LES TOMBES MÉDIÉVALESDE L'ÉGLISE D'ARCEAU

par M. le chanoine Jean MARILIER

Les pierres tombales présentées ici, dessinées au milieu du xvnc

siècle par l'historien et généalogiste Pierre Palliot, avaient été sous-traites à la vue, il y a plusieurs décennies, par un plancher qui sup-portait le chœur de chant paroissial. A l'occasion de la journéenationale des Monuments historiques, le 22 septembre 1985, MadameThomas, maire d'Arceau les a fait apparaître de nouveau. Cependantdepuis le xvinc siècle, ces pierres ont été mutilées, réutilisées ; iln'en reste pas moins qu'il s'agit d'un rare exemple d'une nécropoleseigneuriale dans une église rurale '.

Il semble qu'il y eut deux familles féodales portant le nom d'Arceau.La première, connue au xnc siècle, depuis 1125 environ, était dansla mouvance de la Maison de Beaumont-sur-Vingeanne ; ses mem-bres se rencontrent surtout dans la Chronique de Bèze. La secondeest une branche cadette de la Maison de Montsaugeon 2 ; elle appa-raît en 1188 avec Amédée d'Arceau et son frère Hugues, lors dela « guerre de Montsaugeon » 3. Ces personnages sont de bonnenoblesse, puisque l'un a épousé Agnès de Grancey et l'autre Mar-guerite de Frolois.

Les pierres tombales ci-dessous décrites sont groupées en hautde la nef, du côté nord ; deux d'entre elles sont en partie recouvertespar l'emmarchement de l'autel de Notre-Dame de Bon-Secours.

1. Tombe d'Ainiet (Amédée) d'Arceau.

Pierre dont il manque le coin inférieur droit ; le coin supérieurdroit est cassé. Un chevalier vêtu d'une armure de mailles et d'unsurcot, s'appuyant de la droite sur une lance, les pieds sur deux

1. Ce nous est un agréable devoir de remercier ici très vivement, M. Henri deFaget de Casteljau, Secrétaire perpétuel de l'Académie des Sciences, Belles-Lettres et Arts de Besançon, qui nous a communiqué spontanément sa généalogiede la Maison d'Arceau et des notes utiles.

2. Montsaugeon, Haute-Marne, canton de Prauthoy.3. RICHARD (Jean), Les ducs de Bourgogne et la fondation du duché, p. 154.

266 JEAN MARILIEK

Fie. 1. — Amiet d'Arceau, 1297.

TOMBES D'ARCEAU 267

chiens, sous une arcade trilobée surmontée de deux anges thuri-féraires. Le chevalier tient l'écu des Arceau, semé de billettes àla bande brochant.

CI:GIST:MESSIRES: AMIES / DACEAUS : CHEVALIERS : ET:SIRES: DOUDIT

LIU: LKQUEX: TRESPASSA: DE [cest siegle lou] DIEMOINGE: APRÈS: /LA: TRANSLACION: SAINT:NICOLAS : EN: ESTE: LAN :DE:NOSTRE:

SEIGNOUR: M.IIC.IIIIX\XVII. PRIEZ:POUR:LAME:QUE:DIEU:LAIT:AMEN.

Amiet d'Arceau est donc décédé le 12 mai 1297. Tombe classéele 5 novembre 1923 4.

2. Tombe cTHuguenin d'Arceau.

Pierre mutilée du tiers inférieur ; une large partie droite inférieuremanque. Cassée en plusieurs morceaux sur sa partie droite. Le per-sonnage porte le même costume que le précédent, comme lui, l'épéepassée en avant du corps et la lance au poing ; il avait ses deux piedssur des chiens. Même arcade trilobée et anges thuriféraires dansles écoinçons. Il porte l'écu des Arceau brisé d'un lambel à cinqpendants.

CI:GIT:HUGUENINS:DACE / AUS:ESCUIERS:ET:SIRES:DE:MONSM [e liu

am partie, quex fut morz lou mardi après la saint Regmi, l'an degrâce M.ce] IIIIXX:ET:XVI: PRIEZ:POR:LAME:QUE:DEX:LAIT:AMEN.

Le décès est du 2 octobre 12965.Amiet et Huguenin étaient frères. M. de Casteljau a signalé une

pièce du cartulaire du Chapitre de Langres, explicite sur ce point 6.Par cet acte, dame Helvis d'Arceau, fille de Hugues III, fait foiet hommage à l'évêque de Langres 7 de ce qu'elle possède à Arcelot,composé d'un quart de la succession de son père et de la moitiéde la succession de ses neveux Amiet et Huguenin, ce qui revenaità la succession de la moitié de son père ; sa sœur Simone avait héritésans doute, comme elle, de l'autre moitié. Cet acte est du jeudi6 février 1298 n.s.

4. Bibliothèque Nationale, Estampes, Pe 4, f° 2, d'après Palliot, II, f° 304.PETIT (Ernest), Histoire des ducs de Bourgogne de la race capétienne, tome V,p. 458, n° 3938. Les restitutions en minuscules sont données d'après Palliot.

5. Bibliothèque Nationale, Estampes, Pe 4, f° 3, d'après Palliot, II, p. 306.PETIT (Ernest), op. cit., t. V, p. 457, n" 3935.

6. Bibliothèque Nationale, lut. 5993 B.7. Sur le mode de foi et hommage des sires d'Arceau à l'évêque de Langres,

RICHARD (G.), op. cit., p. 238-239. Après avoir été alleutiers, les sires d'Arceaufaisaient hommage au duc, qui le faisait à son tour à l'évêque.

268 JEAN MAR1LIER

Fie 2. — Huguenin d'Arceau, 1296.

TOMBES D'ARCEAU 269

La famille d'Arceau se présentait donc ainsi à la fin du xnic siècle :

HUGUES III D'ARCEAU

t dès 1275

JEAN SIMONIN HELVIS SIMONE

est connu par f avant ép. Guillaume ép. N. de Maracplusieurs actes 1297 de Penïgny | 1325

AMIET HUGUENIN GUIOT

f 1297 t 1296 sire de Perrignyet d'Arceau

t 1329

ïNous n'avons pas connaissance de la pierre tombale d'Helvis, peut-être inhumée à Perrigny-lès-Dijon ; mais celle de Simone est à Arceau.

3. Tombe de Simone d'Arceau, dame de Marac.

Cette dame porte un manteau doublé de vair ; un large voile couvrela tête et les épaules, les mains sont jointes avec un chapelet, deuxchiens passant sous sa robe. A droite de la tête, écu des Marac,trois quintefeuilles avec un lambel à trois pendants, à gauche, écudes Arceau. Arcade trilobée, deux anges thuriféraires en écoinçon,tandis que deux petits anges, sortant de nuées dans l'arcade supé-rieure, emportent l'âme de la défunte.

ci :GIT :MADAME :SYMONE DACE/AUZ :DAME :DE :MARAC :QUI :TRESPAS-

SAY:LOU: JOUR:DE:LA:SAINT:NYCHO/LAS:DYVER LAN:DE:GRACE/ M:CCC:

ET :xxv. PRIEZ :NOSTRE :SEIGNOUR :Q' :LI :FACE :PORDUM.AMEN.

Simone d'Arceau mourut le 6 décembre 1325. La famille de Maracavait son château dans la partie champenoise de ce village des envi-rons de Langres 8. Tombe classée le 25 janvier 19279.

8. PETIT (E.) a vu l'écu des Vergy où nous voyons celui des Marac. Nous n'avonstrouve nulle part que les Marac étaient une branche des Vergy. Sur Marac, voirJOLIBOIS (E.), La Haute-Marne, ancienne et moderne..., p. 347 et ROUSSEL, Lediocèse de Langres..., tt, p. 355, n° 322.

9. Bibliothèque Nationale, Estampes, Pe 4, f" 4, d'après Palliot, II, f° 305,PETIT (E.), op. cit., t. VIT, p. 422, n° 5974.

270 JEAN MARIL1ËR

Pt*

Fie 3. — Simone d'Arceau, dame de Marac, 1325.

TOMBES D'ARCEAU 271

Helvis avait épousé Guillaume de Perrigny [-lès-Dijon]. Damed'Arceau et d'Arcelot en partie, elle avait eu un fils, Gui ou Guiot,sire de Perrigny et d'Arceau, qui épousa Jeanne, sœur de Thomasd'Eguilly. Jl a sa tombe à Arceau.

4. Tombe de Guiot de Perrigny.

La moitié inférieure de la pierre tombale disparaît sous l'emmar-chement de l'autel proche. On ne voit que le buste du personnage,les mains jointes, tête nue sous une arcature trilobée, avec angesthuriféraires.

Palliot l'a vue complète ; il la décrit ainsi : « Sur cette tombeest une figure armée de toutes pièces. Sur le bras gauche de laquelleest un grand écusson écartelé, aux 1 et 4, une bande accostée decinq billettes de suite, aux 2 et 3, à la fasce au chef chargé de troisdoubles ronds et en pointe d'un seul» 10. Il est évident qu'il s'agitici des armoiries combinées des Arceau et des Perrigny dont lessceaux montrent un écu à la fasce accompagnée de trois anneletsen chef11. Il est curieux de constater que dans cet écu Arceau estaux quartiers d'honneur.

Palliot avait pu lire en partie l'inscription, que l'on déchiffreencore : CY:GIST:GVIOZ:DE:PAR/RIGNEY:ESCVIERS:SIRES [de Parrigneyet d'Arceaulx qui trespassay lou diemonge... d'yver, l'an m.ce]XXXIX:PRIEZ:POU:LARME.AMEN l 2 .

Guiot eut pour petit-fils Thomas de Perrigny, époux de Jeannede Bauffremont, veuve d'Antoine de Chandio, dont naquit Agnèsde Perrigny, seconde femme d'Etienne (ou Claude) de Mailly. Satombe est à Arceau proche des autres.

5. Tombe d'Agnès de Perrigny.

La défunte en tenue de deuil, la robe relevée à la ceinture, un grandvoile sur la tête, joint les mains ; celles-ci, ainsi que le visage, sont

10. Bibliothèque Municipale de Dijon, ms. 970, p. 60 ; copie fautive (en 1774)de Palliot, qui donne aussi les autres tombes d'Arceau (inscriptions seulement,sommaires).

11. Sceau de Jean de Perrigny (fils de Guiot), Archives de la Côte-d'Or, B 10521(1372), B 360 (1374), B 389 (1378). On y voit trois annelets. Sceau de Thomas,B 374 (1405) où l'on verrait peut-être des besans, comme sur la tombe d'Agnès.Ce doit être plus sûrement des annelets, d'après les bonnes empreintes du sceaude Jean et la tombe de Guiot (le quatrième annelet près de la pointe serait-ilici une brisure ?).

12. Inscription donnée par un manuscrit de la Commission des Antiquités :« Recueil d'épitaphes copiées par Palliot » à la Bibliothèque Municipale de Dijon,p. 13. On peut, à coup sûr, restituer : « lou diemonge [de la saint Estienne] d'yver »,c'est-à-dire le dimanche 26 décembre 1339.

272 JEAN MAKILIEK

Fio. 4. — Guiot de Penigny, 1339.

TOMBES D ARCEAU 273

FIG. 5. — Agnès de Perrigny, 1468.

18

274 JEAN MARILIER

de marbre blanc. De chaque côté de la tête, deux anges soutiennentle voile. L'inscription entoure la plate-tombe. A chacun des coinsintérieurs quatre écus (le quatrième disparaît sous l'emmarchementde l'autel). En haut à gauche, écu des Mailly : d'azur à trois mailletsd'or, à droite, écartelé, au 1er, de Mailly, au 2e, de Perrigny, au 3e ,vairé d'or et de gueules qui est Bauffremont ; le 4e quartier est partide Bauffremont et de Vergy ; il rappelle l'union d'Henri de Bauf-fremont, baron de Scey, chambellan du duc et de Jeanne, fille deGuillaume de Vergy, seigneur de Mirebeau, c'est-à-dire les grandsparents maternels d'Agnès l 3 .

Le troisième écu, en bas à gauche, aussi écartelé, laisse apparaîtreun aigle au deuxième quartier. Le reste semble illisible.

[Cy gi]ST NOBLE ET PUISSANT DAME DA111E Al/GNES DE PerRIGNY

JADIS FEIÏIME DE NOULE ET PUISSANT SR M[essire Estienne de Mailly,chevalier, seigneur et dame d'Arceaulx, Arcelot, de Maizières etd'Arc SUI-J/THILLE Q' TrespassA LE vEnREDi xxm JO DE SEPTEMB.

M.CCCC.LXVIII. DIEU LES PARDO1NT. AMEN 1 4 .

L'église d'Arceau montre en outre une tombe gothique complè-tement effacée, dans l'avant-chœur. Dom Villevielle en a relevél'inscription au xvme siècle : CY GISENT TRÈS NOBLE ET PUISSANT

SEIGNEUR MESSIRE CLAUDE DE MAILLY CHEVALIER SEIGNEUR D'ARCEAUX

D'ARCELOT ET DE COURTIVRON EN PARTIE LEQUEL TRÉPASSA L'AN 1499

ET DAME CHARLOTTE DE COORCELLES FEMME DUDIT SEIGNEUR DESSUS

DICT ET AUSSI DAME DESDITS LIEUX LAQUELLE TRESPASSA 1489.

Claude de Mailly serait le fils d'Etienne de Mailly, seigneurd'Arceau, Arcelot et Maizières, et d'Agnès de Perrigny.

13. Du CHESNE (André), Histoire généalogique de la Maison de Vergy, Paris,1625, p. 375. Généalogie de Bauffremont, par Courcelles, 1826, dans B. M. Dijon,ms. 1843 (Fatras de Juigité).

14. Texte complété par le manuscrit signalé à la note 12. Les minuscules indi-quent soit cette addition entre [•••] ou la restitution des abréviations de l'inscrip-tion de la pierre tombale.