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ANNE BOURREL

HERVÉ COMMÈRE

SÉBASTIEN GENDRON

FRÉDÉRIC JACCAUD

SOPHIE LOUBIÈRE

CINQPOLARSDU XXIÈME

SIÈCLE

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Cet ouvrage a été publié avec le concours de la Région Nouvelle-Aquitaine et de la Drac Nouvelle-Aquitaine, dans le cadre des résidences SOFILM DE GENRE CNC/Canal+/SACEM/département du Lot-et-Garonne.

Directeur : Thierry LounasResponsable des éditions : Camille Pollas Coordination éditoriale : Maxime Werner

Conception graphique : Marc Lafon

Coordination de la résidence : Tiphaine Robion

© Capricci, 2017isbn 979-10-239-0279-2isbn PDF web 979-10-239-0285-3

Sophie Loubière remercie Caroline de Benedetti (Association Fondu au Noir).Jean Harambat remercie Hervé Bonnet.

Droits réservés

Capricci [email protected] www.capricci.fr

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MIRAGE HÔTEL ANNE BOURREL

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UN CHAGRIN D'AMOUR SÉBASTIEN GENDRON

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TAIRE FRÉDÉRIC JACCAUD

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TOMATIC HERVÉ COMMÈRE

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MAUVAISE JOURNÉE, HIER SOPHIE LOUBIÈRE

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"… quise vengar el ultraje, lleno de ira y coraje

sin compasión los maté!"Carlos Gardel, "Noche de Reyes"

Un homme qui danse oublie tout, disait ma mère, le sale temps et la laideur du dehors. Pourtant je n’avais pas le cœur à m'approcher de toutes ces filles aux culs excentriques et aux mollets bien dessinés. Dans la maison de tango surchauffée ce vendredi-là, le froid de la rue s’obstinait à me coller aux os. Je grelottais malgré le bal chaleureux et les nombreux couples enlacés. Et le bandonéon n’y pouvait rien.

Il fallait que je m'assoie, j'avais la tête qui tournait. Sur le chemin, j'avais voulu retirer un peu d'argent. Ma carte

bleue avait été avalée par le distributeur. Plus de chéquier depuis longtemps. Mon compte était à sec. J'avais dû prétexter l’oubli de mon portefeuille pour qu’on me fasse crédit à l’entrée. La patronne qui tenait la caisse m'a accordé cette faveur, une vioque trop maquillée qui se la jouait jeune avec son décolleté comme un ravin de haute montagne : Pour cette fois, ça passe, elle a soupiré. Elle me fixait de ses yeux glauques menacés par la cataracte. Mais tu sais, Roberto, pour nous aussi les temps sont durs.

MIRAGE HÔTEL

ANNE BOURREL

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En vrai, je ne suis que Robert. Robert, Henry, Charles Lebœuf, né au Havre un jour de pluie

comme un autre, mais j'aime me faire appeler par ce prénom. Une voyelle en plus qui vaut tout l’or du monde. Un O oméga, un O clairon, un O qui fait vibrer les filles sur leurs talons pointus et donne à ma danse un air authentique et profond.

Quand je suis arrivé ce soir-là d'hiver sombre à la Milonga del Angel, le bal était déjà plein. Ça sentait la sueur et la vie dure mais au moins, c’était DJ Ramiro qui musicalisait, on était certain d'avoir de bons morceaux. Je l’ai salué de loin. Il m'a souri derrière la pomme de son ordinateur. Il n’y avait que les habitués. Visages sombres crispés, en imitation de ce qu’ils imaginaient être un vrai visage d'Argentine et pour d'autres, plus rares, sourire d'extase, bouche gourmande. Les couples tournaient et tournaient dans le sens inverse des aiguilles d'une montre depuis des siècles et j'aurais donné cher pour retrouver en moi la force d'exister.

Autour de la piste de danse, les chaises étaient occupées par les moins bonnes danseuses et surtout les plus moches. Les belles et les plus douées virevoltaient au bras des danseurs en sous-effectif. Le tango, c’est le combat des femelles avec le mâle. Elles attendaient qu’on les invite en nous montrant leurs cuisses, toutes ces débu-tantes mal fagotées, les grosses et les trop maigres. Quelques cours, une baise vite expédiée : avant, c’était ma plus fidèle clientèle mais avec l’inflation qui galopait, plus moyen de se faire payer mes services. Les cours, personne ne pouvait se les permettre. La baise, non plus. C’était loin de faire mes affaires.

Ce soir-là, transi de froid, épuisé par la vie dure, j'avais les jambes en coton. Je n’étais même pas la moitié de moi-même. Mon ventre gargouillait. J'aurais bouffé mes chaussures tellement j'avais faim. Ramiro m'a fait un signe vers les femmes en attente. Il m'a fallu les tenir dans mes bras, supporter sans broncher leur odeur vétiver verveine et leurs pieds maladroits qui butaient contre les miens.

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Je suis sorti de la piste et j'ai tourné un moment autour du bar. La vioque de l’entrée est venue me servir un petit blanc : un ballon contre une danse ?

D'une lampée, j'ai bu ce vin chaud sans saveur et j'ai tourné les talons en haussant les épaules. Avec elle, danser ? Non, vraiment, merci, sans façon. J'ai chopé au passage une part de gâteau et des olives que les gens avaient apportées. Ça me ferait enfin un repas, ce soir. J'ai fini par trouver un coin où m'asseoir, dans un carré d'ombre, près du chauffage électrique dont j'ai poussé la molette au maximum.

Les autres continuaient à danser. La musique les enivrait. Je remuais tout un tas de questions. C’est jamais bon, ça, les questions matérielles, quand on s’appelle plus ou moins Roberto et qu’on vient danser le tango à la Milonga del Angel.

La tête dans les mains, je cherchais comment m'en sortir, mais de solution, je n’en voyais pas et l’horizon se rapprochait à m'en faire éclater les synapses.

Un mouvement imperceptible dans l’air. Une parcelle de par-fum sucré. Ce quelque chose m'a fait me redresser. J'ai relevé la tête et elle était là.

Flamme rousse éclairée par la lumière de l’entrée qui tombait en douche sur ses épaules dénudées. Une apparition. Sa peau blanche, laiteuse comme un jour de brume océanique. Son regard clair. Sa silhouette de sirène.

Tous les danseurs de la région se connaissaient, mais elle, j'en étais certain, je ne l’avais jamais vue nulle part.

Elle s’est assise. Au-dessus d'elle un miroir reflétait le bal. Elle a posé son coude sur le guéridon. La vioque lui a apporté un vin noir. Le dos bien droit et le regard pénétrant, elle observait les danseurs qui passaient devant elle. Cette femme-là, elle n’attendrait pas qu’on vienne la choisir.

Elle a bu son verre à moitié. Le dernier morceau de la série

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commençait lorsqu’elle s’est penchée en avant pour détacher la bride de sa chaussure de ville, des escarpins que je n’ai eu le temps que d'entre-apercevoir. Elle a défait le cordon du pochon de soie pour en sortir une paire de chaussures de danse à paillettes avec des talons, au jugé de neuf centimètres.

J'ai vu ses pieds pointés devant elle, le rouge de son vernis, ses jambes galbées et ses chevilles fines. Le velours de sa peau appelait la caresse. Elle s’est chaussée avec lenteur. À peine elle bougeait qu’elle dansait déjà. Elle a agrafé ses lanières, puis elle s’est redressé et a jeté un regard vers le bal.

La chanson s’achevait. Ramiro lançait la série suivante. Une danseuse longue et osseuse lorgnait vers moi. Je sentais son œil qui cherchait à m'agripper. J'ai tenu bon, j'ai regardé dans le vague. La musique a repris. La grande maigre s’est rassise en soupirant.

Ça repartait, ça tournait, mêmes visages, nouveaux couples. J'ai fait des allers retours du buffet à ma chaise pour me resservir des olives et une autre part de gâteau. Avec cette faim qui me tiraillait le ventre.

J'aurais bien pris une canette de soda dans le distributeur mais j'avais les poches vides.

Accoudée au guéridon, la rousse a tourné la tête vers moi. Ses traits étaient fins et délicate la rondeur de ses courbes. Elle m'a lancé un regard explicite. Je me suis félicité de n’avoir pas répondu aux œillades de la grande fille toute en os et j'ai répondu à son regard appuyé par un regard interrogateur, main gauche ouverte, paume vers le haut. Elle a acquiescé d'un hochement de tête discret. Je me suis levé, mes jambes ne tremblaient plus. Je me suis avancé jusqu’à elle en glissant.

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