un point de vue philosophique, mais d’examiner ces sujets à partir de mon sens

commun et de mon point de vue d’artiste. Tout cela, avec l’intention de donner une

raison d’être à mon travail et de le comprendre, pour moi-même et pour ceux qui

s’y intéressent et qui liront ce texte.

Dans le sens empirique, la réalité est comprise comme la partie physique des

choses, les objets concrets, la matière. Elle représente tout ce qui est

expérimentable par les sens, c’est une réalité dans un sens empirique, qui

comprend le monde des objets qui s’impose à nous, les sujets.

La réalité comprend aussi toutes les subjectivités par lesquelles on interprète

les objets, selon un point de vue culturel. Cette forme de réalité n’est donc pas

matérielle, mais c’est plutôt un consensus social, qui change avec le temps et le

lieu, voir, selon le contexte. Un même objet concret peut avoir une réalité différente

pour des sociétés différentes, car pour chacune il porte une signification dont il ne

peut s’en libérer facilement.

Dans la compréhension moderne de la réalité, le caractère subjectif de celle-ci

est incontestable dans le sens où il y a toujours un sujet qui la perçoit et pense à

partir de sa propre perspective, et ainsi, chacun a une conception différente des

choses. On comprend que la réalité matérielle existe, parce qu’on interagit avec

elle en permanence, et cette réalité semble agir pour le reste du monde de la

même façon. On interprète alors le monde matériel qui nous entoure comme la

réalité, même sachant que cette réalité est construite par la raison.

Que ce soit un monde matériel qui existe par lui-même autonome à la raison,

ou qu’il soit toujours soumis à elle, le fait est qu’il est là, qu’on interagit avec lui,

qu’on développe notre raison à partir de ces expériences, et qu’il est intrinsèque à

notre propre existence. C’est à partir de ces expériences collectives avec le monde

que les cultures se construisent, tout comme notre connaissance des choses et

notre compréhension du réel.

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11

Cette réalité collective donne à chaque objet (naturel ou créé) une signification,

qui nécessairement le place dans un contexte plus grand, avec d’autres objets, on

les classifie en leur donnant un nom. Au long du temps, et à cause de différents

événements (certains dans le domaine des arts), les signifiants s’accumulent et les

liens créés entre les objets deviennent plus complexes et les cultures rajoutent des

significations et des symboliques, et la somme de tous ces caractères culturels

forme l’identité des objets et la valeur symbolique qu’on leur donne.

L’art est devenu conscient, surtout depuis Marcel Duchamp, de son rôle dans

l’addition de caractères identitaires aux objets qu’il présente et représente, et aussi

aux choix des matériaux qu’il utilise dans les œuvres. La Fontaine en est l’exemple

classique, un urinoir placé en sens inversé et signé avec un nom fictif (R.Mutt),

nous savons aujourd’hui la controverse provoquée dans le monde artistique de son

époque, et qui a changé l’image que nous avons de ces urinoirs. Marcel Duchamp

a transformé l’identité de l’objet sans l’avoir modifié physiquement.

Cette conscientisation de l’identité changeante des choses a fait que Joseph

Beuys travaillera aussi avec la symbolique des matériaux, mais au lieu de la

transformer, il l’utilisera comme un langage matériel. Dans ses travaux, c’est avant

tout le symbole transposé dans les matériaux qui va créer l’œuvre, et c’est la mise

en relation de ces objets, qui va créer une communication entre les signes, et donc

le discours.

La réalité peut être interprétée de façon créative, mais sans tomber dans une

fabulation fictionnelle. Une réalité qui a un rapport avec la vérité des choses, ou

bien qui met en scène de vrais objets, qui essaie de maintenir un balance entre la

réalité construite et la chose elle-même, mais qui est transportée dans un contexte

différent. Je vais ici nommer « contexte », tout ce qui « entoure » un objet, un

sujet, une pratique dans la conscience collective, que ce soit d’un point de vue

historique, symbolique, social, théologique, etc. Un « contexte » est constitué de

liens conceptuels possibles qui sont créés par la raison au moment où l’objet (son

image) s’impose.

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12

À travers de mon travail en animation,

j’essaie de maintenir cet équilibre entre la

réalité de l’objet et le nouveau contexte qui

lui est imposé. Ainsi, j’essaie de rendre

évidente la construction de la fiction autour

de l’objet animé, et rendre le spectateur

conscient de la présence d’un objet

originellement réel et de sa nouvelle

identité fabriquée. Image 2. Meating (2008) Nuria Menchaca

Par exemple, dans mon œuvre Meating, où les deux personnages, un cochon

et un poulet caricaturés ont chacun une texture ou « peau » correspondant à sa

« réalité », ou à ce que le concept même de porc et volaille implique, le cochon a

une image de viande de porc comme peau, et le même est appliqué au poulet.

C’est un jeu d’éléments contextuels, ce qui entoure le concept de « poulet » dans

notre culture est assez large pour qu’on puisse le comprendre en tant que

caricature infantile, aliment ou produit de consommation. Dans ce cas, l’objet qui

nous renvoi à sa réalité serait l’image commerciale des cuisses de poulet qui

conforme la texture du personnage. La figure du poussin et toute la narration dans

cette œuvre se sont construites autour de cet objet. Cet élément va nous permettre

de voir au-delà de la forme et personnalité du personnage, et va nous parler de la

réalité de l’objet.

Dans mes travaux en stop-motion, l’objet est l’élément le plus réel, dans le

sens de sa concrétude. Même lorsque mis en scène, il se représente à lui-même

comme personnage, et garde un rapport avec sa réalité matérielle. On dit que

« Quand l’artiste manipule l’objet, il commence à jouer directement avec son

identité lui faisant assumer les rôles les plus divers » (Lledó 1997, 217)11.

Cependant, l’objet va toujours défendre son identité originale, un urinoir signé par

un artiste et nommé Fontaine aura une nouvelle identité, mais celle-ci ne remplace

pas le fait que ce soit un urinoir, l’objet a alors une multiplicité d’identités.

11 extrait traduit de l’espagnol par Nuria Menchaca

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13

L ’ image    

L’image est l’outil de communication, ce qu’on appelle la création dans notre

domaine des arts visuels n’est autre chose que la production d’images. Dans la

peinture ou le dessin, on assume davantage l’œuvre comme une création

humaine, et on distingue à première vue la « main » de l’artiste. Dans le cas de la

photographie, on peut intuitivement reconnaître les objets et personnages comme

fixés dans un instant de leur existence, grâce à un outil technologique.

L’objectivité de la photographie lui confère une puissance de crédibilité absente de toute œuvre picturale. Quelles que soient les objections de notre 

esprit critique nous sommes obligés à croire à l’existence de l’objet représenté, effectivement re‐présenté, c’est‐à‐dire rendu présent dans le 

temps et dans l’espace. La photographie bénéficie d’un transfert de réalité de la chose sur sa reproduction. (Bazin 1985, 13) 

La construction d’une image artistique englobe un procès de double et de

dédoublement. Dans un premier temps, la perception d’un objet est rationalisée et

sa matérialité est substituée par une image mentale, c’est la première

subjectivation de la chose, elle reste non seulement dans la mémoire comme une

impression de la réalité, mais elle soufre de ce qu’Edgar Morin appelle une

majoration subjective12. Le fait même de vouloir préserver dans la mémoire la

vérité des choses, le plus objective possible, augmente la valeur subjective de la

projection.

L’image artistique (matérielle) est la concrétisation de l’image mentale ; de

cette manière la peinture la plus réaliste par exemple, serait une projection d’un

mouvement subjectif intense, ou la pensée a fait une exaltation des caractères de

l’objet originel, pour lui donner une valeur supérieure, et de cette manière le

transformer en objet de culte. L’image artistique n’est pas ici la représentation de

12 Morin, E. (1958). Le cinéma ou l'homme imaginaire. Utrecht: Éditions Gonthier.

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14

l’objet même, mais le reflet du double de l’objet qui habite dans la mémoire du

créateur. 13

Étant donné que toutes les images sont fabriquées par l’homme, le caractère

subjectif est implicite, ce qui ne veut pas dire qu’elles nous présentent une

abstraction totale. L’image est le pont entre le spectateur et la pensée de l’artiste,

et si l’idée est de représenter une conserve de soupe Campbell’s, l’image de celle-

ci va nous renvoyer à la conserve originale à travers notre image mentale.

Étant donné que pour chaque participant du cycle de la communication il

existe nécessairement une interprétation subjective de l’image

(émetteur/récepteur, artiste/spectateur), et que la subjectivité à ce niveau est vraie

pour toute forme de connaissance, dorénavant je vais laisser un peu de côté cet

aspect, et je vais me concentrer plus spécifiquement sur la concrétude de la

chose, soit la relation entre images et objets dans leur état plus autonome à la

raison en laissant sous-entendu le procès mental.

Dans la société de consommation où on vit présentement, on est exposés

quotidiennement à un bombardement d’images à tous les niveaux. Les

technologies de l’information nous donnent l’accès à toute sorte d’images de

consommation qui prennent peu à peu le rôle qu’occupait encore dans d’autres

sociétés la religion (l’image de Dieu) ou les mouvements sociaux (image politique).

Aujourd’hui, c’est devenu une forme de naïveté de croire en la fidélité objective

d’une image photographique, ce n’est plus seulement le fait que l’image

photographique soit toujours le fruit d’un point de vue unique et d’un cadrage

subjectif, mais les technologies numériques font en sorte que toute image peut être

modifiée à nôtre goût. Elles peuvent nous donner une impression de réalité qui

13 « La chose et la perception de la chose sont une seule et même chose mais rapportée à deux systèmes de référence distinctes. La chose, c'est l'image telle qu'elle est en soi, telle qu'elle se rapporte à toutes les autres images dont elle subit intégralement l'action et sur lesquelles elle réagit immédiatement. Dans la perception ainsi définie, il n'y a jamais autre ou plus que dans la chose : au contraire il y a " moins ". Nous percevons la chose, moins ce qui ne nous intéresse pas en fonction de nos besoins. Par besoin ou intérêt il faut entendre les lignes et points que nous retenons de la chose en fonction de notre force réceptrice, et les actions que nous sélectionnons en fonction des réactions retardées dont nous sommes capables. Ce qui est une manière de définir le premier moment matériel de la subjectivité : elle est soustractive, elle soustrait de la chose ce qui ne l'intéresse pas (…) » (Deleuze 1983, 93)

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15

n’existe pas vraiment, en fait, une image complètement créée numériquement sera

complètement fictive, même si, par ressemblance, elle nous fait croire qu’elle est

photographique.

… les images contemporaines sont tellement saturées d’irréel qu’elles s’avèrent incapables d’assumer la fonction de renvoi à la réalité de la chose […] les nouvelles formes de l’image tendent à brouiller la frontière entre le 

fictif et le réel, à remplacer la manifestation de l’absence effective de la chose par l’illusion de présence… (Lavaud 1999, 12) 

Pour Baudrillard, toute forme d’intervention sur l’image photographique est une

forme de violence14, mais avoir une position aussi radicale ne permettrait pas

l’évolution des dispositifs de l’image, car étant un élément culturel, elles changent

avec le temps parallèlement à l’évolution de la société. Dans les images on trouve

le reflet de la réalité où elles ont été créées.

Pour créer la boucle animée 2 29, j’ai repris quelques images de produits que

j’ai trouvés dans des circulaires d’épicerie. Ces images publicitaires sont un bon

exemple de la culture de masses qu’on habite actuellement. Fabriquées par

milliers, une par magasin à chaque semaine, les circulaires inondent le milieu

urbain et nous rappellent constamment notre rôle dans la société de

consommation. Mais cela ne s’arrête pas là, car dans chacune de ces circulaires,

on trouve entre 10 et 40 produits annoncés par page. Les photographies de ces

produits, invariablement retouchées sur un logiciel, nous présentent une image

nette et idéale des objets. Les tomates sont toujours parfaitement rondes et rouges

et c’est rare de voir un poisson complet (tête et queue inclus). Une circulaire nous

montre à travers ses images, l’aspect d’artificialité et de saturation de la vie

urbaine.

14 The violence of images (and more generally the violence of information, or of the Virtual) is aimed at making the real disappear. Everything must be seen, must become visible. The image is the paramount site of this visibility. All reality must become an image, but most of the time only at the cost of reality’s disappearance. Furthermore, the source of seduction or fascination of images (the fact that something in them has disappeared) is also the source of their ambiguity-in particular, the ambiguity of using images for reporting, messages statements. By conjuring up in the imagination even the most brutal kind of reality, the image loses its real substance. (Baudrillard 2008)

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Image 3. 2 29 (2007) Nuria Menchaca

L ’ image  en  mouvement  e t   l e  montage  

Que ce soit de cinéma, de télévision ou d’ordinateur, actuellement l’écran est

une

On comprend intuitivement la vidéo comme un média qui nous permet

d’en

La vidéo, dans sa présentation plus élémentaire, fait partie de nos vies en

étan

de nos principales sources d’images contemporaines. L’élément temporel et

sonore des images cinématographiques ou vidéographiques nous donnent un

repère qui s’approche encore plus à notre réalité que l’image photographique. Il

n’est plus question de capter un instant, mais toute une action.

registrer des aspects de notre vie quotidienne ou des représentations

d’événements qui tiennent place dans la réalité. Même si on comprend que c’est

un point de vue de la réalité, on peut reconnaître des éléments de notre propre

expérience. Par exemple, on peut distinguer un être vivant par ses actions et

certaines caractéristiques, comme le mouvement vivace et la présentation de sa

matérialité dans les images.

t un outil pour notre mémoire, comme pourrait l’être l’album de photos. Dans

cette société, la vidéo est assimilée comme un registre de la réalité dans un temps

passé, et très souvent dans un lieu différent, et elle est toujours associée à un

écran de télévision ou bien à une projection.

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17

Au contraire des vidéos de famille, qui sont peut être l’exemple de prise de vue

qui s’approche plus au réel, le film (tout comme les programmes télévisés) nous

présente une succession de séquences avec plusieurs points de vue, qui vont

générer une continuité apparente dans la narration. Cette organisation de

l’information se fait pendant le procès du montage, et c’est cet instrument persuasif

qui distingue les créations audiovisuelles des autres formes d’art.

Le film Once in the XX Century (2004)15 de l’artiste d’origine lettone,

Deimantas Narkevicius est une œuvre dédiée au montage cinématographique.

Pendant ses 8 minutes de

durée, on voit les images

originales d’un événement

qui est devenu, grâce à la

médiatisation invoquée par

la chaîne CNN, un symbole

de la désintégration de

l’Union Soviétique : le

démontage d’une statue de

Lénin à Vilna16. Grâce à un

travail impeccable de

montage, Narkevicius nous

présente cet événement en

sens inverse, où on voit la foule célébrant la mise en place de ce même

monument. Ici, le montage est l’outil créateur de l’illusion, du mensonge, mais

puisque ces images sont inscrites dans la mémoire collective, cette démonstration

nous rend conscients de cette partie du processus, et de la subjectivité du

documentaire.« L’effet de réel naît de la surprise, de ce qui cloche ; en somme, le

documentaire est vrai lorsqu’il révèle son mensonge. » (Joubert-Laurencin 1997,

21)

Image 4. Once in the XX Century (2004) Deimantias Narkevicius

15 Présenté lors de l’exposition rétrospective au Museo Nacional Centro de Arte Reina Sofìa, à Madrid du 13 novembre 2008 au 16 février 2009 16 (Museo Nacional Centro de Arte Reina Sofîa s.d.)

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18

Une des fonctions du montage est de donner un rythme propre à la production,

car la relation au temps détermine la réponse du spectateur. Actuellement, l’image

télévisée prend la forme d’une succession frénétique d’informations où, laissant à

part la publicité, les programmes doivent s’adapter à une gestion serrée de

« temps d’antenne », ce qui ne laisse pas le temps aux images d’évoquer la

réalité. Ce rythme s’est déjà répandu au cinéma commercial, qui « s’adapte » au

rythme de vie du public, et qui représente un symptôme de ce que quelques-uns

déclarent comme la mort du cinéma17.

The reduction of cinema to assaultive images, and the unprincipled manipulation of images (faster and faster cutting) to make them more 

attention‐grabbing, has produced a disincarnated, lightweight cinema that doesn’t demand anyone’s attention. Images now appear in any size and on a 

variety of surfaces: on a screen in a theatre, on disco walls and on megascreens hanging above sports arenas. The sheer ubiquity of moving images has steadily undermined the standards people once had both for cinema as art and for cinema as popular entertainment. (Sontag 1996, 8) 

Il existe bien sûr des cinéastes indépendants et des artistes comme Deimantas

Narkevicius qui cherchent nostalgiquement différentes approches du langage

cinématographique pour essayer de « sauver l’image »18, par le changement de

rythme, ou même l’arrêt dans l’image cinématographique19 par exemple. Mais

c’est le cinéma classique qui disparaît en laissant place à un autre cinéma, qui

évolue dans le temps. « Le cinéma y dévient, d’un côté, vraiment mais seulement

un art; de l’autre, il s’y métamorphose en dispositifs étrangers, incessamment

renouvelés, où il disparaît à lui même sous couvert de se réinventer sous d’autres

noms » (Bellour 2002, 9). Le cinéma en évolution, celui qui sort de la salle obscure,

est amené souvent à la galerie, où il va rejoindre les arts visuels. Le cinéma qui

reste dans la salle semble vouloir s’adapter à la vitesse du monde actuel.

17À se sujet, voir : Balsom, Erika. «Saving the Image.» Cinéaction, Spring 2007: 23-31. 18 Idem 19 « De même, l’arrêt sur l’image est devenu un procédé classique qui montre que le mouvement qui fait passer l’image fixe à l’image animée est réversible. » (Melot 2002)

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L ’ an imat ion  e t   l a  matér i a l i t é  des  personnages  

Le film d’animation, et je parle ici aussi de l’animation télévisée, actuellement

fait aussi partie de ce mouvement frénétique qui s’approprie des médias, et de la

capitalisation de l’image. La succession incessante d’informations nous fait perdre

le repère que nous avons de la réalité, car on n’a plus le temps d'évaluer

l’information que l’on vient de recevoir. Notre conception du réel est transformée,

et il devient plus difficile parfois, de distinguer le réel de la fiction.

L’animation nous permet de créer les mêmes images fictives qu’on crée avec

d’autres pratiques artistiques parfois d’une façon assez vraisemblable et

acceptable comme vérité pour le spectateur. Notamment avec les techniques

numériques d’animation, actuellement il y a une tendance à créer des œuvres très

réalistes, qui trompent notre perception. En fournissant des aspects réalistes au

niveau des formes et textures, elles sont capables de produire des images avec

une haute qualité qui se compare à la photographie. Les technologies numériques

permettent de créer des simulations non seulement d’objets, mais aussi des

ambiances, des éclairages et des appareils de prise de vue (caméras). Avec

comme objectif (sinon, au moins comme accident) de tromper la perception du

public, de faire apparaître comme étant vraies ces simulations. Il est difficile de

trouver des productions professionnelles qui n’utilisent pas ces ressources

numériques de simulation des objets et d’environnements dans le résultat final.

Laissant à part son intégration dans les effets spéciaux, l’animation

commerciale est focalisée dans le domaine du divertissement. L’histoire de

l’animation depuis Disney, se déroule principalement dans un contexte infantile, et

c’est comme ça qu’il est placé dans l’inconscient collectif. Par contre, ce qui est le

point d’intérêt pour le public n’est pas nécessairement l’image, normalement

caricaturée dans un premier temps, mais l’histoire qui se déroule, car par principe,

l’animation nous permet de créer les personnages et les situations les plus

fantastiques. En fait, c’est le caractère aussi irréel de l’image animée qui nous

permet d’accepter sans contrainte le scénario le plus fictif.

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The uniqueness and continuity of animated narration recalls the fluency of mise‐en‐scène in contemporary theatre. In many senses, animation is actually 

a language closer to the stylized representation of theatre ‐where the incredulity of the public is temporarily cancelled – than to live action 

cinematography; for instance, animation can simplify the scenery so much that characters may move convincingly even in the most neutral landscapes, 

insofar as the viewer’s imagination is activated by this undetermined space. (Hernandez 2007, 40)

Ceci est vrai pour la plupart des productions numériques et des dessins

animés, où l’image a perdue presque toute l’empreinte du réel il n’y a pas un

repère photographique de sa matérialité. Par exemple dans le cas de l’animation

stop-motion en pâte à modeler, même si la photographie est à la base de l’image,

le monde présenté est tellement irréel que l’on perd la notion de figurine, de

poupée, pour se concentrer dans le personnage qu’elle représente. « La figurine

est dépourvue de référent, elle est créée comme pour elle-même. (...) On peut

désormais penser que ce n'est pas tout le corps qui manque à l'animation mais

bien l'un de ses registres, celui du soma. » (Tomasovic 2007, 55)

Quand on voit une des aventures de Wallace and Grommit, on sait bien qu’il

s’agit de poupées animées, mais les personnages et les décors sont faits dans une

imagerie aussi nette et artificielle que l’attention est automatiquement dirigée vers

la narration. Ici, la

manipulation de la pâte à

modeler contraste avec celle

exécutée par Jan

Svankmajer en Dimensions

of Dialogue (1982), où ce

même matériel agit comme

personnage et répond à sa

capacité naturelle de

malléabilité, ce qui

s’approche plus de notre

expérience et nous fait Image 5. Dimensions of Dialogue (1982) Jan Svankmajer

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remarquer sa présence dans la production au-delà de la narration. C’est seulement

quand le personnage agit conformément à sa réalité matérielle, que l’animation va

nous renvoyer à l’objet en tant que tel, et ne va pas seulement nous raconter une

histoire de fiction.

Le travail du réalisateur Jan Svankmajer est très significatif pour moi, car on

partage une technique et un intérêt pour la matérialité des choses. Ses

personnages sont souvent des objets de la vie quotidienne, et il les présente en

exagérant ses caractéristiques formelles et conceptuelles. C’est ainsi qu’il crée un

style que certaines personnes trouvent macabre, mais que je dirais que c’est

seulement une esthétique matériellement exagérée qui tente de rester fidèle à la

réalité matérielle des objets.

C’est au moment de l’élaboration du personnage qui sera animé que l’artiste

va décider à quel niveau la figurine et

son entourage seront irréels, et jusqu’à

quel point la main de l’animateur sera

présente dans la personnalité de

l’œuvre. Dick Tomasovic dans son

livre Le corps en abîme nous décrit le

personnage principal du film Ubu, du

belge Manuel Gomez. L’histoire est

une adaptation de la pièce de théâtre

Ubu Roi, sauf que cette fois la figurine

principale, autant que les personnages

secondaires, est faite à partir d’un

morceau de viande dotée d’une paire

de yeux. La figurine d’Ubu souffrira du

procès de décomposition au long du

film. Image 6. Ubu (1994) Manuel Gomez

Les identités des figurines, pourtant bien établies, ne parviennent jamais à faire oublier qu'il s'agit de viandes mortes que l'on manipule en tout sens. 

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Deux tabous sont ici malmenés. D'abord, Gomez ne respecte pas l'interdiction, pourtant martelée dès la prime enfance, de jouer avec la nourriture; ensuite il ne répond pas à l'obligation de laisser les morts reposer en paix. (...) Toutefois, ce qui trouble dans ce film, qui joue des rapports complexes et fantasmiques entre mort et nourriture, c'est le rôle de charnière qui est pris en charge par 

l'animation. (Tomasovic 2007, 94) 

L’utilisation de différents matériaux et objets comme personnages dans une

animation stop-motion va changer sa capacité de référence au réel. En leur

donnant un mouvement, les personnages animés créés à partir d’objets ou

matériaux qui font partie de notre quotidien, défient et changent notre perception

de la réalité.

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I I I  

ŒUVR E   E T  D I S P O S I T I F  

Descr ip t i on  de  mon  œuvre  en   s t op ­mot i on  

Les œuvres réalisées durant ces deux ans à la maîtrise, ont l’animation

comme point commun. Que ce soit une œuvre audiovisuelle, une installation ou un

jouet, la réflexion tourne toujours autour de ce sujet. La majorité des œuvres ont

été réalisées avec des objets et matériaux trouvés, donnés ou achetés (à bas prix),

et pour presque toutes, les procédés de production naissent directement de mon

intuition. Ici, je vais seulement décrire les travaux audiovisuels réalisés, du reste,

j’en traiterai plus tard.

Mon premier projet dans la maîtrise, s’appelle 2 29, il est le premier d’une série

où je prends comme objets de base les circulaires de supermarché. 2 29 est un

dessin animé sans bande sonore, qui comprend trente dessins et six images de

produits appropriées des circulaires, qui ont comme point commun leur prix

($2.29). Ces six produits se rassemblent autour du chiffre qui énonce sa valeur, et

c’est par le dessin qu’un objet se métamorphose en étapes, une pour chaque

dessin, pour finalement se transformer en l’objet suivant, et c’est ainsi,

successivement, jusqu’à ce que le cycle est complet et la boucle recommence. La

reproduction de la boucle se poursuit pendant 2 minutes et 29 secondes.

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Image 7. Détail de Maxi (2008) Nuria Menchaca

Maxi20 est une animation en stop-motion qui se présente aussi en boucle et,

comme la majorité de mes travaux, idéalement dans le cadre d’une exposition. Le

montage a été réalisé de façon à que ce soit une séquence infinie, où il n’y a pas

vraiment de début ni de fin dans la narration. Cette animation est composée de

trois séquences différentes, trois actions qui parfois vont en sens inverse et qui ne

sont pas toujours placées dans le même ordre. Les images présentent des

interactions à deux entre une circulaire d’épicerie, une boulette de viande hachée

et une paire de mains.

Image 8. Meating (2008) Nuria Menchaca

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La troisième animation, Meating, va briser la tendance que j’avais depuis deux

ans de créer des animations sans un personnage (dans le sens plus traditionnel du

mot), mais aussi c’est un travail avec un début et une fin, où une histoire est

racontée. En fait, il y a deux personnages dans l’histoire, un poussin et un

cochonnet. La « peau » de chacun est formée par une image de cuisses de poulet,

et de viande de porc, respectivement. L’histoire est simple, ils marchent dans des

directions opposées jusqu’à ce qu’ils se retrouvent face à face, puis ils échangent

des idées, et finalement échangent leurs peaux ; à la fin, les deux marchent encore

en directions opposées, cette fois-ci avec leurs corps transformés.

Supernova x3 est un triptyque animé dont une des parties a été présentée à la

deuxième édition du festival

Animasivo, à México et a reçu une

mention honorifique21. Cette œuvre

présente, simultanément, trois

versions d’une même histoire, mais

animées chacune d’une façon

différente. L’histoire se passe dans

un salon, où les murs nous

permettent de voir les étoiles

pendant la nuit, sauf que cette nuit,

une des étoiles explose, et

emporte avec elle tout ce qu’il y a dans le salon, laissant une nébuleuse et un trou

noir, qui finit par tout avaler. Supernova x3 est installée dans trois écrans, placés

l’un à côté de l’autre, où on voit en même temps les images de chaque animation.

Elles représentent le même moment de l’histoire, vu du même angle, mais elles

diffèrent en la technique utilisée.

Image 9. Supernova (2009) Nuria Menchaca

20 http://www.youtube.com/watch?v=e47MFZ2RzAY 21 http://www.youtube.com/watch?v=Bhtu9yra6_4

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Un dernier projet de stop-motion à la maîtrise est Conservation, une

installation interactive où à l’aide de l’animation, je redonne une vitalité aux

habitants d’une boîte de sardines réelle, qui retrouveront la liberté à l’aide de la

présence du spectateur. L’installation prend forme d’une projection interactive où la

distance du public par rapport à l’image va déterminer cette possibilité de la fuite

des personnages. Quand on est loin de l’image, on voit une boîte de sardines qui

bouge, comme s’il y avait quelque chose vivant dedans, on s’approche un peu et

elle commence à s’ouvrir et une sardine sort la tête pour voir dehors (ou plutôt

l’extrémité du poisson où

il est sensé y avoir une

tête), puis en

s’approchant encore, elle

sort de la boîte et

s’échappe avec le reste

des sardines.

L’animation fonctionne

de la même manière,

mais en sens inverse

quand on s’éloigne, et

les poissons sont

« attirés » vers la boîte

qui se referme. Image 10. Conservation (2009) Nuria Menchaca

Le  d i spos i t i f  de  pro je c t i on   comme  ob je t    

Quand on rencontre une œuvre d’art, on retrouve premièrement un support de

présentation. Une peinture est avant tout un objet normalement composé du cadre

de bois, toile, pigments ; une estampe est constituée de papier et d’encre, et une

sculpture peut être faite de pierre, bois, métal, plastique, etc.

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Pour les œuvres qui dépendent des technologies numériques, définir le

support de présentation d’une œuvre n’est pas aussi évident. Suivant la logique de

plus haut, le support d’une œuvre vidéo, par exemple, serait l’écran où elle est

présentée, car il constitue l’objet concret qu’on expérimente.

Une première différentiation de ces deux genres d’art se trouve dans leur

capacité de duplication, ainsi les médias se divisent en autographiques et

allographiques. Comme Nelson Goodman l’explique dans son livre Langages de

l’art22, dans les œuvres autographiques on peut distinguer la main de l’auteur (ou

de l’artisan originel) dans l’objet qui nous est présenté, comme dans le cas de la

peinture et la sculpture. Le support est ici directement lié à l’œuvre, même si cette

œuvre (qui est intangible) peut exister dans certains cas sous différentes formes

matérielles.

Une œuvre allographique est indépendante de son support, comme dans le

cas de la littérature ou la musique, il n’existe pas de différence entre une copie et

l’original d’un même livre, et en musique même si elle est interprétée par des

musiciens différents, suivant toujours les paramètres définis par l’auteur, on

distinguera toujours la même œuvre musicale. Un film serait une œuvre

allographique, dans le sens où l’œuvre est sensée être copiée, Jurassic Park

projeté dans une salle de cinéma, en DVD ou vu en streaming sur internet restera

toujours le même film.

La séparation d’œuvre d’art et dispositif va nous permettre de comprendre

l’importance de la matérialité du support même. L’objet que l’on rencontre dans

une galerie, qu’il soit le produit d’une manipulation physique de la part de l’artiste,

comme pour une sculpture en bois ou un dessin, une manipulation conceptuelle,

comme un objet trouvé, ou qui soit juste un outil de présentation comme un

projecteur ou un écran, aura toujours un élément à ajouter à l’œuvre. « … dans

ces formes d’art où la technologie joue un rôle clef, il n’y a pas de création de sens

sans qu’également un sens ne soit donné au dispositif technique lui-même ».

(Hébert, L'ange et l'automate 1999, 24) 22 Nelson Goodman, Langage de l'art: une approche de la théorie des symboles, trans. Jacques Morizot (Paris: Hachette Littératures, 2005 c1990).

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Je me suis toujours intéressée à cette question dans mon travail, j’aime

l’honnêteté du dispositif, dans le sens ou j’essaie de ne rien cacher du travail de

bricolage lorsqu’il y en a. Si j’utilise un objet trouvé, ou que je transforme le

mécanisme d’un jouet par exemple, je préfère laisser sentir la présence de l’objet

original, indépendamment du discours thématique de l’œuvre.

Révéler le dispositif derrière l’œuvre est pour moi, une façon de me rapprocher

au public, car c’est une forme de démystification de la figure de l’artiste. À travers

les objets quotidiens, je cherche à établir un sentiment d’accessibilité, de

démontrer que l’objet est le produit d’une facture intuitive, avec des moyens

simples.

Je cherche une économie dans les moyens utilisés aussi au niveau de la

production de mes animations en stop-motion. Et je prends le sens d’économie

comme forme de simplicité, mais aussi dans un sens monétaire, car j’essaie de

travailler avec autant d'austérité que possible. Pour mes animations, l’utilisation

d’objets et produits quotidiens est au centre du travail, mais aussi de la thématique

et le discours de l’œuvre. Pour chaque animation j’invente une méthode de travail,

pour chaque personnage je dois résoudre le problème de sa manipulation, car ils

n’ont pas été conçus pour être animés, mais j’essaie toujours de trouver la solution

plus intuitive. Parfois cette façon de procéder n’est pas la plus efficace, mais ça

donne un caractère spécial à chacun de mes travaux.

À mon avis, dans le cas des médiums cinématographiques ou

vidéographiques, il y aura dans la plupart des cas, deux objets différents qui

constitueront le support de l’œuvre : le dispositif technique et l’image projetée.

L’image projetée, étant apparemment intangible peut être confondue avec l’œuvre

d’art dans le sens idéale que lui confère Goodman. Pour un film ou une animation,

il y a deux étapes de réalisation, l’une est celle de la production même du film,

incluant les prises de vue, le montage et sa traduction en objet ou enregistrement

(DVD, pellicule, fichier), et l’autre implique la mise en place des appareils mêmes

de projection, incluant le lecteur (DVD, projecteur, logiciel) ainsi que l’écran.

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29

De cette manière, la partie audiovisuelle de l’œuvre serait allographique, car

sa duplication ne fait aucune différence pour l’œuvre, et elle n’est pas déterminée

par le support. La mise en place des appareils de projection en revanche,

déterminera le contexte dans lequel l’œuvre est présentée, et la disposition de

ceux-ci nous présentera le caractère autographique de l’œuvre.

Dans le cas de

Conservation, je fais une

installation où l’interaction

du public fera avancer

(ou reculer) l’animation

projetée. Ici, le dispositif

est composé d’un

projecteur, d’un senseur

et d’un ordinateur. Même

par eux-mêmes, ces

appareils pourraient être

remplaçables,

l’emplacement du

système est unique à

chaque fois qu’elle est installée. L’image projetée reste toujours la même, qu’elle

soit modifiée pour le spectateur ou pas, le fichier originel n’est pas transformé, ce

qui change dans l’œuvre est l’emplacement, le contexte.

Image 11. Conservation (2009) Nuria Menchaca

Par contre, ce ne sont pas toutes les images audiovisuelles qui sont

allographiques. Un exemple de ce cas seraient les performances de Pierre Hébert.

Auto-nommé un cinéaste d’animation de la fin du cinéma23, il nous présente dans

ses live-animations une réflexion sur l’animation depuis le point de vue du

créateur.

Pierre Hébert a commencé par faire des performances d’animation en 1986 en

utilisant la gravure directe sur pellicule comme médium d’animation. La pellicule 23 Pierre Hébert, «Un cinéaste d'animation de la fin du cinéma,» Pierre Hébert, 09 mai 2009, http://www.pierrehebert.com/index.php/ (page visitée le 16 mai 2009).

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30

était simultanément projetée dans un écran, avec juste un petit décalage, pour lui

permettre de faire les dessins. En ce temps-là, « le but était de mettre à plat, étalés

côte à côte devant les spectateurs, tous les éléments du cinéma : l’écran, le

projecteur, la bande de pellicule 16 mm, la table lumineuse, les outils de gravure,

le travail image par image et le corps de l’animateur (moi-même) engagé dans une

activité frénétique visant à tenir le rythme avec le projecteur. » (Hébert, L'idée de

l'animation et l'expression instrumentale 2009). Plus récemment, Pierre Hébert

continue à faire des performances d’animation, en utilisant encore table lumineuse,

dessin en direct et la présence corporelle de l’animateur, mais en faisant des

prises de vue de ses dessins ou objets qui sont ensuite enchaînées

progressivement par un logiciel programmé à cet effet, et projetées simultanément.

L’activité de l’animateur, et conséquemment la valeur de son déploiement corporel, reste scindé entre, d’une part, la persistance de l’état immémorial d’«homme porteur d’outil» qui se manifeste essentiellement dans l’action de dessiner, et, d’autre part, l’émergence de l’état essentiellement nouveau d’«homme auxiliaire d’un procès machinique» qui consiste précisément en l’effet technologique de la transformation de la production manuelle de dessins distincts en des mouvements visibles par projection sur un écran. 

(Hébert, Un cinéaste d'animation de la fin du cinéma 2009) 

L’image audiovisuelle présentée dans ces performances est juste un élément,

et il reste exclusif à chaque présentation. Même si c’est la conclusion de la

narration présentée, elle restera toujours une partie du dispositif, car l’importance

de l’œuvre se trouve dans le procès de sa production. Ceci se clarifie quand ont

voit que Pierre Hébert présente la même œuvre plusieurs fois et dans divers

endroits, les images animées seront toujours différentes, la thématique change à

chaque fois, mais le processus et le discours restent les mêmes.

Pierre Hébert est créateur et support de ses performances. En utilisant les

appareils de production, et en se mettant soi-même en scène, il devient un objet

de l’œuvre, il fait partie du dispositif et il essaie de projeter « une image purifiée de

« l’idée d’animation » » (Hébert, L'idée de l'animation et l'expression instrumentale 2009)

en transformant le procédé de création en œuvre d’art.

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L ’ a r t i f i c i a l i t é  de   l ’ image  an imée  

Pour des raisons qui peuvent être stylistiques, d’allégement de la forme ou

d’intérêts purement commerciaux, l’image des produits incluant la plupart des

œuvres d’art est une image purifiée. L’obsession humaine de perfection et de

recherche de pureté dans ses créations nous inspire la volonté d’effacer toute

trace du procédé technique de production. L’importance accordée à l’image finale

n’étant donc plus qu’elle soit la trace de la production, mais la symbolique

contenue dans son discours.

Le chemin à suivre pour arriver à produire une œuvre audiovisuelle n’est pas

toujours évident à comprendre juste par l’observation de l’image projetée. Mais on

peut comprendre certains aspects temporels par exemple, dépendamment de la

nature de la production. Les images qu’on expérimente dans chaque œuvre vont

nous référer à un aspect temporel et matériel d’une fiction parfois déguisée de

documentaire.

Image 12. Supernova (2009) Nuria Menchaca

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L’image vidéographique est nostalgique ou mémorielle, dans le sens où elle va

toujours nous présenter des événements du passé (au moins qu’elle nous montre

des actions en temps réel, où elle serait plutôt voyeuriste). Même si souvent les

actions qui s’y développent sont fictives, créées avec des acteurs, des décors, etc.,

elles nous montreront toujours un événement passé.

D’un côté le mouvement, le présent, la présence. De l’autre l’immobilité, le passé, une certaine absence. D’un côté le consentement à l’illusion, de l’autre une quête d’hallucination. D'un côté une image qui fuit, mais nous prend dans 

sa fuite; de l’autre une image qui se donne toute, mais dont le tout me dépossède. D’un côté un temps qui double la vie, de l’autre un retournement du temps qui finit par buter sur la mort. Telle est la ligne de partage tracée par 

Barthes entre cinéma et photographie. (Bellour 2002, 75) 

L’animation est différente, elle ne peut être nostalgique, car ce qu’on voit n’est

pas le registre linéaire d’un temps passé, mais la succession de photogrammes

fabriqués chacun dans un moment différent. La continuité linéaire du temps dans

l’animation est fictive. Avec le stop-motion, même si les images nous viennent d’un

temps passé, l’artificialité des actions et des personnages fait en sorte que le

caractère nostalgique se perd. Ayant perdu le repère d’un temps passé, l’image

animée devient onirique. Ainsi, l’animation n’est nostalgique que par rapport à son

contexte historique (ce qui s’applique à tous les objets fabriqués).

Dans le cinéma de prise de vues réelles, c’est la captation du temps comme factualité qui domine. Dans le cinéma d’animation, c’est la construction du 

temps comme factualité. (Hébert, L'ange et l'automate 1999, 108) 

Une image originalement photographique, comme celle du cinéma naturel ou

le stop-motion, va toujours nous faire référence aux objets ou matériaux du monde,

car elles utilisent leurs images comme base de la production. Le caractère fictif

irréfutable du stop-motion dirige notre attention sur le caractère matériel des objets

animés qui se présentent comme une contradiction à ce que l’on connaît de la

nature des objets réels. Le cinéma naturel nous rappelle continuellement l’absence

des objets et personnages qui bougent devant nous.

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Bien que l’objet concret demeure la base de l’animation stop-motion, c’est

seulement grâce à la capture de son image par des moyens photographiques

qu’on peut le reconnaître dans la projection finale. C’est à ce moment-là que le

cadrage prend place, en choisissant un point de vue spécifique qui mettra en

relation les objets présentés. Dans une production audiovisuelle de fiction, que ce

soit un film ou une animation, il y aura toujours un cadrage qui va « cacher » la

totalité de l’espace au moment précis d’être enregistré. Le cadre sert dans un

premier temps à cacher les dispositifs de production, soit l’éclairage artificiel et les

décors, et pour le stop-motion il cache la main de l’animateur. « N’importe quel

ensemble a un ensemble plus vaste (…), un ensemble étant cadré, donc vu, il y a

toujours un plus grand ensemble » (Deleuze 1983, 29). L’adoption d’un point de

vue qui ne nous montrera pas l’appareil de mise en scène oblige au spectateur à

imaginer un ensemble cohérent avec l’histoire de fiction racontée.

C’est dans cette étape de mise en scène que l’objet – personnage du stop-

motion perd sa matérialité réelle, et se transforme en trace de la réalité. La

visualité de l’objet est attrapée chimiquement par la pellicule cinématographique,

ou bien elle est interprété et codifié dans un langage numérique (dans le cas des

prises de vue avec un appareil de photo numérique).

À cette étape l’image est photographique et « isole l’instant, elle l’arrache au

flux continu du temps » (Lavaud 1999, 228), même si chacun de ces instants a été

planifié en avance, et ne représente que le caractère statique de l’objet. Car, dans

le cas du stop-motion, il faut fabriquer (ou mettre en scène) les instants, pour que

la caméra les arrache dans un moment précis. « Les films d’animation ont une

existence autonome antérieure à celle que leur confère la photographie et le

passage du film dans la caméra ; dans presque tous les cas, chacune de leurs

images a dû exister comme œuvre d’art … » (Théberge 1982, 12).

La multiplicité d’images et l’enchaînement

Le procédé de création d’une animation en stop-motion peut varier

dépendamment des techniques spécifiques utilisées, que ce soit du claymation

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(pâte à modeler), pixilation (animation de personnes réelles), ou des marionnettes

animées, la base de technique est toujours la même. Celle-ci consiste à prendre

une série de photographies ou photogrammes pour chaque action du personnage.

Une action est ainsi constituée d’un certain nombre de poses afin de créer un

mouvement fluide et vraisemblable.

Si on tient en compte que chaque seconde d’animation correspond une

moyenne de douze poses, ceci implique une grande quantité d’images différentes.

Pour chacune de ces prises de vue, on trouve l’objet ou personnage dans une

situation qui va être toujours différente. Cette multiplicité d’images contraste avec

l’unité de l’objet qui est animé image par image, chacune de ces images présente

un instant différent où l’objet participe.

Pour le dessin

animé, le procédé est un

peu différent, même si le

principe d’animation est

à la fin le même. Ce

procédé nous permet de

déterminer les poses clé

ou key frames de chaque

action pour ensuite créer

les dessins

intermédiaires. C’est à

dire que dans un dessin

animé, l’ordre des images projetées ne correspond pas nécessairement à l’ordre

chronologique de sa création. En contraste, les actions dans le stop-motion ont été

nécessairement réalisées suivant l’ordre des poses.

Image 13. Esquisse pour 2 29 (2007) Nuria Menchaca

Une des plus grandes différences entre le dessin animé et le stop-motion

réside dans la quantité d’objets créés pour chacune des productions. Même si le

stop-motion parfois utilise plusieurs figurines d’un même personnage, ceux-ci

seraient des remplacements afin de maintenir la qualité du matériel, ou bien pour

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permettre la production simultanée de différentes scènes. L’idée finalement est

que pour chaque action représentée dans une animation stop-motion, il existe un

unique objet qui est mis en scène pour chaque prise de vue. Le dessin animé

implique un objet ou dessin différent pour chaque image.

Il y a dans le rapport entre dessiner et animer un paradoxe fondamental qui tient, d’une part, au fait que l’animateur ne dessine pas du mouvement mais 

bien une série de dessins fixes; incontestablement l’animateur dessine, cependant la finalité de son action n’est pas le dessin lui‐même mais le 

mouvement qui se manifeste par la projection cinématographique de la série de dessins. D’autre part, cette projection, qui révèle le mouvement caché dans la série de dessins, a pour résultat d’effacer qu’il s’agit en réalité non d’un mouvement mais d’une succession de dessins fixes. Elle a en outre l’effet d’atténuer ce qu’il y a de singulier dans chaque dessin, si on le considère comme simple dessin fixe, et de rapporter la suite de dessins à une image moyenne qui, en réalité, n’est qu’un effet perceptuel sans aucune existence 

matérielle en tant que dessin. (Hébert, L'ange et l'automate 1999, 51) 

Pour le cinéma d’animation autant que pour le reste des médiums

cinématographiques, chaque image est aussi un objet concret (un photogramme

dans la pellicule). De cette manière, on trouve une multitude d’objets différents qui

ont pour but de nous faire une référence à un même objet originel, que ce soit un

humain, une figurine ou un dessin. La séquence ordonnée de photogrammes va

créer une pellicule qui sera projetée sur l’écran.

C’est par la succession à une certaine vitesse que l’enchaînement des

photogrammes va prendre place, et l’image projetée va créer l’illusion du

mouvement des personnages. C’est par le mouvement mécanique du projecteur

cinématographique, combiné avec une obturation entre les images projetées que

les images s’animent. « Si l’on considère que l’image animée est toujours une

succession rapide d’images fixes qui donnent l’illusion du mouvement, on peut

soutenir, comme Zénon d’Elée, que l’image animée n’existe pas : seul le projecteur

bouge. » (Melot 2002).

En animation, et à vrai dire en cinéma en général, sous toutes ses formes, le flux temporel visible comme un continu sur l’écran est en réalité sous‐tendu par une parcellisation de la continuité en une série d’images fixes successives 

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qui ne prennent l’apparence d’un temps continu que par le truchement du projecteur. C’est précisément dans cet intervalle de discontinu qu’agit 

l’animation, entre le continu de l’action physique de l’animateur et le continu apparent de la projection. Une conséquence directe de ce dispositif technique imparable est que l’animateur ne travaille jamais directement sur de la durée, contrairement au musicien, au danseur, à l’acteur. Il travaille de l'extérieur, image par image, sur des parcelles d’immobilité. Il s’agit donc d’un processus 

scindé et d’une temporalité scindée. (Hébert, Cinéma d'animation et improvisation 2009) 

J’utilise pour mes animations en stop-motion un appareil photo numérique au

moment des prises de vue, ce qui crée des fichiers numériques pour chaque

image. Ces fichiers remplaceront les photogrammes analogiques de la pellicule

pour des images enregistrées sur un support virtuel. L’enchaînement de ces

images est possible grâce à un logiciel de montage, qui remplacera le mouvement

mécanique du projecteur cinématographique, et donc il fera la part de la

succession des photogrammes. C’est ce logiciel qui va déterminer la vitesse de la

projection, et qui va transformer l’énorme quantité d’images en séquences

vidéographiques.

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I V  

LA   F I C T I O N    

Au delà de comprendre la fiction comme un genre narratif, l’œuvre d’art en se

plaçant dans le domaine de la fiction par son caractère subjectif. La fiction est

construite par l’artiste dans les différentes étapes de production de l’œuvre. Parfois

les images fictives essaient de remplacer le référent réel, et elles finissent par

rendre évidente l’illusion.

Dans cette dernière partie, je vais essayer d’analyser la construction de la

fiction durant le procédé de création de l’animation. Puis, je vais aborder

brièvement les notions de vie/mort inhérentes au personnage animé. Pour finir, je

vais établir la relation entre l’art et la fiction, l’animation et le référent au réel.

L ’ a c cumula t i on  d ’ in te rpré ta t i ons    

En analysant les étapes à suivre à partir de l’objet concret jusqu’à la

conclusion de l’œuvre d’animation, on voit que le processus implique plusieurs

réinterprétations de la chose, plusieurs niveaux de représentation et l’ajout

d’éléments externes. De cette manière, le degré de réalité originel s’évanouit peu à

peu, étape par étape, et c’est le côté fictif qui prend sa place. Ainsi, je place

l’animation comme étant l’élément catalyseur de la fiction dans mon travail en stop-

motion.

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Même si les objets représentés dans l’animation ont toujours une référence

réelle, le niveau de fiction prend le dessus, les objets de départ, ceux avec une

vraie matérialité ont été complètement remplacés par une multitude d’images, qui

créent la simulation par accumulation. Ici, on ne regarde plus un objet, mais une

collection de symboles qui nous présentent une image qui lui ressemble beaucoup,

mais qui a un caractère temporel différent, celui du mouvement.

Representation in the visual arts, such as cinematography – and in particular animation – contains a degree of ambivalence because they reconstruct the continuity of movement as the result of a visual trick, indeed the term moving

picture contains a contradiction, linking stillness and motion in the same sequence. (Hernandez 2007, 36) 

Suivant quelques propos de Nelson Goodman, John Dilworth a publié divers

articles portant sur ce qu’il appelle une théorie représentationnelle des dispositifs

(artifacts) et des œuvres d’art24. Il reprend le concept d’œuvre d’art comme entité

originalement intangible présentée par Goodman et la transpose dans les

différentes étapes de production d’un objet artistique. Ces étapes seraient toutes

des représentations de l’œuvre originale.

Pour lui, chaque étape concernant la création d’une œuvre est en elle-même

une forme de représentation de la référence originale, et de cette manière on peut

reconnaître la même œuvre dans différentes étapes et versions. Pour les œuvres

cinématographiques, cela inclut tous les éléments du procédé où l’image est

imprimée.

The great differences between film negatives, prints, screenings, and so on can be explained by the fact that each represents the film in its own way, using its own characteristic mode of representation, rather than in what is represented. 

(Dilworth 2001, 361) 

Même si dans les diverses étapes de création d’une œuvre on peut

reconnaître l’œuvre originelle idéale, le dispositif final où l’œuvre est présentée (ou

représentée) dans sa forme définitive est le résultat d’une chaine d’interprétations.

24 John Dilworth, «A Representational Theory of Artefacts and Artworks,» British Journal of Aesthetics 41, no. 4 (October 2001): 353-370.

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Je prends encore l’exemple de mon animation 2 29, créée à partir dessins et

collages, où j’utilise certaines images de produits trouvés dans les circulaires

d’épicerie et je dessine leur métamorphose. Ici, la première interprétation vient de

l’objet même : le dessin représente l’image du produit, ou bien, il représente

l’image de la circulaire (qui, elle, représente l’image du produit). Déjà on trouve à

première vue, trois niveaux d’interprétation, mais ça ne finit pas ici, car les dessins

eux-mêmes devront être interprétés par un appareil de prise de vue. Dans ce cas,

un scanner qui va codifier les images pixel par pixel, en forme de fichiers

numériques.

Les fichiers d’images seront ensuite interprétés par le logiciel de montage en

leur attribuant une temporalité dans une ligne de temps. À ce moment l’image perd

son caractère unique et devient un photogramme, une partie d’un tout temporel,

d’une séquence. La séquence devient une narration grâce au montage et l’œuvre

est ainsi enregistrée sous forme d’un fichier vidéographique. Finalement, le code

du fichier est interprété par le dispositif de projection au moment de l’exhibition de

l’œuvre. Dans chacune de ces étapes, on reconnaît l’image de l’œuvre, mais après

huit réinterprétations, d’une même image, celle-ci est complètement transformée.

On ne croit plus à l'identité ontologique du modèle et du portrait, mais on admet que celui‐ci nous aide à nous souvenir de celui‐là, et donc, à le sauver d'une seconde mort spirituelle. La fabrication de l'image s'est même libérée de tout utilitarisme anthropocentrique. Il ne s’agit plus de la survie de l’homme, mais plus généralement de la création d’un univers idéal à l’image du réel et 

doué d’un destin temporel autonome. (Bazin 1985, 10) 

Dans Supernova x3, je présente trois versions simultanées d’une même

animation. Pour cette œuvre, il existe une version originale (nommée Supernova),

et les deux autres qui l’imitent image par image. Il s’agit d’un test de

réinterprétation de l’image qui essaie de souligner le rapport entre l’objet originel et

son interprétation. La première animation devient un objet originel face à ses

copies, et les trois sont jointes dans une même œuvre sous forme de triptyque.

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En chacun des éléments de « ceci n'est pas une pipe » pourrait bien tenir un discours en apparence 

négatif, car il s'agit de nier avec la ressemblance 

l'assertion de réalité qu'elle comporte, mais au fond affirmatif: affirmation du simulacre, affirmation de l'élément dans le réseau du 

similaire.  

(Foucault 1973, 67) 

L’analogie est similaire à

celle qu’a dessiné René

Magritte et qui a inspiré le

texte de Michel Foucault Ceci

n’est pas une pipe, où on

trouve le dessin d’un dessin

d‘une pipe, accompagné du

dessin d’une pipe. Les

couches interprétatives créent

une image qui s’éloigne de la

réalité de l’objet (une pipe),

mais en même temps, on peut

reconnaître la représentation

ou simulacre de l’objet originel,

qui est devenu intangible.

  Image 14. Supernova x3 (2009) Nuria Menchaca

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Le  v ivan t ,   l a  mor t  e t   l ’ i nqu ié tan te  é t range té    

L’animation donne des caractéristiques de « vie » aux personnages grâce au

mouvement crée au moment de l’enchaînement des images. Même si ce

mouvement est le résultat d’une illusion optique, on le perçoit comme existant.

L’image en mouvement qu’on voit sur l’écran nous réfère au mouvement réel

caractéristique des êtres vivants.

... le vivant s'inscrit dans l'ordre du mouvement (le mouvement étant la possibilité de bouger, ou non), les figurines, elles, relèvent du mouvant: elles sont condamnées à être mues continuellement, à être bougées sans cesse 

pour dissimuler l'inertie totale que les fige. La vie c'est le mouvement; l'illusion de la vie, c'est le mouvant. (Tomasovic 2007, 30) 

Le mouvement dote d’une vivacité aux personnages, qui est plus ou moins

vraisemblable selon les capacités et les intentions du réalisateur. Cette vivacité est

seulement une conséquence, un accident de l’apparence du mouvement, et du

caractère organique des actions, mais c’est l’effet magique, poétique, de celle-ci

qui lui donne à cette technique son âme, l’anima dans l’animation.

Le cinéma d'animation concentre toute son énergie à donner vie à des créatures; il est tout entier consacré à produire l'illusion de la vie, certes, mais 

il s'agit d'une vie artificielle. Autrement dit, une ruse, un fraude, un déguisement, un travers. Une forme contre‐nature. (Tomasovic 2007, 24) 

L’animation consiste toujours à créer cette apparence de vie à des objets qui

ne l’ont pas ou qui ne l‘ont plus. Parfois une animation essaie d’imiter la réalité à

travers les personnages et leurs mouvements en cherchant un plus grand

naturalisme. En le faisant elle peut générer un effet inverse, elle nous rappelle

cette forme contre-nature de l’animation. « ce que l'animation fait gagner au corps

de la figurine en mouvement, en dynamique, en énergie, en naturalisme, en

vitalité, elle le lui fait perdre en authenticité, en naturel, en identité originelle. Plus

elle semble vivante, plus elle rappelle qu'elle est une illusion. ». (Tomasovic 2007,

38)

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L’inquiétante étrangeté (uncanny en anglais) dans la pensée freudienne est

« une forme d’anxiété, en relation avec certains phénomènes de la vie réelle, et

avec certains motifs en art, spécialement en littérature fantastique. Des exemples

de ce phénomène, ou motifs littéraires, sont les doubles, les répétitions étranges,

(…) la confusion entre l’animé et l’inanimé, (…) »25 (Masschelein 2003).

Dans son essai « L’inquiétante étrangeté » (« Das Unheimliche »), Freud

commence par faire une analyse étymologique du mot Unheimlich, qu’il conclut en

affirmant que : « l'inquiétante étrangeté, serait quelque chose qui aurait dû

demeurer caché et qui a reparu» (Freud 1933). Freud fait une distinction entre

deux sortes des expériences qui créent l'effet d’inquiétante étrangeté: celles

produites par des événements dans la vie quotidienne et celles produites en lisant

des textes littéraires, ce qui pourrait être étendu comme l'expérience de l’art en

général. Dans le premier cas, cette expérience est liée à certaines circonstances

qui paraissent stimuler certains sens de peur dans l’inconscient. Dans le cas de la

littérature, c’est une fonction du monde fictif, de la thématique et de la rhétorique26.

Freud qualifie donc cet aspect de l’inquiétante étrangeté comme une expérience

esthétique (l’esthétique comprise comme « étude des qualités des sentiments »),

qui ne peut pas être décrite complètement avec des mots, car c’est une expérience

complètement subjective.

L'élément principal de l’inquiétante étrangeté est de « ne pas être chez soi »

dans le monde. Nous perdons, d’une certaine manière, notre équilibre ontologique

et devenons incertains de nous-mêmes et de notre compréhension du monde

autour de nous. L’inquiétante étrangeté se manifeste par la découverte de

possibilités du réel auxquelles nous n’avons jamais pensées. Peut-être révisons-

nous nos idées après l’expérience de l'inquiétante étrangeté; ou peut-être que nos

25 « the uncanny is a specific - mild - form of anxiety, related to certain phenomena in real life and to certain motives in art, especially in fantastic literature. Examples of such phenomena or literary motives are the double, strange repetitions, the omnipotence of thought (i.e., the idea that your wishes or thoughts come true), the confusion between animate and inanimate, and other experiences related to madness, superstition or death. » Anneleen Masschelein, «A Homeless Concept: Shapes of the Uncanny in Twentieth Century Theory and Culture,» Image and Narrative, January 2003.

26 P Borghart and C Madelein, «The Return of the Key: The Uncanny in the Fantastic,» Image and Narrative, January 2003.

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idées restent intactes. C'est que l'expérience d’inquiétante étrangeté nous force à

nous approprier ou à rejeter certaines manières de penser et d’agir. 27

En faisant des recherches à l'Institut de Technologie de Tokyo dans les

années 70’s, Masahiro Mori a réalisé des études pour déterminer quelles

caractéristiques feraient qu’un androïde ou un animatronic serait moins

distinguable qu’une personne réelle. Pour ce faire, il s'est mis à quantifier les

niveaux d’empathies que montraient les gens devant des objets non humains, et

contenant des caractéristiques de plus en plus humaines. Ses expériences

consistaient principalement à présenter graduellement à différentes personnes,

des images d’objets avec des formes géométriques de base, puis différentes

sortes de poupées, et finalement des êtres humains réels. Il s’est rendu compte

qu'au lieu d’avoir une relation constante d’empathie avec les objets ayant plus des

caractéristiques humaines, dans un certain point de l’échelle, les gens avaient des

réactions fortement négatives. Ceci arrivait quand les objets avaient une

apparence presque humaine, mais avec juste quelques détails en moins. À un

autre point, quand les différences entre un objet et un homme n’étaient pas

perceptibles, le niveau d’empathie remontait. Mori a nommé cette fluctuation dans

la courbe de l'empathie « Uncanny Valley ».

Au point plus profond de la vallée sont placés les personnages zombie, c’est à

dire ceux qui nous montrent une corporéité propre d’un mort, et/ou un mouvement

qui essaie d’être naturel, mais qui nous rappelle son caractère mécanique.

Actuellement, l’application de l’Uncanny Valley est élargie à d’autres formes de

représentation du corps humain, notamment l’image de synthèse, la culture

cyborg, le transhumanisme, etc. Il faut clarifier que l’Uncanny Valley n’est pas une

recherche totalement « scientifique », étant donné que l’inquiétante étrangeté est

un sentiment, et les réactions varient d’une personne à l’autre. Cependant,

beaucoup de chercheurs travaillent actuellement à quantifier et analyser les

impacts de cette notion. Il s’agit juste d’une théorie qui n’est évidemment pas

27 Curtis Bowman, «Heidegger, the Uncanny, and Jacques Tourneur's Horros Films,» in Dark Thoughts: Philosophic Reflections on Cinematic Horror (Oxford: The Scarecrow Press Inc., 2003).

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absolue, mais beaucoup de gens acceptent plutôt cette expérience comme une

forme d’intersubjectivité.

L’inquiétante étrangeté peut constituer une faiblesse dans une production

animée, quand elle tombe dans la « vallée des zombies » sans le vouloir; mais elle

peut aussi être utilisée consciemment comme un élément d’appui pour une idée.

Dans le cas de l’animation, l’Uncanny Valley a comme effet de nous rendre

conscients du caractère réel et originalement inanimé d’un personnage.

Image 15. Maxi (2008) Nuria Menchaca

Dans un sens, quelques-unes de mes animations, comme Maxi ou

Conservation, présentent des caractéristiques des personnages zombies, car ce

sont des cadavres (l’un est morceau de viande, l’autre des sardines) qui sont

animés. Ce genre d’animation ne peut pas être considéré dans l’Uncanny Valley,

car celle-ci est dédiée à la représentation humaine. Ce qui pourrait générer une

sensation d’étrangeté serait le fait même de l’animation de l’inerte et du mort, la

présentation d’une action invraisemblable. Comprise dans son sens plus élargi,

l’animation de personnages aura toujours une relation avec la mort.

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45

... qu'animer une figurine, c'est faire parler un cadavre; qu'être animateur, c'est jouer avec la mort. La vérité du cinéma d'animation c'est qu'il est une 

expérience interdite. (Tomasovic 2007, 49)  

Une figurine n’est jamais vraiment morte puisqu’elle n’a jamais été réellement

vivante, elle est généralement composée de matériaux synthétiques. Ce n’est

qu’après avoir fait partie d’une animation où elle incarnait un personnage, qu’elle

acquière une condition cadavérique aux yeux de ceux qui connaissent l’œuvre

animée.

... Chasse au canard revient sur la définition de l'animation: animare ne signifie plus guère donner la vie, mais bien faire avec la mort. (Tomasovic 2007, 41) 

L’animation dans toutes ses formes va toujours présenter une contradiction

vie/mort. Le travail de l’animateur sera toujours comparé à celui d’un dieu tout

puissant capable d’engendrer la vie là où elle est absente. Ce caractère place

l’animation toujours dans le domaine de la fiction, car elle sera toujours créée par

un procès subjectif, et elle sera toujours exposée pour son interprétation.

La   f i c t i on  e t   l a   ré f é rence  

L’artiste est le créateur d’illusions, il travaille pour créer des images qui

transportent le spectateur dans des mondes artificiels créés par son imagination.

L’art peut donner l’illusion de vie à tout ce qui est inerte, il peut donner l’illusion de

mouvement à ce qui est inanimé, il peut transformer un objet ou un sujet commun

vers un symbole nouveau. L’artiste est un rêveur qui invite les autres dans ses

rêves, mais finalement ce sont que des rêves, des fictions, l’art ne dit pas la vérité

des choses, il donne des possibles.

Si c’est bien vrai que l’art propose un moyen d’évasion de la réalité, on n’oublie

pas que les œuvres ont été créées par un artiste qui, comme tous, vit dans cette

même réalité, et produit des objets qui ont une matérialité qui ne peut pas

s’échapper des lois de la physique. La fiction a donc toujours une relation avec la

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réalité, car elle est générée par les jeux de l’imagination à partir de son expérience

du monde réel, du monde matériel.

De cette façon, l’art est le résultat d’un procès de réinterprétation et réinvention

de la réalité, et ainsi, l’œuvre d’art est placée dans le domaine de ce qu’on appelle

la fiction. La fiction est un « Produit de l'imagination qui n'a pas de modèle complet

dans la réalité »28. L’art se sert de l’illusion comme médium de fuite du réel, même

s’il l’achève en utilisant des dispositifs réels et concrets. L’art utilise le pouvoir des

images pour raconter des rêves, des histoires de fiction, c’est à dire, des variantes

de la réalité, qui autrement seraient inexistantes. Parfois ces fictions ont l’intention

de faire confondre le spectateur et de les faire passer comme des vérités, c’est à

dire, de cacher l’illusion qui leur est intrinsèque.

Comme dans les arts en général, l’expérience du réel sert comme point de

départ, mais cette réalité est emportée vers un certain niveau de fiction. Quelques

œuvres d’art peuvent être comprises comme étant plus fictives que d’autres, ainsi

un documentaire pourrait se rapprocher plus du réel qu’un dessin animé. Le

documentaire n’échappe pas au procès d’interprétation, car il pose un point de

vue, une narration et l’image suit aussi un procès d’interprétation (prise de vue,

montage, etc.). Un dessin animé, en contraste peut atteindre un plus haut niveau

de fiction à cause de l’accumulation d’interprétations du réel qui touchent l’image

même en plusieurs niveaux, la temporalité, les personnages, la narration, le

mouvement, etc.

L’animation nous donne une superposition d’illusions et d’interprétations. Le

procédé de création d’une œuvre animée suit diverses étapes où les images sont

interprétées ce qui fait d’elle une technique qui crée des couches fictionnelles.

Dans ce sens, elle s’éloigne tellement de la réalité matérielle, qu’on pourrait dire

que l’animation s’oppose à la réalité dans la plupart de ses éléments, étant ceux-ci

transformés en éléments de fiction.

Quand une œuvre d’art perd le rapport au réel, elle peut devenir banale, tout

comme l’œuvre qui est trop attachée à la réalité court le danger d’être prise dans le

28 (CNTRL 2008)

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quotidien. Dans les objets d’art, le jeu entre réel et fictif (qui est le résultat de

l’interprétation du réel) est important, car il va déterminer l’attachement et

l’empathie du public.

Un artiste fait référence à quelque chose à travers son œuvre. À travers une

thématique, du discours et de la trace corporelle qu’il laisse sur l’œuvre. Il nous

parle de son expérience du réel, nous propose des alternatives ou des points de

vue subjectifs et fictionnels. Mais l’œuvre elle-même a une capacité pragmatique

indépendante de son créateur. L’objet d’art nous parle par lui-même des décisions

qui ont construit son existence, du processus par lequel il a été créé, et même du

moment d’où il surgit. Les techniques et technologies utilisées pour la création

d’une œuvre d’art peuvent nous transmettre autant de choses que l’image

représentée.

Dans mon cas, par une simple question de goût, j’aime bien le travail accompli

avec des matériaux et des techniques élémentaires. Je cherche une austérité dans

mes procédés permettant à l’œuvre d’être interprétée au plus prêt de sa

matérialité. Le bricolage est un élément essentiel dans ma pratique, et j’aime qu’il

soit reflété dans mon travail, et ainsi l’œuvre garde un registre de mon intervention

sur elle.

Dans mon travail d’animation, j’essaie de donner un espace à l’objet – matière

pour qu’il défende sa réalité de personnage. Il est donc capable de résister à la

manipulation et à l’idéalisation de son image et finit par rendre évident l’illusion et

le processus d’animation.

Quand un équilibre est établi entre le caractère fictif d’une animation et la

réalité matérielle de l’objet animé, une tension entre ces deux mondes est créée et

notre attention peut être tournée vers l’irréalité de l’action. De cette manière, une

animation peut faire référence au fait d’animer comme partie du discours au lieu de

nous envelopper simplement dans la narration. Ainsi, une animation peut se

référer à elle-même à travers l’image de l’objet. D’autre part, cette même tension

peut nous rendre conscients de l’objet derrière l’image, et ainsi, des couches

interprétatives qui créent la fiction de l’image que l’on perçoit.

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La fiction est formée par l’interprétation de la réalité, ce qui paradoxalement la

transforme en opposé. Le réel, même s’il est construit par l’esprit, conserve un

caractère objectif, et la subjectivation de celui-ci nous mène à une forme de fiction.

Il y a différents niveaux interprétatifs, qui vont déterminer le degré de fiction d’une

œuvre d’art. Cela fait que toutes les œuvres sont ambivalentes, elles ont des

caractères qui se rapprochent plus du réel, et d’autres de la fiction.

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V  

DÉMARCH E   E T  OUVRAG E   PARA L L È L E .  

L’animation est au centre de mon travail de création, avec une approche

technique et conceptuelle de celle-ci. J’expérimente avec différents objets et

matériaux, en tenant toujours compte leurs origines ; je joue aussi avec

l’animation, sa nature et ses possibilités techniques. Je cherche donc à animer un

objet, à créer l'illusion de son mouvement ou ce qui pourrait être interprété comme

le fantasme d’insuffler de vie. Je suis intéressée à ce que chaque animation tienne

en compte la singularité des choses dans un contexte urbain de multiplicité. De

cette façon, la thématique de mes œuvres est déterminée par mon interprétation

de la réalité de l’objet, ce qui parfois mène à une approche plutôt tragique et/ou

ironique de la chose. C’est cette réalité de l’objet qui va déterminer l’histoire

racontée dans l’animation finale, c’est un mélange contextuel, anecdotique,

référentiel et formel qui compose la narration. C’est le caractère matériel de la

chose qui va déterminer la « personnalité» de l’objet comme personnage, dans le

sens de ses mouvements spécifiques, son langage «corporel ».

Dans mon travail, j’essaie de revendiquer l’objet face à une pensée actuelle

qui ne veut pas accepter l’idée de l’autonomie de l’objet, qui donne tout le crédit à

la raison humaine où le langage est chaque fois plus symbolique, voir plus codifié

et complexe. Je parle directement de la numérisation de la communication, où les

sociétés plus développées ont commencées à transposer certains aspects de la

vie des gens, probablement avec des idées de progrès, mais sans offrir vraiment

un choix. Malheureusement, ceci nous transporte vers une ségrégation de la

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virtualité, où seules les sociétés plus développées économiquement ont accès à ce

nouveau langage.

Une thématique courante dans mon travail est celle de la production ou

exploitation de masse des choses, souvent je m’intéresse au traitement des

produits d’origine animale dans le monde de la consommation actuelle, et le

devenir de son identité originale. Mes expérimentations en animation donnent

comme résultat des œuvres où par exemple, on peut trouver des poulets

déplumés qui dansent, des produits qu’on trouve dans les circulaires et qui se

métamorphosent ou encore, une boule de steak haché qui dévore sa propre

publicité. Je trouve dans ce genre de produits alimentaires un matériel très riche

en symboles, surtout par rapport à la mort, ce qui fait que notre relation avec la

viande soit beaucoup plus forte qu’avec n’importe quel autre produit, de façon que

lorsque je l’anime, et sous l’effet d’une temporalité ajoutée et construite, une

contradiction conceptuelle apparaît, et cette contradiction génère toutes sortes de

sentiments et réactions. Je trouve aussi intéressante la disparité entre la réalité de

l’objet et celle qu’on lui attribue comme produit de consommation. L’utilisation de

ces objets nous fait réfléchir sur sa propre nature et aussi sur la nature de

l’animation elle-même.

Dans mes travaux, je crée une opposition et parfois une contradiction, entre

le réel et la fiction, ce qui me permet de parler de l’art en général, de réfléchir

autour de l’attitude des artistes, de la création d’œuvres, et du rapport avec le

public non spécialiste. Ma recherche est basée dans les idées mêmes de l’art, et

elle pourrait concerner tous les artistes visuels. Finalement, cette recherche se

traduit elle-même en œuvre, avec mon travail de création. À partir des

thématiques, je découvre de nouvelles réponses et de nouvelles questions.

Plus récemment, j’explore la nature ludique de l’animation en tant que médium

vidéographique, et aussi ses possibilités en tant qu’objet interactif, que ce soit sous

forme de jouet optique ou bien comme installation interactive. L’interactivité

souligne cet aspect participatif déjà présent dans le travail d’animation, elle met en

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relief la notion création et ajoute à ma réflexion vie/mort sous-jacente à

l’autoréférentialité de l’animation.

Si dans mes œuvres en stop-motion et en dessin animé je cherche à parler de

l’objet à travers son animation, un nouveau questionnement surgit en inversant les

éléments : comment est-ce que je pourrais faire pour parler de l’animation à

travers les objets concrets.

Image 16. Grande Roue 1 (2009) Nuria Menchaca

En étudiant l’histoire de l’animation, je suis arrivée à ce qu’on appelle le pré-

cinéma : une diversité d’objets connus à nos jours comme jouets optiques, qui

profitent du phénomène de la persistance rétinienne pour nous faire voir le

mouvement dans certaines images. Ce sont des dispositifs qui utilisent des

principes mécaniques pour créer des animations des personnages, comme le

folioscope (ou flip-book) qui est un livret qui contient une série de dessins, qui

s’enchaînent grâce au passage en vitesse de ses pages, ou le phénakistiscope, un

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disque avec des images distribuées autour du centre, et des fentes qui joueront le

rôle d’obturateur quand la roue tournera autour de l’axe.

Les premières images utilisées dans les jouets optiques étaient des dessins.

Puis on a incorporé la photographie à ces jouets, pour donner naissance aux

ancêtres du cinéma. À ce moment de l’histoire, la réflexion était basée autour de

l’animation elle-même, les recherches menaient vers des nouveaux objets chaque

fois plus complexes, jusqu’au moment de l’invention de la pellicule, et ainsi, du

cinéma. Depuis ce temps là, la recherche sur le sujet même de l’animation se fait

du point de vue cinématographique, en termes de narration et d’image, et non en

relation aux dispositifs même d’animation en tant qu’objet.

Dans ce cas, ce sont les objets concrets qui génèrent l’animation de l’image,

ce sont les dispositifs qui font le travail d’enchaînement en temps réel, et qui créent

la fiction (la simulation de l’objet unique) grâce au phénomène de la perception. On

trouve dans ces objets deux formes de mouvement, celui du jouet lui-même, qui a

un mouvement mécanique qui nous rappelle sa réalité comme dispositif

d’animation, et l’illusion du mouvement crée par la succession des images, qui

nous réfère à un objet absent grâce à la représentation. La réflexion autour de la

nature de ces objets et les éléments qui découlent de ce type d’animation est

encore très récente dans ma démarche, mais elle se présente comme une

tentative de réponse à mes questionnements autour du concept d’animation, et de

son rapport intrinsèque avec la réalité.

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CON C L U S I O N

À travers le long parcours qu’implique la production d’une animation en stop-

motion, l’objet animé subit une longue chaîne d’interprétations transformant son

identité. L’objet concret, bien que matériellement absent de l’œuvre animée, aura

la capacité de nous référer à sa réalité, même à partir d’un contexte reconstruit et

fictif.

La réalité des objets est à la base de notre expérience du monde. Les objets

sont aussi soumis à l’attribution d’un contexte et d’une signification qui forment

l’identité de l’objet. Ainsi, notre conception du réel et la signification des choses

peuvent changer au cours du temps. L’art est capable de transformer l’identité des

objets et des matériaux en leur attribuant de nouveaux contextes et de nouvelles

significations.

L’artiste est celui qui crée des images, soit directement avec ses mains, soit à

l’aide d’outils technologiques tels que la photographie. Ainsi, l’image artistique est

toujours subjective, car elle est l’expression d’une image construite par l’artiste. À

partir du développement de certaines technologies, l’image photographique perd

peu à peu sa réputation de fidélité objective, elle est souvent retouchée afin

d’idéaliser l’image du monde.

L’image cinématographique ajoute l’élément du mouvement à la photographie,

et elle crée un registre qu’on considère plus fidèle à réalité en comparaison à

d’autres médiums. Elle est devenue partie de notre quotidien, et on la perçoit

comme le registre d’un temps passé, même si c’est une mise en scène. Le

montage d’une production filmique va nous guider dans la succession

d’évènements, comme outil de la narration, et va déterminer le rythme de l’œuvre.

Actuellement, l’animation numérique est présente dans une grande quantité de

productions audiovisuelles sous forme d’effets spéciaux. Cette forme de trucage

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permet de générer des personnages et des situations qu’il serait compliqué ou

impossible de produire en réalité. Ces simulations prennent la place des objets

réels et créent l’illusion de son existence dans le domaine du fantastique.

Dans les productions animées, c’est le caractère complètement irréel des

images qui nous permet d’accepter une histoire aussi fantastique sans remettre en

question le scénario. Cela arrive aussi dans la plupart des productions en stop-

motion, où les personnages et décors sont exagérés et artificiels. Le caractère

photographique de ce genre d’animation va nous permettre de référer à la

matérialité réelle des personnages. Cette capacité de référer au réel va dépendre

de l’usage des matériaux, et la relation entre le personnage et sa propre

matérialité.

La séparation entre le support et l’œuvre permet d’analyser chacun des deux

aspects comme des entités indépendantes. De cette manière, on voit que le

support de l’œuvre aura aussi une importance au niveau du contenu discursif.

Dans le cas de l’animation, à part le support même de projection et l’idée de

l’œuvre, je considère les procédés de production comme un troisième élément de

l’œuvre. Cet élément est aussi important que le support, et lui aussi va apporter au

discours la partie processuelle de l’œuvre. Dans mon cas, c’est l´économie dans

les moyens de production qui va parler de l’austérité de la production elle-même,

et de la relation entre l’animateur et l’objet.

Une image vidéographique ne va pas nécessairement nous référer

directement au processus de création, car elle attire notre attention en recréant un

temps passé. L’image animée n’a pas ce caractère mémoriel, car elle crée sa

propre temporalité à partir de poses créées une à une dans une temporalité

complètement différente. La temporalité d’une animation stop-motion répond à une

succession d’instants isolés, produits d’une mise en scène. L’image de l’objet nous

est ainsi présentée dans le cadre d’une temporalité si artificielle et évidente qu’elle

va nous rappeler le caractère inanimé de l’objet.

Cette temporalité artificielle est créée par un dispositif (projecteur

cinématographique ou logiciel de montage), qui enchaîne une grande quantité

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d’images pour créer l’illusion de l’animation. Pour un dessin animé, il existe une

multiplicité d’objets (dessins), en tant que pour le stop-motion il n’existe qu’un objet

photographié en différents moments et positions. L’enchaînement transforme cette

multiplicité d’images en une « image moyenne », qui est celle en mouvement.

La production d’une animation en stop-motion implique un procédé où l’image

de l’objet originel est interprétée en plusieurs étapes. À chaque interprétation, un

élément s’ajoute à l’image et son identité se transforme. L’image acquiert des

caractéristiques qui s’accumulent et qui l’introduisent dans une fiction.

Grâce à ces éléments ajoutés à l’image, comme la multiplicité et

l’enchaînement, les personnages acquièrent des caractères de vitalité. Les

mouvements spécifiques de ces personnages peuvent bien créer l’illusion de vie

qui va nous emporter dans la narration. Mais parfois le caractère physique ou un

certain type de mouvement peut créer une sensation opposée qui nous rappellera

en permanence l’origine inanimée et l’artificialité d’un personnage. Ainsi, une

animation peut rendre évident son procédé, et va créer une tension entre les idées

de vie/mort.

L’art nous propose des possibilités du réel à partir d’objets qui sont le produit

d’un travail d’interprétations et représentations. L’œuvre d’art construit des fictions

à partir de l’expérimentation du réel. L’animation s’inscrit dans ce même système,

et de la même manière que d’autres formes d’art visuel, elle a la capacité de nous

référer à la réalité, à partir de la construction d’une fiction.

À partir de mon travail en animation, je cherche à que l’œuvre aie la capacité

de référer au réel. J’anime des objets, en essayant d’exprimer leur contexte dans

le monde matériel, même s’ils se trouvent dans une situation complètement

fabriquée. Mon intention est aussi de créer des œuvres qui mettront en évidence le

procédé même d’animation, pour ainsi générer une réflexion autour de la

transformation d’identité subie par l’objet animé.

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