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1 LA SEMIOTIQUE DISCURSIVE SOMMAIRE 1/ Quelques repères historiques Brève histoire de la sémiotique greimassienne Saussure : le signe, la sémiologie Hjelmslev : forme, substance, plan de l’expression et du contenu Greimas : la sémantique structurale Autres sémiotiques et sémiologies : repères historiques et bibliographiques La sémiotique percienne La théorie sémantique d’Umberto Eco La sémiologie Evolution des applications, la sémiotique greimassienne Annexe 1 une présentation historique et conceptuelle de la sémiotique 2/ Les principaux concepts de la théorie greimassienne Parcours génératif de la signification Une carte pour le territoire sémiotique Pourquoi génératif ? La dimension narrative : petite histoire et principaux concepts La morphologie du conte de Propp comme origine de la sémiotique narrative Greimas lecteur de Propp : vers une plus grande abstraction Différence entre actant et acteur, transformations transitives et réflexives Le programme narratif (PN) Composante narrative : schéma d’ensemble Les modalités de faire Une application de la méthodologie narrative au « Petit Poucet » 3/ Introduction à la sémiotique discursive : l’énonciation l’énonciation en sémiotique L’opération énonciative fondamentale : le débrayage Enonciation énoncée et énoncé énoncé : le simulacre énonciatif Typologie énonciative Le pragmatique et le cognitif L’aspectualisation et l’instance énonciative Première typologie des observateurs 4/ Analyse sémiotique appliquée au texte littéraire Présentation des textes soumis à l’analyse Exemples d’analyses La discursivisation appliquée à Cap Caubert 5/ Analyse sémiotique appliquée au texte publicitaire

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LA SEMIOTIQUE DISCURSIVE

SOMMAIRE

1/ Quelques repères historiques

Brève histoire de la sémiotique greimassienne

Saussure : le signe, la sémiologie

Hjelmslev : forme, substance, plan de l’expression et du contenu

Greimas : la sémantique structurale

Autres sémiotiques et sémiologies : repères historiques et bibliographiques

La sémiotique percienne

La théorie sémantique d’Umberto Eco

La sémiologie

Evolution des applications, la sémiotique greimassienne

Annexe 1 une présentation historique et conceptuelle de la sémiotique

2/ Les principaux concepts de la théorie greimassienne

Parcours génératif de la signification

Une carte pour le territoire sémiotique

Pourquoi génératif ?

La dimension narrative : petite histoire et principaux concepts

La morphologie du conte de Propp comme origine de la sémiotique narrative

Greimas lecteur de Propp : vers une plus grande abstraction

Différence entre actant et acteur, transformations transitives et réflexives

Le programme narratif (PN)

Composante narrative : schéma d’ensemble

Les modalités de faire

Une application de la méthodologie narrative au « Petit Poucet »

3/ Introduction à la sémiotique discursive : l’énonciation

l’énonciation en sémiotique

L’opération énonciative fondamentale : le débrayage

Enonciation énoncée et énoncé énoncé : le simulacre énonciatif

Typologie énonciative

Le pragmatique et le cognitif

L’aspectualisation et l’instance énonciative

Première typologie des observateurs

4/ Analyse sémiotique appliquée au texte littéraire

Présentation des textes soumis à l’analyse

Exemples d’analyses

La discursivisation appliquée à Cap Caubert

5/ Analyse sémiotique appliquée au texte publicitaire

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LA SEMIOTIQUE DISCURSIVE ___________________________________________________________________________

1/ Quelques repères historiques

1.1 Brève histoire de la sémiotique greimassienne

1.1.1 Saussure : le signe, la sémiologie

En 1916 Saussure (Cours LG) souhaite une science qui étudierait « la vie des signes au

sein de la vie sociale » : la sémiologie qui engloberait la linguistique. « Elle nous apprendrait en quoi

consiste les signes, quelles lois les régissent.(…)Les lois que découvrira la sémiologie seront

applicables à la linguistique. » « Le signe unit non une chose et un nom mais un concept –signifié- et

une image acoustique –signifiant-. » « Le signe est une entité psychique à 2 faces. » « Le lien unissant

le signifié et le signifiant est arbitraire, immotivé. » Lorsque les sons et les idées sont articulés

ensemble par la langue, ils constituent des formes amorphes. Les 2 plans inarticulés de la pensée et des

sons sont appelés substances par Saussure.

1.1.2 Hjelmslev : forme, substance, plan de l’expression et du contenu

En 1943 le linguiste danois développe la glossématique qui reprend le développement du

concept de signe chez Saussure pour l’intégrer à une représentation plus large du fonctionnement de la

langue. Il voit la langue comme une mise en forme conjointe d’unités sur le plan conceptuel (la pensée,

les idées) et sur le plan phonique (les sons). Il reprend les concepts de forme et de substance mais nie

le côté amorphe. Pour lui la substance n’est pas dissociable de la forme, elle est ce qui reste de la mise

en forme mais ne lui préexiste pas.

Le signifiant et le signifié saussurien correspondent à peu près chez Hjelmslev à la forme

de l’expression et à la forme du contenu. L’innovation consiste à prendre en considération la relation

de solidarité qui existe entre ces 2 formes : il l’appelle fonction sémiotique.

Dans la perspective hjelmslevienne, la phonologie devient l’étude des formes de

l’expression et la phonétique celle de la substance de l’expression. La fonction sémiotique est celle qui

unit les 2 formes de l’expression l’une à l’autre.

Le postulat d’isomorphisme : pour Hjelmslev la structuration du plan de l’expression

revêt la même forme que celle du plan du contenu, ce qui ouvre alors la voie à une sémantique

(appelée structurale) par le simple transfert des distinctions constatées au plan de l’expresion et à des

distinctions au plan du contenu. càd que les 2 plans peuvent être structurés par des relations identiques.

1.1.3 Greimas : la sémantique structurale

En 1966 il publie Sémantique structurale, considéré comme l’ouvrage fondateur de la

théorie sémiotique (dans lequel il reprend à son compte le postulat d’Hjelmslev sur lequel il s’appuie

pour construire les fondements d’une sémiotique structurale). Il s’agit d’une théorie de la signification,

qui a pour but de décrire la structure du plan de l’expression (du signifiant).

1.2 Autres sémiotiques et sémiologies : repères historiques et bibliographiques

La sémiotique greimassienne est l’un des 2 grands courants sémiotiques modernes.

Développée en français, à partir du groupe de recherches en sémio-linguistique, constitué autour du

séminaire de Greimas qui se tenait à Paris, elle s’est tout naturellement appelée « Ecole de Paris ».

3

1.2.1 La sémiotique peircienne

Le 2nd grand courant sémiotique est anglo-saxon, il s’agit de la sémiotique peircienne1.

Elle revendique l’idée d’une égalité des signes, linguistiques ou non ; les signes dont elle parle sont les

signes du monde. Elle se présente comme une philosophie du signe et au-delà, de la sémiose, càd de

l’opération d’attribution de sens à l’objet d’une perception. C’est une sémiotique générale qui peut

s’appliquer au cas particulier de la linguistique.

1.2.2 La théorie sémantique d’Umberto Eco2

Il se dit redevable aux propositions de Peirce mais présente une théorie plus œcuménique

où il tente d’inscrire les propositions de Peirce sur le signe dans un dialogue avec la réflexion

philosophique.

1.2.3 La sémiologie

Sémiologie de la signification Principalement représentée par les travaux de Roland Barthes (1915/1980), qui, héritier

de Saussure et Hjelmslev, se détache des prétentions de Greimas pour constituer ce qui s’apparente

plus à une esthétique principalement littéraire mais également socio-discursive.

Sémiologie de la communication Représentée essentiellement par Georges Mounin et Luis Prieto elle n’a produit que des

analyses de systèmes sémiologiques fermés (ex. : code de la route, système héraldique3) du fait de ses

postulats4. Elle ne conçoit que les codes au sens strict du terme, çàd un système de signaux où à un

élément correspond une signification. Elle gage sa méthodologie sur le concept d’intentionnalité,

adaptant par exemple la conception du signe peircien en se donnant comme définition de l’indice, du

signal, du symbole et du signe le degré d’intentionnalité croissante dans leur production.

Trop limitée dans ses objets, elle est tombée en désuétude.

Sémiologie du cinéma Son fondateur, Christian Metz, était proche de Greimas. Il a construit sa théorie, entre

autre en transposant certains des concepts narratifs élaborés à ces côtés. Il a ensuite produit des

développement propres aux besoins de l’analyse des films, tout en gardant un certain temps des liens

avec la linguistique.

1.3 Evolution des applications, la sémiotique greimassienne

Outre le développement théorique, la sémiotique greimassienne s’est d’abord appliquée

au récit, çàd à la dimension narrative des textes5. Ensuite la sémiotique s’attaque aux discours et

commence sa 1ère diversification. A côté de travaux sur le discours littéraire, d’autres travaux émergent

notamment sur le discours religieux, le discours politique, l’analyse picturale, la communication et le

marketing.

1 Charles Sanders Peirce, philosophe américain 1839/1914 2 immense bibliographie en français 3 qui a rapport aux blasons 4 proposition que l’on demande d’admettre comme vraie sans démonstration 5 c’est dans ce champs que l’on trouve les premiers travaux de Joseph Courtés. A lire : « Analyse sémiotique du

discours, de l’énoncé à l’énonciation », Hachette, 1991, coll ‘Linguistique’

4

1.4 Annexe 1 une présentation historique et conceptuelle de la sémiotique

Article de François Rastier pour le Dictionnaire des Notions Philosophiques.

Sémiotique vient du grec sêmeion, signe. D’abord terme de médecine désignant l’étude

des symptômes. Locke étend semiotics à l’ensemble des signes. Cet emploi est repris par Peirce.

Saussure utilise sémiologie dans un sens analogue, suivi par Hjelmslev qui emploie sémiotique pour

désigner tout système de signes. Le 1er congrès de l’Association Internationale de Sémiotique a tranché

pour sémiotique mais l’usage de sémiologie subsiste . On convient aujourd’hui qu’il revient à Peirce

(1839-1914) et à Saussure (1847-1913) d’avoir fondé la sémiotique moderne.L’originalité de Saussure

est qu’il a pensé la sémiotique à partir de la linguistique et non au sein d’une philosophie. En revanche

la sémiotique de Peirce est inséparable de l’ensemble de sa philosophie. Charles Morris développe le

projet Saussurien et va plus loin en divisant la sémiotique en syntaxe, sémantique et pragmatique6.

Son processus de constitution n’étant pas achevé, la sémiotique ne dispose pas d’une

problématique unifiée et ne repose pas sur une véritable communauté scientifique.

Quatre conceptions rivalisent :

- objet = syst. de signes intentionnels humains non linguistiques (Mounin)

- objet = le langage ; science qui étudie la vie des signes au sein de la vie sociale et

dont la ling. n’est qu’une partie. Théorie scientifique qui doit pouvoir servir de norme

à toutes les sciences humaines. (Saussure puis Hjelmlev et Greimas)

- étude de la signification : le monde signifie dans la mesure où nous opérons des

inférences7 à son propos. Philosophie de la signification traitant non seulement des

langues et des signes, mais de la référence, de la vérité, de l’inférence. (Peirce, Eco)

- théorie sémiotique de la biogénèse et de la coévolution ; philosophie de la nature

2/ Les principaux concepts de la théorie greimassienne

2.1 Parcours génératif de la signification

2.1.1 Une carte pour le territoire sémiotique

Le parcours génératif est une concentration des diverses réflexions méthodologiques et

théoriques de la sémiotique greimassienne. Il permet de se représenter schématiquement la théorie

d’ensemble. C ‘est une sorte de carte permettant de s’y retrouver lors du cheminement à travers les

divers aspects de la théorie.

Le parcours génératif de la signification apparaît dans sa frome achevée et aujourd’hui

canonique dans le 1er tome du dictionnaire où Greimas essaye de rassembler, sous une forme

schématique, l’ensemble des idées qu’il a développées jusqu’alors. Les différents étages du PG

correspondent à des états différents de la théorie, et aussi à différents niveaux d’abstraction.. Dans

l’idéal ce parcours se suit du haut vers le bas càd du plus abstrait au plus concret, des valeurs les plus

simples et les plus profondes8 vers leurs manifestations les plus complexes9.

6 mais ces disciplines ne se développeront vraiment qu’à partir des années 60 7 raisonnement consistant à admettre une proposition du fait de sa liaison avec d’autres propositions

antérieurement admises 8 ex. : le bien et le mal 9 ex. : le conte ‘Cendrillon’ qui illustre ces valeurs tout au long du récit

5

PARCOURS GENERATIF

Composante Composante

Syntaxique Sémantique

Niveau SYNTAXE SEMANTIQUE

Sructures profond FONDAMENTALE FONDAMENTALE

Sémio-

Narratives niveau de SYNTAXE NARRATIVE SEMANTIQUE

surface DE SURFACE NARRATIVE

SYNTAXE SEMANTIQUE

DISCURSIVE DISCURSIVE

Structures Discursivisation Thématisation

Discursives

Actorialisation

Temporalisation Figurativisation

Spatialisation

Courtés, Greimas, 1979

2.1.2 Pourquoi génératif ?

Le parcours est dit génératif en vertu d’un postulat :

« Tout objet sémiotique (peut) être défini selon le mode de sa production, les composantes qui

interviennent dans ce processus s’articulent les unes avec les autres selon un « parcours » qui va du

plus simple au plus complex, du plus abstrait au plus concret » (Coutès, Greimas, 1979)

Le parcours sert tout autant, voire plus, à décrire la réception de la signification plutôt que

la production. Il n’est génératif qu’en tant que reconstitution de la production de la signification. Lors

du processus d’analyse on remonte en quelque sorte le parcours pour reconstruire le niveau discursif,

puis le niveau narratif, puis enfin les valeurs profondes qui émergent progressivement de l’analyse. (ex.

avec ‘Cendrillon’, cf cours pg 21/22)

2.2 La dimension narrative : petite histoire et principaux concepts

2.2.1 La morphologie du conte de Propp comme origine de la sémiotique

narrative

Le folkloriste russe Propp (1895-1970) inaugure l’analyse structurale du conte. Il fonde

sa morphologie10 du conte sur un corpus de contes traditionnels russes. Il s’attache à repérer le jeu des

‘variables’ (noms et attributs des personnages) et des ‘constantes’ (les fonctions11 qu’ils

10 càd une description selon les parties constitutives et les rapports de ces parties entre elles et avec l’ensemble 11 par fonction il faut entendre : l’action d’un personnage, définie du point de vue de sa signification dans le

déroulement de l’intrigue

6

accomplissent). Au terme de son analyse il conclut que le conte merveilleux obéit à une structure

unique : il établit une liste de 31 fonctions qui s’enchainent dans un ordre identiques même si elles ne

pas toutes toujours présentes. Il dit que ce qui change ce sont les noms, pas les actions et les fonctions.

Propp considère que ce sont les fonctions des personnages qui remplissent le rôle de constantes dans

une morphologie du conte. Pour définir les fonctions il ne faut pas tenir compte du personnage

exécutant mais uniquement du substantif exprimant l’action (interdiction, interrogation, ..). Des actes

identiques peuvent avoir des significations différentes !

2.2.2 Greimas lecteur de Propp : vers une plus grande abstraction

La principale objection de grimas vis à vis du modèle morphologique de Propp est liée à

la dénomination des fonctions. Pour Greimas elle reste trop figurative et ne correspond pas au langage

scientifique rigoureux. Le travail de reformulation de grimas commence par la description de ce qu’il

considère être la structure minimale pour qu’on puisse parler de récit (récit minimal).

D’après Hjelmslev il faut identifier des éléments et la relation qu’ils contractent ; c’est

cette relation entre au moins 2 éléments qui sera considérée comme constitutive du récit minimal. Greimas propose d’utiliser la notion d’actant, qui permet d’indiquer la simple valeur

syntaxique des éléments. Il distingue l’actant sujet et l’actant objet. La relation qu’entretiennent 2 actants sera dite de jonction. Si elle est positive elle sera

dite conjonction, si elle est négative elle sera dite disjonction.

L’étape suivante consiste à considérer comme un énoncé d’état la formule : Sujet jonction Objet.

Dans le cas d’une jonction positive on aura : Dans le cas d’une jonction négative on aura :

Sujet conjonction Objet S � O Sujet disjonction Objet S U O

! Exemples simples d’illustration (exemple plus complexe dans le cours pg 25) :

- je suis fatigué, j’ai soif, je mange une pomme, sont considérés comme des états

conjonctifs et décrits narrativement par la formule suivante : S � O

- elle n’a pas peur, il n’a pas de voiture, ils ne partent pas, sont considérés comme des

états disjonctifs et décrits narrativement par la formule suivante : S U O

Il est important de noter que le niveau narratif est indépendant de la structure

grammaticale ainsi que de la dimension figurative.

! Autre cas :

L’énoncé « il n’a plus de voiture » présuppose qu’il avait une voiture mais qu’une action

a été entreprise et qui l’en a privé. Ce n’est plus un état mais 2 : l’état 1, initial, de conjonction avec la

voiture et l’état 2, final, de disjonction avec la voiture. En sémiotique greimassienne on dira qu’entre

ces 2 états il y a transformation ; pour en rendre compte Greimas parle d’énoncé de faire.

Dans « il est mort », l’état 1 n’est pas manifeste dans l’énoncé (il était vivant) mais il doit

avoir existé pour que l’énoncé soit possible. On dira que l’état 1 est présupposé par l’état 2 et

qu’inversement l’état 2 présuppose l’état 1. On dira que l’état 1 est logiquement antérieur à l’état 2.

! Autre cas : « il a été emporté par une longue maladie»

Narrativement on a toujours le même schéma : état 1 S (il) est conjoint à O (la vie), état 2

S est disjoint de O. Mais on peut considérer que la maladie est la cause de la mort càd que l’action de

la maladie à causé la mort. Narrativement on pourra représenter ça à l’aide d’une nouvelle formule qui

fait intervenir une nouvelle fonction la relation factitive, le faire, et un nouvel actant, le sujet de faire.

On représentera donc la formule suivante : F [S1 (S2 U O)] où :

S1 = maladie

S2 = il et O = mort

Représente l’action de S1 (sur S2)

La transformation conjonctive s’écrira : F [S1 (S2 O)] (ex. : l’enfant est guéri)

7

La transformation est considérée comme la fonction narrative de base12.

Par convention on notera S1 le sujet de faire et S2 le sujet d’état. On dit en sémiotique

qu’un énoncé de faire régit un énoncé d’état. Pour qu’il y ait une progression narrative il faut qu’il y ait

des transformations successives. L’analyse narrative va consister, pour une part, à repérer dans le texte

les énoncés de faire qui régissent les énoncés d’état.

2.2.3 Différence entre actant et acteur, transformations transitives et réflexives

On distingue 2 types de sujets :

Celui qui réalise l’action est un sujet de faire, appelé sujet opérateur (qui opère la

transformation),

Celui qui bénéficie de l’action ou qui la subit est un sujet d’état, parfois appelé

bénéfacteur (au sens où il est le bénéficiaire)

Les questions relatives à la dimension narrative (dont relèvent les notions d’actants sujet

et objets) se traitent au niveau de surface des structures sémio-narratives. Les questions concernant

l’acteur (= une entité figurativisée) se traitent au niveau des structures discursives.

Transformation réflexive : le sujet de faire et le sujet d’état correspondent au même

acteur. Ex. : Julie s’est offert une montre F [S1 (S2 O)] (où S1 et S2 = Julie et O = la montre).

Lorsque les rpoles de sujet d’état et de sujet de faire sont assumés par un même acteur on parlera de

syncrétisme actanciel.

Transformation transitive : le sujet de faire et le sujet d’état correspondent à des acteurs

différents. Ex. : Gilbert a offert une montre à Julie F [S1 (S2 O)] (où S1 = Gilbert, et S2 = Julie et

O = la montre).

2.2.4 Le programme narratif (PN)

Le PN « est un syntagme élémentaire de la syntaxe narrative de surface, constitué d’un

énoncé de faire et d’un énoncé d’état » (Courtés, Greimas, 1979). On le représente ainsi :

PN = F [S1 (S2 O)] ou ainsi PN = F [S1 (S2 U O)] Le 1er PN sera dit d’acquisition, le 2nd de privation.

Acquisition transitive = attribution : il s’agit d’acquérir un objet pour quelqu’un qui n’est pas soi.

Acquisition réfléchie = appropriation : l’opérateur (le sujet de faire) est en syncrétisme avec le

bénéfacteur (le sujet d’état)

Privation transitive = dépossession : le sujet opérateur fait en sorte que le sujet d’état, qui est

différent de lui, soit privé de l’objet)

Privation réfléchie = renonciation : le sujet de faire se prive lui même – sujet d’état- de l’objet

La trouvaille est une attribution dont on ne peut pas déterminer, au niveau discursif, l’acteur qui prend

en charge le sujet de faire. Sa formule sera : F [ ? (S2 O)]

La perte est une privation dont on ne peut pas déterminer, au niveau discursif, l’acteur qui prend en

charge l’actant sujet de faire. Sa formule sera : F [ ? (S2 U O)]

12 d’où le F [ …], le F indiquant qu’il s’agit d’une fonction

8

Schéma d’ensemble permettant de comprendre comment les différentes formules

narratives se distribuent hiérarchiquement :

(jonction)

(conjonction) (disjonction)

acquisition privation

(transitive) (réfléchie) (transitive) (réfléchie)

attribution appropriation dépossession renonciation

épreuve

don

Les différents programmes narratifs13 basiques 14

2.2.5 Composante narrative : schéma d’ensemble

Le schéma narratif canonique est la représentation de la structure narrative d’ensemble

d’un récit. Conformément au principe de présupposition, il représente la relation qu’entretiennent les

différents PN entre eux par une flèche orientée de droite à gauche, pour signifier la relation de l’effet

vers la cause.

Contrat

Objet de valeur

Manipulation Sanction Dessinateur-manipulateur Destinateur-judicateur

Action

Destinataire

Compétence Performance

Chacunes des étapes de ce schéma est constituée d’un programme narratif, et donc d’une

transformation principale qui est le moteur de l’évolution du récit.

13 ces différents PN peuvent faire partie d’une structure englobante, représentée sous la forme d’un schéma narratif

d’ensemble, dit aussi canonique du fait qu’il se retrouve très fréquemment dans les contes populaires occidentaux,

qui ont été étudiés en 1er lieu pour éprouver le modèle 14 consulter les entrées don, épreuve, échange du Dictionnaire (Sémiotique, dictionnaire raisonné des théories du

langage de Greimas et Courtés) et les pages 81 et suivantes de Analyse sémiotique du discours de J. Courtés, pour

compléter cette présentation succinte.

9

2.2.6 Les modalités de faire

La question de la compétence a suscité le plus vif intérêt des sémioticiens. Elle

correspond à la réflexion menée sur les modalités du faire. Elles sont, pour la sémiotique

greimassienne, au nombre de 4 (si l’on excepte le faire lui-même), et sont réparties selon 3 modes

d’existence sémiotique15 : le virtuel, l’actuel et le réalisé.

Les modalités de faire aident à spécifier la valeur des éléments du programme narratif

considéré. En effet, pour réaliser quelque chose, il faut d’abord qu’elle soit d’abord d’actualité, et pour

cela qu’elle ait une existence préalable, même virtuelle. Entre un projet et sa réalisation, par ex., il peut

se passer du temps : le temps de concevoir l’idée même du projet (modalités virtualisantes), puis de se

donner les moyens de le réaliser (modalités actualisantes), puis enfin celui de sa réalisation effective

(modalités réalisantes).

2.3 Une application de la méthodologie narrative au « Petit Poucet »

Présentation d’une analyse narrative du PetitPoucet (pages 31 à 43) avec une séquence

(séq. 1, Perdus par les parents, énoncé pg 43, texte pg32-33) non analysée pour permettre un

entrainement personnel.

3/ Introduction à la sémiotique discursive : l’énonciation

Etude de 2 textes de François Salvaing :

- « Cap Caubère » qui sera le terrain d’apprentissage

- « Grenache » qui sera le terrain d’exercice à renvoyer à la correction.

3.1 l’énonciation en sémiotique

Il y a 2 manières d’envisager la question de l’énonciation :

La première consiste à la considérer comme une structure référentielle qui sous-tend la

communication. On parlera alors de situation de communication, de contexte socio-psychologique et le

concept d’énonciation aura tendance à se rapprocher de celui d’acte de langage.

La 2ème consiste à la considérer comme une instance linguistique, voire langagière et

l’on considèrera alors que l’énonciation est présupposée par l’existence d’un énoncé et qu’on peut en

récupérer les traces et reconstituer le parcours à partir de celui-ci. (c’est cette 2nd manière qui sera

retenue ici).

3.1.1 L’opération énonciative fondamentale : le débrayage

« On peut concevoir l’instance de l’énonciation comme le syncrétisme16 de 3 facteurs : je-

ici-maintenant. L’acte d’énonciation proprement dit consistera alors, grâce à la procédure dite de

débrayage, à abandonner, à nier l’instance fondatrice de l’énonciation et à faire surgir, comme par

contre-coup, un énoncé » (Courtés, 1991)

C’est une conséquence de ce que l’on appelle en sémiotique le principe d’immanence, qui

est déjà manifesté dans la phrase culte de Saussure « la linguistique étudie la langue en elle-même et

pour elle-même ». Chez Greimas et Courtés cela prend la forme suivante : « l’objet de la linguistique

étant la forme, tout recours aux faits extra-linguistiques doit être exclu, parce que préjudicianle à

l’homogénéité de la description ».

15 Lire absolument Modalité et Existence sémiotique, respectivement pg 230 et 138 du Dictionnaire 16 combinaison de plusieurs systèmes de pensées

10

Le débrayage est le geste fondamental de l’énonciation linguistique ou sémiotique,

présupposé par l’existence de l’énoncé : (schéma de J. Courtés)

Je débrayage actanciel non je (= il)

Enonciation ici débrayage temporel non ici (= ailleurs) énoncé

Maintenant débrayage spatial non maintenant (= alors)

Il faut distinguer l’énonciation réelle (proprement dite) de l’énonciation énoncée (un

simulacre d’énonciation).

« Le mode d’existence de l’énonciation proprement dite est d’être le présupposé

logique de l’énoncé et l’énonciation énoncée (ou rapportée) n’est que le simulacre imitant, à

l’intérieur du discours, le fait énonciatif. » (Greimas, Courtés, Dictionnaire)

3.1.2 Enonciation énoncée et énoncé énoncé : le simulacre énonciatif

Dans le cadre de la problématique de l’énonciation on ne s’occupe pas du sujet réel de

l’énonciation mais des simulacres énonciatifs. Si c’est « quelque chose » d’autre qui simule la prise

de parole, on parle, en sémiotique, de simulacre énonciatif. Un embrayage est la manifestation d’une

instance énonciative simulée.

Il n’est nullement besoin que toutes les composantes énonciatives soient réalisées pour

qu’on puisse construire la structure de l’énonciation énoncée.

La construction d’ensemble de l’énonciation énoncée relève d’une stratégie énonciative.

3.1.3 Typologie énonciative

Présentation de la typologie narrative de Gérard Genette, principale alternative à la

méthodologie sémiotique elle est presque plus utilisée que cette dernière avec qui elle est compatible

sur bien des points.

3.1.3.1 Le pragmatique et le cognitif

Les 2 dimensions se définissent l’une par rapport à l’autre et sont conçues dans une

relation hiérarchique. La dimension cognitive est considérée comme hiérarchiquement supérieure

parce qu’elle permet la prise en charge, par le savoir, des actions pragmatiques.

« La dimension cognitive sert de référent interne à la dimension pragmatique qui est en

gros la description faite dans les récits des comportements somatiques17 signifiants » . « La dimension

cognitive du discours se développe parallèlement avec l’augmentation du savoir attribué aux sujets

installés dans le discours. Si la dimension pragmatique n’appelle pas nécessairement la dimension

cognitive, la réciproque n’est pas vrai : la dimension cognitive présuppose les actions pragmatiques ».

Valeur modale :

La dimension cognitive, si elle ne change pas fondamentalement l’action, change toute la

valeur de l’action (ex. pg 49 du cours).

Dimension pragmatique = actions mises en place

Dimension cognitive = gestion des savoirs et des ignorances

17 qui concerne le corps, qui n’appartient qu’au corps

11

La sémiotique essaye de distinguer ce qui relève du cognitif 18, au sens strict du terme,

dans la procédure énonciative, de ce qui relève du perceptif 19.

3.1.3.2 L’aspectualisation et l’instance énonciative

• L’observateur, un actant cognitif de l’énonciation

« On appellera observateur le sujet cognitif délégué par l’énonciateur et installé par lui,

grâce aux procédures de débrayage, dans le discours-énoncé où il est chargé d’exercer le faire réceptif

et, éventuellement le faire interprétatif de caractère transitif20».

L’observateur peut être implicite. Il ne peut alors être reconnu que par déduction, après

analyse des configurations discursives du récit. « Il peut rester implicite et n’est alors reconnaissable

que grâce à l’analyse sémantique qui dévoile sa présence à l’intérieur d’une configuration discursive ».

Une instance ne devient évènement que par ce qu’elle est reportée par une instance

énonciative. Lorsque nous lisons une histoire, les actions de cette histoire sont des évènements de

l’énoncé21 parce qu’elles nous sont présentées comme tels par une instance énonciative. En

reconnaissant les marques de cette énonciation22 on reconnaît (on reconstruit) une instance énonciative minimale : l’observateur.

Par exemple, l’organisation temporelle des évènements les uns par rapport aux autres est

le fait d’un observateur. Les éléments de structuration de l’espace peuvent eux aussi donner des

indices de ‘présence’ d’un observateur. L’évaluation de la distance relève par exemple d’un point de

vue, au sens strict du terme, qui renvoie à une instance énonciative qui observe la scène présentée. De

la même manière, l’expression d’une opinion, d’une évaluation de la situation, est un indice de la

‘présence’ d’une instance énonciative.

La ‘présence’ est un simulacre, c’est pourquoi la présence d’un observateur ne peut être

assimilée à la présence effective d’un énonciateur réel. L’observateur n’est qu’une place dans la

syntaxe figurative, une position dans le dispositif énonciatif simulé par tout énoncé. Cependant, en

nommant observateur cette instance reconstruite on lui donne quand même en quelque sorte ‘forme

humaine’.

La sémiotique conçoit la structuration du sens d’un point de vue génératif ; la mise en

discours consiste alors à installer dans le discours des structures narratives (commes les actions) et à

les ‘habiller’. ‘Habiller’ des structures narratives c’est avant tout leur donner ‘forme humaine’ ou plus

largement les rapporter à un échelle humaine : les actions ainsi transformées deviennent des procès,

les actants narratifs des acteurs discursifs et les programmes narratifs des parcours figuratifs.

• L’aspectualisation : procédure générale de la mise en discours

« Historiquement, l’aspect s’introduit en linguistique comme ‘le point de vue sur l’action’

susceptible de se manifester sous forme de morphèmes grammaticaux autonomes ». Ce ‘point de vue’

est reconstruit par l’analyse à partir des diverses configurations discursives que celle-ci permet de

repérer. L’observateur n’est qu’une façon de nommer ce ‘point de vue’ et le rapport à une instance qui

tend à rendre homogène sa présentation.

18 relatif à la connaissance et à l’acte intellectuel par lequel on acquiert une connaissance 19 voir avec prof 20 càd portant sur les actants et les programmes narratifs autres que lui-même ou son propre programme 21 càd des péripéties qui font que l’histoire progresse 22 càd la manière particulière dont cette histoire nous est présentée

12

Dans le cadre du parcours génératif, on entendra par aspectualisation la mise en place,

lors de la discursivisation, d’un dispositif de catégories aspectuelles par lesquelles se révèle la présence

implicite d’un actant observateur. Cette procédure eqst générale et caractérise les 3 composantes

d’actorialisation, de spatialisation et de temporalisation, constitutives des mécanismes du débrayage.

Dans la mise en place des catégories aspectuelles la dimension temporelle est prédominante.

• Les catégories aspectuelles : prédominance de l’aspectualisation temporelle

Les catégories aspectuelles (temporelles) mises en place lors de la discursivisation sont

présentées par Greimas et Courtés comme des sèmes, qui se distribuent de la façon suivante :

durativité, ponctualité, perfectivité et imperfectivité23, inchoativité et terminativité24. Ces catégories

sont classables en micro-oppositions : durativité / ponctualité25, perfectivité / imperfectivité,

inchoativité / terminativité.. On peut aujourd’hui ajouter à ces oppositions le couple de contradictoires

itérativité / semelfactivité, qui caractérise l’aspect répétitif ou unique d’un procès temporel.

Ces distinctions catégorielles n’épuisent pas le champs de l’aspectualité, elles tentent

juste de les cartographiées sommairement. Ces catégories sont combinables26 pour former une

configuration aspectuelle càd « un dispositif de sèmes aspectuels mis en place pour rendre copte d’un

procès ».

Le but dans l’analyse sera de repérer de tels dispositifs et de les interpréter, càd de montrer le sens qu’ils donnent à l’énoncé étudié.

• Aspectualisation spatiale

« Un discours spatialisé peut aussi être aspectualisé si divers lieux sont mis en relation

par le mouvement ou par la vue des sujets de l’énoncé ; les catégories de la distance peuvent être

considérées comme équivalentes à celle de la durée dans l’aspectualisation temporelle : si 2 lieux sont

‘distants’, l’observateur enregistrera successivement le départ du 1er lieu (inchoatif), le ‘cheminement’

(duratif) puis l’arrivée dans le 2nd lieu (terminatif) ; figurativement la distance peut être remplacée par

un mur, un quelconque obstacle au déplacement, qui divise l’espace en 2 lieux distincts ».

L’échelle anthropomorphe27 à laquelle renvoie l’aspectualisation peut en outre être mieux

comprise si l’on se réfère à la compétence perceptive de l’observateur : « il » voit la scène de l’énoncé,

mais il peut également la toucher, la sentir, l’entendre. Chacunes de ces perceptions représentées

renvoient à une appréhension différente de l’espace, et peuvent, de ce point de vue, relever de

l’aspectualisation spatiale.

• Quelques pistes pour une aspectualisation actorielle

« L’actorialisation peut s’accompagner d’une aspectualisation si, par exemple, les acteurs

de l’énoncé modifient leur façon de réaliser une performance, ou, en d’autres termes, si, sans que leur

compétence soit remise en cause, ils se ‘perfectionnent’ ou ‘mûrissent’, faisant aisément ce qu’ils

faisaient difficilement auparavant, par exemple ».

Les variations de l’actorialisation doivent être comprises come des indices de

l’aspectualisation actorielle : le passage, par exemple, d’un auteur collectif à un auteur individuel, et

vice-versa, est une aspectualisation actorielle assimilable au passage de l’itératif au semelactif au

niveau temporel. Ainsi il faudra étudier de près toute variation énonciative dès lors que l’instance

énonciative est identifiée à un acteur.

23 correspondant à la distinction grammaticale entre accompli et inaccompli 24 correspondant au commencement et à l’achèvement d’un procès 25 renvoyant à un procès étalé ou ramassé dans le temps 26 sauf lorsqu’il s’agit de 2 membres d’une même opposition 27 à chercher dans le dico

13

3.1.3.3 Première typologie des observateurs

• Départ

Jusqu’ici l’observateur à tét déduit d’une organisation discursive particulière, temporelle

ou spatiale, sans d’autres formes d’indices que les éléments temporels ou spatiaux de structuration des

évènements relatés. Mais il y a le cas où l’observateur est plus explicite, càd lorsqu’il est manifesté

comme une personne, un simulacre actoriel.

Définition du type Dénomination du type Dénomination du type d’observateur de narrateur

actant de discursivisation FOCALISATEUR (Foc) (avec parcours de verbalisat°)

reconstructible par l’analyse

ASPECTUALISATEUR (Asp) NARRATEUR

Acteur virtuel, impliqué par SPECTATEUR (Sp) RAPPORTEUR

la deixis spatio-temporelle

Acteur actualisé dans l’énoncé ASSISTANT (As) TEMOIN

Le focalisateur hétérogénéinise l’objet cognitif (l’énoncé) par débrayage.

L’aspectualisateur homogénéinise l’informateur par embrayage.

Le passage d’un type d’observateur à l’autre est la manifestation d’une aspectualisation

actorielle, traitée par la suite sous la dénomination de stratégie énonciative.

• Suite

« La classification des types d’observateurs ne peut pas être exhaustive ; pour rester

maniable elle ne doit retenir que les types statistiquement représentatifs.

Si le rôle d’observateur n’est pris en charge par aucun des acteurs du discours, et si on ne

lui attribue pas de deixis spatio-temporelle dans l ‘énoncé, il reste abstrait, pur ‘filtre’ cognitif de la

lecture. Ce n’est qu’un actant de discursivisation, dénommé focalisateur (Foc), engendré par un simple

débrayage actanciel ; on le reconnaît uniquement à ce qu’il fait, càd aux sélections, aux focalisations /

occultations mises en œuvre dans l’énoncé

Dans le cas où les limites de la compétence du focalisateur reçoivent une manifestation

figurative, càd quand les limites sont, entre autre, de type spatial et temporel, l’observateur est

directement impliqué dans les catégories spatio-temporelles de l’énoncé. On l’appellera ‘spectateur’

(Spec).

Si le rôle de focalisateur est pris en charge par un acteur de l’énoncé, dont l’identité est

reconnue, mais qui ne joue pas de rôle (pragmatique et thymique28) dans les évènements de l’énoncé,

ce sera un ‘assistant’ (As). Il est doté d’une enveloppe actorielle, et résulte par conséquent d’un

débrayage actoriel.

L’ ‘assistant-participant’ (As-Part) est, pour finir, un observateur qui résulte d’un

débrayage complet (actanciel + spatio-temporel + actoriel + thématique). Cet observateur thématisé

est, comme le détective dans le roman policier, susceptible de participer aux évènements de l’énoncé,

soit comme figurant, soit comme protagoniste ». (J. Fontanille, 1989)

28 chercher dans le dico

14

Cette typologie présuppose que le débrayage et l’embrayage sont des opérations

graduables.

Les distinctions établies par J. Fontanille permettent également de différencier la

compétence cognitive de la compétence pragmatique de l’instance de l’énonciation. La difficulté avec

la notion classique de narrateur est qu’elle amalgame ces 2 compétences alors que leur distinction peut

apporter une finesse utile à l’analyse.

« Sur la dimension cognitive de l’énonciation, l’observateur est l’actant principal ; ses

parcours et les transformations de sa compétence permettent dans nombre de cas de rendre compte des

évènements énonciatifs.

Sur la dimension pragmatique de l’énonciation, on installera un actant responsable de la

réalisation matérielle de l’énoncé, dénommé, faute de mieux, ‘performateur’. Selon que la matière de

l’expression sera verbale, picturale ou filmique, ce ‘performateur’ sera respectivement narrateur ou

locuteur, peintre, réalisateur ou filmeur.

Le narrateur réalisant sur la dimension pragmatique les acquis cognitifs de l’observateur,

on peut établir la terminologie suivante :

- un focalisateur doté d’un rôle verbal sera appelé « narrateur »

- un spectateur doté d’un rôle verbal sera appelé «relateur »

- un assistant doté d’un rôle verbal sera appelé «témoin »

- un assistant-participant doté d’un rôle verbal sera appelé «témoin-participant » »

Reste à mettre en œuvre cette typologie lors d’une analyse. Elle n’invalide pas les

propositions précédentes mais les complète ; le fait de distinguer un focalisateur, par exemple, ne

donne pas d’indication sur la façon dont la focalisation est construite ; on a identifié le phénomène

mais l’analyse reste à faire. On se servira de la typologie fontanilloise soit pour fonder une hypothèse

interprétative, soit pour vérifier une analyse et lui donner un point d’aboutissement en une instance

énonciative identifiée.

Synthèse de la typologie : (cf tableau pg 58 du cours)

4/ Analyse sémiotique appliquée au texte littéraire

4.1 Présentation des textes soumis à l’analyse

Etude d’un extrait de « de purs désastres » de François Salvaing

« NOUS VENIONS DE TEMPS A AUTRE, vérifier au Cap Caubère l’idée que nous

avions de l’immensité. […] e ciel ne venait nous délier que pour nous remettre à la nuit et à toi, chien

du rêve, qui mords et qui remords. »

4.2 Exemples d’analyses

Explication de la démarche à suivre pour faire l’analyse du schéma narratif du texte :

L’idée est de partir du niveau narratif pour arriver au niveau discursif. En s’obligeant à se

focaliser sur la seule dimension narrative, on peut espérer faire ressortir une structure (hypothétique)

sur laquelle se baser pour formuler une interprétation du niveau discursif.

Une analyse sémiotique aujourd’hui n’est plus une analyse en soi, mais une partie

(généralement initiale) d’une analyse sémiotique complète, comprenant les 2 niveaux du parcours

génératif de la signification (niveau des structures sémio-narratives, niveau des structures discursives)

Exercice à renvoyer à la correction : Schéma narratif de « Grenache » (2nd texte)

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4.3 La discursivisation appliquée à Cap Caubert

Actorialisation Spatialisation Temporalisation Aspectualisation

Détails explicatifs dans le cours pges 61 à 63

5/ Analyse sémiotique appliquée au texte publicitaire

La sémiotique greimassienne a exploré d’autres domaines que les domaines littéraires et

ethnolittéraires dans lesquels elle avait fait ses 1ères armes. Après avoir développé sa méthode

(analyse narrative puis discursive) et, tout en l’affirmant, elle a esayé de la mettre en œuvre sur des

textes différents, voire des objets sémiotiques non-verbaux, et notament des textes du champs

publicitaire. C’est principalement Jean-marie Floch qui a développé les liens entre sémiotique t

publicité.

Schéma général de l’injonction publicitaire : un destinateur, représentant la marque, tente

de faire adhérer un destinataire, représentant le client potentiel, au système de valeurs mis en scène

dans le récit publicitaire, quel que soit sa forme (affiche, sport, encart, ..). Le récit publicitaire est

toujours encadré par une dimension énonciative élaborée à laquelle il faut porter attention.

L’analyse se fait en 2 étapes : dans un 1er temps il faut traiter de l’énoncé énoncé, dans sa

dimension narrative et discursive, dans un 2ème temps il faut triater du cadrage énonciatif de cet énoncé

énoncé en tenant compte, notament, des indications données par la mise en page29.

Exemple d’analyse avec une publicité des magasins ‘Shopi’ : « M. Picot a horreur de la

routine ». Schéma : Mise en discours / Narrativité / Enonciation.

29 dite dimension « médiatique » chez F. Rastier