guillaume séguron...je remonte la rue joseph vernet, passe devant le collège où quelques heures...

18
Guillaume Séguron dossier artistique « modification de ce qui précède par ce qui suit »

Upload: others

Post on 22-Jul-2020

5 views

Category:

Documents


0 download

TRANSCRIPT

Page 1: Guillaume Séguron...Je remonte la rue Joseph Vernet, passe devant le collège où quelques heures avant je menais des ateliers avec de jeunes musiciens avec le visage et les mots

Guillaume Séguron

dossier artistique

« modification de ce qui précède par ce qui suit »

Page 2: Guillaume Séguron...Je remonte la rue Joseph Vernet, passe devant le collège où quelques heures avant je menais des ateliers avec de jeunes musiciens avec le visage et les mots

Nora Feedback || Dossier artistique || Page 2

Catherine Delaunay : Clarinette Bb & Eb

Jean-Baptiste Berger : Clarinette Bb, saxophone ténor & flûte

Matthias Malher : Trombone

Régis Huby : Violon & violon ténor

Adrien Dennefeld : Guitare & violoncelle

Bruno Angelini : Piano & claviers

Guillaume Séguron : Contrebasse & basse électrique.

Page 3: Guillaume Séguron...Je remonte la rue Joseph Vernet, passe devant le collège où quelques heures avant je menais des ateliers avec de jeunes musiciens avec le visage et les mots

Nora Feedback || Dossier artistique || Page 3

#1 // INTENTIONS, ENDROIT & RETOUR D’EXPÉRIENCE // page 4

#2 // TITRE, DÉFINITIONS & PRÉCISIONS // page 5

#3 // DESCRIPTION DU PROJET & PRÉCISIONS SUR L’OBJET // page 9

#4 // CARNETS & TRAJECTOIRE // page 14

#5 // SOURCES & CONTACTS // page 17

SOMMAIRE

Page 4: Guillaume Séguron...Je remonte la rue Joseph Vernet, passe devant le collège où quelques heures avant je menais des ateliers avec de jeunes musiciens avec le visage et les mots

Nora Feedback || Dossier artistique || Page 4

NORA FEEDBACK #1 // INTENTIONS, ENDROIT & RETOUR D’EXPÉRIENCE

/ Le projet d’écriture de la pièce instrumentale NORA FEEDBACK repose autant sur la volonté d’ordonner à l’intérieurd’un même ouvrage mes différentes sources et expériences que d’en effectuer une synthèse à travers une formuleorchestrale que je n’ai jamais abordée. Ainsi, il me sera certainement impossible de faire des choix déterminés en ce quiconcerne le genre et le style. La forme définitive dépendra du trajet que j’aurai effectué dans ce réseau de sentiers où serejoindrons l’intuition, la parataxe et mon goût pour les recherches purement formelles.

La pensée ne devancera pas le geste.

// La pièce NORA FEEDBACK sera autant le témoignage que le témoin de l’expérience du temps, de sa persistance.Elle suivra des contours narratifs multiples et complémentaires. La partition pourra être alors envisagée commeune carte, comme un décor qui évolue, mais aussi comme une série de balises organisée autour de repères.

Des points d’encrage.

/// C’est cette forme compositionnelle structurée, tout en étant « plastiquement » malléable, que je souhaiteapporter aux musiciens auxquels je songe.

Un retour d’expérience qui ne ressemble en rien à celui du miroir.

//// La pièce musicale NORA FEEDBACK se destine à être un lieu, un endroit où s’effectue une mémoire et dans le même temps un support à satransmission ; pas uniquement l’expression de « ce » que je pense savoir sur « ce » que pense avoir fait, mais sur « comment » je fais.Comment s’opère la mémoire des lieux, des sons... Ainsi pour les improvisations, je proposerai aux musiciens de traverser le temps de la partition, de l’imprégner leur présence, de se fabriquer un itinéraire.A ce stade je ne peux que m’en remettre à cette pensée du peintre Robert Ryman (élève de Lennie Tristano) :

L’important n’est pas ce que l’on peint mais seulement comment on peint. Le « comment » de la peinture a de tout temps déterminé l’image,c’est à dire le résultat.

///// Comme une pensée libre et active qui chemine et rebondie, rendre à la musique son inaltérable pouvoir d’abstraction et d’évocation, j’espère queNORA FEEDBACK sera une œuvre ouverte. Ouverte à l’autre : auditeur / instrumentiste, spectateur / acteur, à sa propre perception, à ce que je ne saispas de lui, avec comme lien / ligne ce que je suppose savoir ou connaître. Faire en sorte qu’à tout moment dans ce labyrinthe chacun y trouve un peude lui-même, une part de lui-même. J’écris NORA FEEDBACK afin d’entretenir cette conversation avec le silence, dans le secret du silence.Dans ce milieu opaque où les mots s’effondrent, où la parole se tait, Voilà où se situe – pour moi – la musique. Et ce sont toujours des réponses inespérées que l’on y entend.

Je fais avec ce que j’ai, au moment précis où je fais, là où la ligne fabrique son propre dessein.

Page 5: Guillaume Séguron...Je remonte la rue Joseph Vernet, passe devant le collège où quelques heures avant je menais des ateliers avec de jeunes musiciens avec le visage et les mots

Nora Feedback || Dossier artistique || Page 5

NORA FEEDBACK #2 // TITRE, DÉFINITIONS & PRÉCISIONS

Sur une page d’un de mes Carnet il y a ces deux mots sans rapport d’abord l’un avec l’autre :Nora / Feedback

A la suite de ces deux mots j’ai noté cette phrase comme un résumé :En bas de l’île il y a une villeEn haut de la ville il y a une citadelleLa citadelle est un muséeDans le musée il y a une stèle

FEEDBACK //Nom masculin invariable. De l’anglais feed-back, de to feed : nourrir, alimenter et back : en arrière, en retour.

Définitions (1)Rétroaction / Retour d’expérience, d’information / Rétrocontrôle / Boucle / Larsen : Action exercéesur les causes d’un phénomène par le phénomène lui-même. Synonyme : Rétroaction

Rétroaction //Nom féminin. Action / Effet en retour / Processus déclenché automatiquement après une perturbation,visant à provoquer une action correctrice en sens contraire. Synonyme : Feedback

Définition (2) Dictionnaire historique de la langue françaiseIl entre en français avec d’autres termes liés au fonctionnement des ordinateurs. Par extension du sens technique de « dispositif d’autocorrection », il signifie « modification de ce qui précède par ce qui suit » et équivaut au français rétroaction.Sens : (1) Retour sur une expérience / Sorte de bilan tiré à partir d’un événement. (2) Action de revenir en arrière de façon automatique, après uneperturbation par exemple. (3) Larsen ou retour dans l’ingénierie du son.

Larsen //Nom masculin. Oscillation parasite se manifestant par un sifflement, qui prend naissance lorsque la sortie d’une chaîne électroacoustique réagitsur son entrée. On dit aussi effet Larsen. L’effet Larsen est souvent désigné par feedback, terme anglais signifiant plus généralement une rétroaction.

Sifflement //Modification de ce qui précède par ce qui suit

Page 6: Guillaume Séguron...Je remonte la rue Joseph Vernet, passe devant le collège où quelques heures avant je menais des ateliers avec de jeunes musiciens avec le visage et les mots

Nora Feedback || Dossier artistique || Page 6

NORA //Bien que pouvant être - pour certains - seulement un prénom (féminin), ce n’est pas ainsi qu’il faut l’entendre ici.Ici Nora est d’abord un lieu, un site archéologique au sud de la Sardaigne sur la péninsule de Capo di Pula au sud ouest de Cagliari. Nora a été fondé par les Phéniciens au IXe siècle avant J.C avant dedevenir une cité romaine. Le site est face à la mer.La mer a dévoré une partie de la ville.

Il y résonne encore quelque chose d’indicible comme quelques phrases éblouissantes d’Albert Camuséparpillées entre L’EXIL D’HÉLÈNE et LA MER AU PLUS PRÈS (in L’Eté, 1948)

La stèle de Nora //En 1773, on y découvre un morceau de grès de petites dimensions portant des inscriptions, il deviendra la stèle de Nora.La Stèle de Nora est une stèle phénicienne réputée être le plus ancien document écrit de l’histoireoccidentale, datée de la fin du IXe ou du début du VIIIe siècle av. J.-C. Elle témoigne de la diffusion del’alphabet phénicien dans le bassin occidental de la Méditerranée.

J’ai d’abord été face à la stèle avant de me rendre sur le lieux de sa découverte.Elle est conservée dans l’ombre du musée archéologique de Cagliari, tout à fait en haut du Castello. (Corpus Inscriptionum Semiticarum sous le numéro C.I.S. I, 144)En la voyant le souvenir d’une autre stèle m’est revenu. Je ne sais comment ces deux images se sont rassemblées et confondues dans mon esprit.

Pierre //Puis une tout autre histoire de pierre. Pierre Nora. L’historien a qui l’on doit les trois tomes collaboratifs : Les Lieux de mémoire.

La Stèle du Rocher Des Doms //La Stèle du Rocher des Doms est un bloc de calcaire en forme de « borne » dissymétrique à sommet arrondi et base élargie. Elle fut découverte sur le Rocher des Doms (Avignon) lors du chantier de fouille de 1960-1961. Elle date de la fin du Néolithique (~ 3 200). Cette petite stèle, aux surfaces fragiles, est gravée sur sa face d’une figure anthropomorphe très stylisée. Ce visage schématique – seulement limité par un trait linéaire assez profond – est sans bouche. Ses yeux, aux arcades sourcilières courbes, sont marqués par des cupules. L’arcade gauche, plus haute, est en ogive ; la droite, plus basse, est arrondie. Sur la partie inférieure, décalée légèrement sur la droite, a été creusée une cupule profonde d’où partent huit traits formant une représentation solaire.Cette sorte de « Soleil » est une découverte unique sur ce type de stèle.

Avignon, mercredi 16 mars 2016, 15h23Je sors du Musée Calvet. Je viens de revoir la Stèle du Rocher des Doms. Ce visage sans bouche avec ces deux yeux creusés, bien ronds.Depuis notre première rencontre, lorsque j’étais enfant, ce regard rectiligne me procure la même tendresse infinie.

Page 7: Guillaume Séguron...Je remonte la rue Joseph Vernet, passe devant le collège où quelques heures avant je menais des ateliers avec de jeunes musiciens avec le visage et les mots

Nora Feedback || Dossier artistique || Page 7

Ce regard est avec moi comme une sensation indescriptible.Il persiste, s’évanouit, et comme à Cagliari, face à la Stèle de Nora, ce regard en forme de questionresurgit.Je remonte la rue Joseph Vernet, passe devant le collège où quelques heures avant je menais des ateliersavec de jeunes musiciens avec le visage et les mots libérateurs d’Albert Camus comme fil conducteur.

Je pense Aux Statues Meurent Aussi d’Alain Resnais et Chris Marker, à la main d’André Leroi-Gourhan survolantla carte (Le Geste et la Parole).

Visage schématique // Je me demande si quelqu’un à Cagliari regarde la Stèle de Nora.

Est-ce que quelque chose existe s’il n’y a plus de regard posé sur lui ?Je songe à la solitude des statues dans l’obscurité des musées, à la dernière case de Tintin et l’Oreille Cassée.

Est-ce que les statues attendent quelque chose ? Est-ce qu’elles entendent ?Attendent-elles quelque chose de nous maintenant ?Où se situe le temps ? Qu’est-ce que durer ?Y a t il quelque chose qui puisse être dispensable pour l’oubli ?

Jimmy - Une Tendresse Infinie //Cagliari, samedi 11 août 2012, 08h56Matin clair, air limpide. Je marche Via Dante Alighieri. A la hauteur du numéro 46, mon regard se fixe sur l’enseigne d’un magasin.J’y lis GIUFFRE. Je ne sais pas qui est Alighieri. Dante me rappelle certainement quelque chose... Jamais d’Enfer chez JIMMY GIUFFRE (contrairement à Henri-Georges Clouzot)Je prends quelques photos. Je me demande par quel jeu le nom du Texan ressurgit ici en Sardaigne. Mes songes rejoignent mes pas.

Où se trouve la ligne ?Où se situe la main qui relie tout cela ?Avec mon trio Solo Pour Trois, nous jouions The Green Country (une de ses sublimes compositions suspendue au-dessus de l’air du temps)Mais, ce matin là, à cet instant là, me remonte jusqu’aux yeux une autre de ses mélodies intemporelles : The StoryComment s’y prenait-il pour écrire – en mode mineur – d’aussi lumineuses lignes mélodiques ?Comment son visage apparaît ici sur cette rive de la Méditerranée, dans cette rue ?Comment son visage peut-il devenir si proche de celui d’Albert Camus ? Qu’incarne pour moi ces figures oblitérées ?

Page 8: Guillaume Séguron...Je remonte la rue Joseph Vernet, passe devant le collège où quelques heures avant je menais des ateliers avec de jeunes musiciens avec le visage et les mots

Nora Feedback || Dossier artistique || Page 8

Pourquoi vais-je vers San Lucifero en fredonnant The Story ?

Je remonte au Castello – comme souvent – par Via Barcellona... ... mais c’est une tout autre histoire...

Qu’est-ce qu’une forme ?Dans quel temps se situent les résurgences ?Un programme de concert, un lieu de concert est-il un lieu de mémoire ?Assurément, Oui.

Comment mettre en forme des sensations complexes sans qu’elles paraissentcompliquées ?Peut-on être complexe sans être compliqué ?Peut-on être complexe tout en étant simple ? Est-ce d’ailleurs la même chose ?

Qu’est-ce qu’être attentif ? Comment l’être plus encore ?Comment mettre en forme le hasard ?De quelle nature est ce FEEDBACK ? Quelle est cette STORY ?

Par bonheur l’imagination est hors de tout contrôle.

« Ce jour-là, je compris qu’il y avait deux vérités dont l’une ne devait jamais être dite. »Albert Camus / La mer au plus près

J’écris là-dessus. Je pense à :Jorge Luis BorgesJimmy Giuffre Albert CamusTim IngoldBarry GuyMunir BachirJ DillaAlain ResnaisMichelangelo Antonioni

Ces seules définitions et précisions pourraient suffire à mon propos.

Page 9: Guillaume Séguron...Je remonte la rue Joseph Vernet, passe devant le collège où quelques heures avant je menais des ateliers avec de jeunes musiciens avec le visage et les mots

Nora Feedback || Dossier artistique || Page 9

NORA FEEDBACK #3 // DESCRIPTION DU PROJET & PRÉCISIONS SUR L’OBJET

Le projet d’écriture de NORA FEEDBACK repose sur une synthèse de mes multiples expériences etpratiques que ce soit dans les domaines de la musique ou du graphisme. Je ne pourrai faire l’impasse sur ce qui m’attire dans les systèmes narratifs qu’explore le montage cinématographique, de même queje ne pourrai m’éloigner de tout ce que je continue à apprendre dans le domaine des sciences humaines(archéologie et histoire en particulier). Du répertoire de mon trio SOLO POUR TROIS, je garderai certainement l’idée du cycle, celle de larépétition ainsi que la volonté d’organiser un ensemble autour d’une pulsation et d’une respirationcommune. De mes NOUVELLES RÉPONSES DES ARCHIVES, je retiendrai la juxtaposition des timbreset des textures, la superposition des narrations, la collision des histoires.De la musique pour la pièce L’ÉTRANGER - RÉMINISCENCES, je poursuivrai la volonté d’aborder au seind’une même forme des styles musicaux parfois assez éloignés sans expliciter le lien qui les unit, le goût pour les longues séquences de jeu ainsi que les espaces statiques.

1 // ORCHESTRATION, TIMBRE & POLYVALENCE

Le choix de l’orchestration s’est élaborée autant à partir du désir de travailler avec certains musiciens, depoursuivre des collaborations tout en considérant le mariage des timbres. Afin d’augmenter la capacité timbrale de l’orchestre, j’ai souhaité faireappel à des musiciens qui, dans certains cas, peuvent jouer d’un autre instrument ou ont la faculté de faire évoluer leur propre son.Des musiciens qui ont en commun des pratiques et un vocabulaire, qui peuvent, sans distinction, passer de la musique écrite à la musique improvisée sans échelle de valeur. Ainsi la pièce NORA FEEDBACK sera écrite pour un orchestre disponible à s’approprier les parties écrites.Des musiciens en alerte dans l’improvisation mais aussi pour des "individus" qui n’hésitent pas à prendre de nouvelles directions dès qu’elles seprésentent et qui ont l’attitude naturelle de construire des itinéraires inconnus.

L’orchestre sera constitué de :Catherine Delaunay : Clarinette Bb & EbJean-Baptiste Berger : Clarinette Bb, saxophone ténor & flûteMatthias Malher : TromboneRégis Huby : Violon & violon ténorAdrien Dennefeld : Guitare & violoncelleBruno Angelini : Piano & claviersGuillaume Séguron : Contrebasse & basse électrique.

Page 10: Guillaume Séguron...Je remonte la rue Joseph Vernet, passe devant le collège où quelques heures avant je menais des ateliers avec de jeunes musiciens avec le visage et les mots

Nora Feedback || Dossier artistique || Page 10

Note : En ce qui concerne l’absence d’instrument de percussion oupurement rythmique, cette orchestration s’inscrit dans le prolongementde mon expérience avec le trio SOLO POUR TROIS.Il me semble évident que je n’en ai pas abordé toutes les possibilités.Ce choix n’est pas déterminé par la volonté de donner un caractère« chambriste », ni « acoustique ». Ce ne sera pas le cas.

De même que la musique s’articulera autour d’un matériel autant écritqu’improvisé, le son pourra être acoustique et / ou électrique.

Nous nous attacherons à rechercher des textures et à faireévoluer l’intensité.

2 // STRUCTURE DU DESSEIN & IMPROVISATION

La pièce NORA FEEDBACK s’articulera,Comme un point de départ,

autour d’une thématique centrale, d’un thème principal qui se manifestera et se développera à travers différentes mutations et variations. Le matériel thématique sera d’abord un motif mélodique, une phrase. Par la suite il pourra prendre d’autres visages : un contour bruitiste ou unseul timbre. Parfois qu’une seule note ou phrase qui se déplacera sur différents instruments de l’orchestre. Ces motifs opéreront comme desbalises ou des points d’encrages qui, semblables à des rappels, des flashs, structureront l’ensemble de la pièce.

Le ou les motifs apparaîtront sous des formes nouvelles et parfoisà des moments inattendus.

Par sa récurrence, le thème principal pourra agir comme une sorte de « persistance auditive ».Par une longue disparition rendre palpable le manque, l’oublie. Ainsi chaque nouveau motif sera un moyen de faire oublié, à l’auditeur, le motifprécédent, comme si après avoir suivi un personnage, on le quittait pour en suivre un autre ; de telle sorte que ça réapparition soit un élémentdéclencheur de mémoire interne. Une résurgence.

Le motif sera le support autant que le moteur d’une sorte de mémoire active.

J’envisage chaque éléments thématiques comme un personnage, un lieu ou comme plusieurs personnages qui changent de lieu. La phrasedevenant un endroit, une pièce, une existence, mais aussi une empreinte. Une marque dans le souvenir.

Page 11: Guillaume Séguron...Je remonte la rue Joseph Vernet, passe devant le collège où quelques heures avant je menais des ateliers avec de jeunes musiciens avec le visage et les mots

Nora Feedback || Dossier artistique || Page 11

Autant de méthodes et de pistes pour développer des contrepoints, des séquences identifiables,fabriquer des cadres de jeu et des points d’encrages d’où pourront s’extraire les improvisations.

Ici, je n’anticipe pas le choix du langage improvisé. Qu’elles soient idiomatiques ou nonidiomatiques, les improvisations seront des plans imbriqués dans le matériel écrit.

J’envisage que dans chacune des séquences écrites il puisse y avoir une voie qui soit improvisée(ou laissée libre) pour un des membres de l’orchestre : A lui de dessiner sa route au milieu des autresvoix. De trouver une trajectoire qui traverse la séquence entière.Faire en sorte que le rapport musique écrite / musique improvisée s’efface, se confonde à l’intérieurd’une forme globale où seul l’aspect collectif compte et qu’un solo (au sens traditionnel du terme) apporte une nouvelle solution, une autre lecture, une autre réponse à ce qui est joué par l’ensemble.De sorte que

même dans le cas extrême du solo absolu, le sentiment collectif perdure.

Dans sa forme globale la pièce Nora Feedback sera une suite de mouvements avec destransitions.

Je ne peux actuellement préciser le nombre de mouvements. Mais si je m’en réfère à la structure de mes précédents projets, certainement pas moins de 4.

La pièce NORA FEEDBACK s’équilibrera entre des séquences orchestrales écrites, des séquences improvisées, des trames permettant des espacespour développer des solos pour chacun des membres de l’orchestre. Aussi j’envisage de laisser aussi des espaces libres. Des « endroits » pas vide mais vacants. Des lieux de silence ou de repos habités où les auditeurs comme les musiciens pourront examiner la durée, le persistance d’un son, d’un motif, etc.

Des sensations proches des incroyables dernières minutes de l’Éclipse de Michelangelo Antonioni.

3 // UNITÉ DE LIEU, UNITÉ TEMPS & CONTRAINTES

Puisqu’il est question de lieux, de la transformation d’une même chose dans le temps, il me semble opportun de m’imposer des contraintessupplémentaires.

L’unité de lieu s’effectuera à partir d’une tonalité centrale.Le ton sera vraisemblablement "blanc". Blanc comme le cadre blanc d’une photo.

Page 12: Guillaume Séguron...Je remonte la rue Joseph Vernet, passe devant le collège où quelques heures avant je menais des ateliers avec de jeunes musiciens avec le visage et les mots

Nora Feedback || Dossier artistique || Page 12

Certainement au départ sans dièse ni bémol (Do Maj, La min, Fa Lydien) ce sera le caractère nondéterminé qui sera privilégié, comme une idée qui s’invente au fur et à mesure que les doigts sedéplacent sur les touches blanches. Puis quelque chose qui évoquera les trames mineures deJIMMY GIUFFRE .

Puis cette question : que se passe-t-il lorsque qu’une altération arrive ?Quel changement de couleur ?

Les développements harmoniques se manifesteront comme des glissements, des extensions,des ouvertures. Les parties improvisées seront autant de moyens de provoquer des vifs changements de direction ouau contraire de lentes mutations. Le retour à la tonalité d’origine, sera ainsi, comme le retour du thèmeprincipal, un moment de repos, de stabilité.

L’ unité de temps se manifestera par la persistance d’une pulsation intangible. La pièce NORA FEEDBACK sera traversée par une pulsation stable du début à la fin. Un tempo identique reliera l’ensemble des mouvements. Il permettra toutes les manipulations etcontrepoints rythmiques. Par le jeu des équivalences, il me semble que l’on peut développerénormément de situations de jeu à partir d’une même pulsation. Le but final sera de faire oubliercette pulsation, avoir la sensation qu’elle a changé.Les figures répétitives, la récurrence de certains motifs, la stabilité de la pulse fixera aussi l’intérêt que je porte aux compositeurs minimalistes. Cette pulsation unique deviendra, une fois qu’elle sera intégrée par l’ensemble, un lieu supplémentaire, une respiration commune.

Un flux ininterrompu.

En synthèse un matériel rudimentaire comme deux parallèles : une même tonalité, une pulsation unique.

Ne pouvant me projeter plus avant dans sa forme définitive, dans le visage qu’aura la pièce NORA FEEDBACK, je m’efforcerai de rendre lisiblecette sensation diffuse qu’à la fin de l’histoire rien n’a vraiment changé mais que tout a été modifié.Que le temps du concert n’est pas un temps désolidarisé du temps de la vie.Que ce qui dure - à l’image d’une pulsation / ligne - ne s’interrompt pas avec le retour du silence.Que le silence n’existe pas par nature. Qu’il faut l’inventer, lui faire une place et que cette pulsation / ligne poursuivra sa trajectoire.En et hors de nous. Dans ces lieux. Dans nos lieux. Dans nos corps. Dans nos mémoires.Nos corps de mémoire.

Page 13: Guillaume Séguron...Je remonte la rue Joseph Vernet, passe devant le collège où quelques heures avant je menais des ateliers avec de jeunes musiciens avec le visage et les mots

Nora Feedback || Dossier artistique || Page 13

Les Dons

Il lui fut donné la musique invisiblequi est un don du temps qui dans le temps s’achève ;il lui fut donné la tragique beauté, il lui fut donné l’amour, chose terrible.

Il lui fut donné de savoir qu’entre toutes les femmesde la terre il n’en est qu’une ;un soir il découvrit la luneet avec elle l’algèbre des étoiles.

Il lui fut donné l’infamie. Docilementil étudia les crimes de l’épée, la ruine de Carthage,la lutte serrée de l’Orient et du Ponant.

Il lui fut donné le langage, ce mensonge,il lui fut donné la chair, qui est limon, il lui fut donné le cauchemar obscèneet dans le miroir l’autre, qui nous regarde.

Des livres que le temps accumuleil lui fut accordé quelques pages ;de Zénon d’Elée les quelques paradoxesque l’érosion du temps épargna.

Le sang dressé de l’amour humain(l’image est d’un Grec) lui fut donnépar Celui dont le nom est un glaiveet qui dicte les mots à la main qui écrit.

D’autres choses lui furent données avec leurs noms :le cube, la pyramide, la sphère, le sable innombrable, le boiset un corps pour marcher parmi les hommes.

Il fut toujours digne de la saveur du jour ;telle est ton histoire, qui est aussi la mienne.

Jorge Luis Borges // Atlas, p.16 & 18

Page 14: Guillaume Séguron...Je remonte la rue Joseph Vernet, passe devant le collège où quelques heures avant je menais des ateliers avec de jeunes musiciens avec le visage et les mots

Nora Feedback || Dossier artistique || Page 14

NORA FEEDBACK #4 // CARNETS & TRAJECTOIRE

CARNET #1 //En février – mars 2016, j’ai été amené à montrer des pages qui n’étaient pas destinées à l’être.

Depuis de nombreuses années mes travaux graphiques et plus largement plastiques se mélangent àmon activité de musicien et de compositeur. Aussi mon goût prononcé pour l’histoire et l’archéologie se manifestent parfois de manière évidentecomme ce fut le cas pour le disque et le spectacle Nouvelles réponses des archives – qui a commesocle la Mémoire des Républicains espagnols et traite de bien d’autres aspects – d’autrefois commede simples systèmes narratifs.

Je ne cherche pas forcement des sujets, ils se proposent à moi.Ce n’est qu’après avoir trouver une méthode formelle, d’en avoir examiner toutes les possibilités,que Je fabrique des histoires à partir de ce qui vient, sans trop à chercher à savoir pourquoi.

Je les examine, les trafique, puis j’ordonne ces sensationsDans le premier répertoire de mon trio Solo Pour Trois, plusieurs récits s’imbriquaient ainsi mais pasde manière apparente. La musique était au premier plan.Plus largement je dirai que toutes ces pratiques se rejoignent, se manifestent de manière de moins en moins cloisonné quelque soit le projet, le sujet que j’aborde. Les méthodes et les points de vus se combinent et finalement se fondent dans l’objet musical. Ainsi, je m’attache souvent autant à desaventures qui combinent plusieurs disciplines ou pratiques artistiques qu’à des styles différents.

C’est le sujet qui détermine la forme, le genre, l’orchestration. La forme définitive.

Je préserve ma pratique du jazz et de l’improvisation comme un élément central parce que dans le geste improvisé la nécessité de fabriquer des formes est indispensable. Parce que l’exploration de nouvelles directions dans l’instant du jeu impose d’avoir une mémoire de ce qui vient d’être jouer, de là par où nous sommes déjà passé, afin de pouvoir s’en éloigner, le contredire, y revenir, etc.Parce qu’aussi une thématique, un fragment rythmique ou mélodique, une simple trame peut devenir une forme et prendre du sens, une disposition à pouvoir faire beaucoup avec peu.

C’est aussi un champ assez large dans lequel je peux développer tous les aspects de ma pratique instrumentale. Ainsi jouer devient un processus autant qu’un résultat, tout en étant un espace où l’improvisation et la composition ne sont jamais dissociées. C’est avec cette conscience que je m’investis dans tous projets, ensembles, auquel je collabore.

Page 15: Guillaume Séguron...Je remonte la rue Joseph Vernet, passe devant le collège où quelques heures avant je menais des ateliers avec de jeunes musiciens avec le visage et les mots

Nora Feedback || Dossier artistique || Page 15

ADAPTATION #1 //

Ces dernières années en plus de mes diverses collaborations et de ce travailsolitaire sur la mémoire et ses manifestations, je me suis attaché à uneadaptation Théâtre-Musique de l’Étranger d’Albert Camus.En trois ans et de nombreuses représentations, j’ai pu proposer 2 versionsdu spectacle L’Étranger – Réminiscences (pièce pour un comédien et 3musiciens / guitare & violoncelle, contrebasse & basse électrique, batterie &percussions).

J’ai toujours considérer qu’une œuvre de musique vivante devaitévoluer,

que le ou les compositeurs, les musiciens devaient trouver les solutions pourproposer quelque chose de plus, de modifier un aspect pour chaque série de représentations. Enrichir la lecture, ne pas scléroser l’œuvre et s’habituer à des systèmes qui peuvent vite devenir des automatismes. Dans tous les cas, il y a un moment où le répertoire, le son de l’ensemble trouvent leurs équilibres. Un moment où la forme est là. A ce stade, juste jouer, se dépasser. Dépasser l’objet par le jeu. Le geste devant l’idée. Le moment où le compositeur disparaît sous l’instrumentiste.

Peut-être est-ce encore là mon plus important héritage du jazz et de l’improvisation.

Pour la pièce L’Étranger – Réminiscences, le comédien jouait tous les personnages du roman. J’ai suivi ce principe et par une sorte de chance –car ce n’était pas déterminé au départ – et par la capacité des musiciens à pouvoir jouer d’un autre instrument, j’ai pu multiplier les combinaisons de timbres sans avoir besoin d’augmenter l’effectif. Ainsi selon les séquences, j’ai développé de multiples propositions orchestrales de sorte que la musique rendait lisible les changements de lieux, les retours narratifs, les personnages.La voix était considérée comme un instrument soliste. Elle pouvait être seule, avec un seul instrument, avec l’ensemble. Elle pouvait se taire, disparaître ou momentanément ne plus être audible. Structurellement j’avais fabriqué des blocs de musique en fonction des blocs de textes. En fait des espaces temps, tels que je les avais déterminés dans Nouvelles réponses des archives.

Pour cette pièce, j’ai pu poursuivre un autre paramètre que j’avais déjà abordé avec le trio Solo Pour Trois, à savoir :Pouvoir – en utilisant l’amplification – jouer sur plusieurs registres d’intensité, de volume. Pouvoir par le seul passage de l’acoustique à l’amplifié faire évoluer le sens même d’une ligne musicale, d’en modifier la manière dont elle s’exprime à nous sans toucher à son sens ; exactement comme une voix qui lit un texte. Qu’il soit perçu en réel, au travers d’un téléphone, d’une radio (etc), avec ou sans effet,le sens du texte ne change pas. Seul le timbre change.

Page 16: Guillaume Séguron...Je remonte la rue Joseph Vernet, passe devant le collège où quelques heures avant je menais des ateliers avec de jeunes musiciens avec le visage et les mots

Nora Feedback || Dossier artistique || Page 16

J’avais aussi exploré ces possibilités là dans Nouvelles Réponses des Archives et mes travauxradiophoniques. Puis, utiliser toutes les potentialités des instruments électriques (effets, boucles, etc) selon la nécessite imposée par le séquence musicale, avec la liberté de choisir au moment du jeu.

De conserver une souplesse plastique qui fasse que même à l’intérieur d’une séquenceécrite, l’instrumentiste puisse modifier la texture du son. En fait continuer à improviser.

CARNET #2 //En février – mars 2016, j’ai été amené à montrer des pages qui n’étaient pas destinées à l’être.

Parallèlement à la résidence pour la seconde version de la pièce L’Étranger – Réminiscences à LA GARANCE(Scène Nationale de Cavaillon) et à l’AJMI (Avignon), j’ai élaboré une exposition de mes CARNETS avec commefil conducteur la figure centrale d’Albert Camus

Ces Carnets n’avaient jamais été destinés à être montré.

Bien sûr lorsque j’ai redécouvert, exploré - les archéologues diraient "inventé" - une bonne quinzaine decarnets, examiné toutes ces années, j’ai débordé la thématique. Le cadre s’est disloqué de lui-même.Après avoir terminé la sélection des images, des textes, des notes. Fait les tirages, l’accrochage.

Lorsque j’ai été face à cela, j’ai senti quelque chose avait bougé.

En regardant, en parcourant ces pages, des lieux, des périodes me sont revenus à l’esprit. J’ai surtout vérifier le sentiment de la persistance de certains traits, de leurs évolutions, de leurs transformations dans la durée, des points communs qui les lient même dans la distance.

Il y avait aussi quelque chose d’invariable.J’ai senti que si j’étais peut-être face à ma propre mémoire,

j’étais en face à une trace.Qu’ici je n’employais pas un sujet pour interroger la question du temps, de l’histoire, de la durée, de la résurgence.

Bien que tout ce qui constituait le récit m’était propre, rien n’était véritable biographique.Il s’agissait d’agencement de fragments qui ensemble constituaient, composaient un tout, donc une histoire.

ADAPTATION #2 //Je me suis donc posé la question suivante :Comment transposer cette méthode, ce principe en un objet non plus graphique mais musical. J’ai donc ouvert mes CARNETS de musique, ces pages constituées de 5 lignes sur lesquelles il y a des bouts de phrases, des notes, des rythmes, des notes. Des éléments sans suite, inscrits comme ça, qui

Page 17: Guillaume Séguron...Je remonte la rue Joseph Vernet, passe devant le collège où quelques heures avant je menais des ateliers avec de jeunes musiciens avec le visage et les mots

Nora Feedback || Dossier artistique || Page 17

attendent une idée. Une phrase isolé comme un point, le début d’un trait. Le moment où le styloexerce une pression sur la feuille avec la première lettre soit inscrite.

NORA FEEDBACK sera ces quelques appréhensions que je vais essayer de préciser

Guillaume Séguron / SundanceKid Studio / 11 novembre 2016

NORA FEEDBACK #5 // SOURCES & CONTACTS

(Préfixe C pour CARNET)

Page 1 (Endroit) = C7_IMAGE-64Page 2 = C10_IMAGE-40Page 3 = La Stèle du Rocher des Dons. Musée Calvet, Avignon.Page 4 = C8_IMAGE-45Page 5 = Giuffre In Cagliari_11/08/2012Page 6 = C11_IMAGE-1Page 7 = La Dame de Saint Sernin. Musée Fenaille. RodezPage 8 = André Leroi-Gourhan / Le Geste et la Parole. Ina.Page 9 = C8_IMAGE-7Page 10 = C10_TEXTE-1. Albert Camus / L’Énigme, in L’Été. Page 11 = SketchBook sans titre / Jorge Luis Borges / Les Dons, in Atlas.Page 12 = C6_IMAGE-28Page 13 = André Leroi-Gourhan / Le Geste et la Parole. Ina.Page 14 = C4_IMAGE-50Page 15 = C3_TEXTE-1. Albert Camus / La mer au plus près, in L’Été.Page 16 (Envers) = C7_IMAGE-65

Guillaume Séguron // 21 rue porte de France, 30 900 Nîmes // 06 77 11 29 66 // [email protected]

Graphisme, dessins et photo page 5 : Guillaum

e Séguron

Page 18: Guillaume Séguron...Je remonte la rue Joseph Vernet, passe devant le collège où quelques heures avant je menais des ateliers avec de jeunes musiciens avec le visage et les mots

« modification de ce qui précède par ce qui suit »